Intervention de Marlène Schiappa

Séance en hémicycle du mercredi 16 mai 2018 à 15h00
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Après l'article 2

Marlène Schiappa, secrétaire d'état chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes :

De même qu'à Mme Chapelier précédemment, permettez-moi, monsieur Taquet, de vous faire part d'une remarque personnelle, si ce n'est d'une conviction, en ce qui concerne les réactions des femmes après un viol ou des violences sexuelles. Vous évoquez le cas d'une femme qui se présenterait au commissariat avec le sourire, ce qui peut être le signe qu'elle souffre d'un TSA. Je rappelle que les réactions des femmes, et au demeurant des hommes et des enfants, face aux violences sexistes et sexuelles ne sont pas uniformes. Il faut vraiment que nous arrivions, collectivement, à nous défaire de la représentation stéréotypée de la victime de violences sexistes et sexuelles, et en particulier de la victime de viol.

Virginie Despentes l'explique très bien dans son livre King Kong Théorie : la réaction attendue de la part d'une femme victime de viol par l'ensemble de la société est qu'elle se cloître chez elle, qu'elle ne se mette plus « en danger » et qu'elle s'extraie du « marché de la séduction ». Or je crois qu'il existe autant de réactions face au viol qu'il y a de victimes de viol. Une femme peut avoir été violée et sourire, même sans souffrir d'un TSA. Cela peut être parce qu'elle est en état de sidération, ou en état de stress post-traumatique – ou peut-être aucun des deux : certaines femmes violées ne sont ni sidérées ni traumatisées. Tous les cas existent, et il faut tous les observer lucidement, en se gardant de mettre dans des cases la réaction ou l'attitude de telle ou telle femme.

Je fais ce préalable car ces stéréotypes sont aussi exploités ensuite dans les procès. Un acquittement a été prononcé récemment dans une affaire de viol – je me permets de le commenter car cela s'est passé à l'étranger : je respecte donc la séparation des pouvoirs – au motif que la victime avait été vue à une fête au cours de la semaine suivante. On peut avoir été violée et aller à une fête la semaine d'après. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu viol.

Pour le reste, du point de vue du droit, la modification que vous proposez est inutile, car le code de procédure pénale prévoit déjà, notamment dans ses articles 10-5 et D1-3 à D1-9, une évaluation personnalisée des victimes et la nécessité de prendre en compte cette évaluation lors des auditions. Ces dispositions ont bien sûr vocation, c'est leur sens même, à s'appliquer aux victimes en situation de handicap. L'article D1-3 précise que doit être prise en compte la « vulnérabilité particulière de la victime, résultant notamment de son âge, d'une situation de grossesse ou de l'existence d'un handicap ». L'article D1-7 précise par ailleurs : « chaque audition de la victime a lieu dans des locaux conçus ou adaptés à sa situation ».

Votre demande est donc pleinement satisfaite par le droit existant. Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

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