Intervention de Sophie Mette

Séance en hémicycle du jeudi 17 mai 2018 à 9h30
Engagement associatif — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Mette, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'éducation nationale, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, chers collègues, réunie le 9 mai dernier, la commission des affaires culturelles et de l'éducation a adopté et enrichi notre proposition de loi portant sur l'engagement associatif. Je ne peux, bien évidemment, que m'en réjouir, car même s'il ne s'agit que d'une petite pierre apportée à un très vaste édifice, même s'il est modeste, c'est un premier signal tangible envoyé aux associations, qui sont confrontées à de multiples défis.

Sur l'ensemble du territoire, ce sont 1,3 million d'associations qui concourent à l'intérêt général. Elles créent, pour tous, des plus jeunes aux seniors, du lien social, de la citoyenneté ; elles offrent des services de proximité, en particulier aux plus fragiles. Elles permettent à chacun de s'exprimer dans des activités culturelles ou sportives. À l'exception des politiques régaliennes, le tissu associatif contribue ainsi très largement aux politiques publiques et joue un rôle indispensable en matière de construction de la société.

Or l'organisation des associations est fragilisée, tant dans leur modèle économique que dans l'évolution des formes de bénévolat ou dans leur gouvernance. Au regard des enjeux de société auxquels elles répondent, il est de notre responsabilité collective de les soutenir, de les appuyer et de les accompagner, par la mise en oeuvre d'une politique publique adaptée. À cet égard, la reconnaissance des compétences acquises par les bénévoles me semble être un sujet urgent. Je profite donc de cette tribune pour inviter le Gouvernement à se pencher sans tarder sur la promotion de dispositifs de valorisation des compétences acquises par les bénévoles dans le cadre de leurs engagements associatifs.

Pour en revenir au texte adopté par la commission, celui-ci s'articule autour de deux grands axes destinés à favoriser l'engagement associatif. Tout d'abord, l'article 1er vise à encourager la prise de responsabilité associative, en prenant en compte la réalité du monde associatif et les fortes contraintes, notamment financières, qui pèsent sur les dirigeants. Le bénévolat est, pour les associations, un sujet de préoccupation aussi important que la crainte de manquer de financements. Le renouvellement des dirigeants associatifs bénévoles constitue aujourd'hui l'une des difficultés majeures du monde associatif ; il serait même la première recensée par les associations.

Il faut dire que la fonction de dirigeant bénévole d'une association, outre qu'elle exige une grande disponibilité et des compétences variées, est susceptible d'engager la responsabilité financière de celui-ci, même en cas de simple négligence. Les conséquences peuvent être lourdes : il risque d'avoir à supporter personnellement tout ou partie des dettes, alors même que son patrimoine est bien distinct de celui de l'association. De plus, il relève actuellement du seul pouvoir du juge de tenir compte ou non du caractère bénévole pour imputer moins rigoureusement la responsabilité aux dirigeants bénévoles. C'est là une insécurité juridique qui contribue, bien évidemment, à la crise du renouvellement dans les fonctions de dirigeant associatif bénévole.

Par ailleurs, il n'y a pas de parallélisme des formes entre le code de commerce et le code civil, ce dernier disposant que la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire. C'est pourquoi l'article 1er atténue la responsabilité financière du dirigeant associatif bénévole en cas de faute de gestion, en étendant l'exception de négligence prévue à l'article L. 651-2 du code de commerce aux dirigeants d'association. Il serait ainsi désormais fait référence à toute personne morale – ce qui inclut les associations – , et non plus seulement aux sociétés.

Il est également proposé d'obliger les magistrats à tenir compte du statut de bénévole et à examiner les moyens dont disposait le dirigeant pour se prémunir des risques financiers. Il s'agit, en cas de liquidation judiciaire d'associations, d'atténuer les condamnations des dirigeants bénévoles au titre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actifs. Il est ainsi prévu que « le tribunal apprécie l'existence d'une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant et de l'insuffisance des moyens dont il disposait pour prémunir l'association contre des risques financiers ». Cette disposition s'appliquera à toutes les associations non assujetties à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, c'est-à-dire à celles dont les « activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant [des] recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 61 634 euros. »

La commission a complété le texte avec un article 1er bis nouveau, ainsi rédigé : « le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2019, un rapport sur l'opportunité d'affecter les dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations sur un compte d'affectation spéciale au bénéfice du fonds pour le développement de la vie associative », le FDVA. Cette disposition se fonde sur la loi dite « Eckert » du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance-vie en déshérence. Cette loi a défini les comptes inactifs et imposé aux établissements bancaires d'en rechercher les titulaires, et de publier chaque année le nombre et l'encours des contrats inactifs maintenus dans leurs livres. Les banques doivent assurer le transfert des encours concernés à la Caisse des dépôts et consignations, au terme d'un délai de deux ans suivant le décès du titulaire du compte, ou de dix ans dans les autres cas, en fonction du début de la période d'inactivité du compte.

Il s'agit donc de faire évoluer le dispositif actuel, de sorte qu'à l'issue de la période de prescription trentenaire, le montant des sommes figurant précédemment sur les comptes inactifs des associations soient inscrit sur un compte d'affectation spéciale au bénéfice du FDVA. Le fonds estime que 100 millions d'euros seraient ainsi mobilisables.

Favoriser l'engagement associatif passe aussi par l'incitation des jeunes à s'engager et par l'éducation à l'engagement dans le parcours scolaire. L'article 2 poursuit cet objectif. Il vise à inscrire la sensibilisation à la vie associative, au même titre que le service civique, dans le cadre de l'enseignement moral et civique des élèves de collège et de lycée, afin de valoriser le bénévolat et les associations. Dans cette optique, l'article 2 vise à compléter l'article L. 312-15 du code de l'éducation, qui disposera ainsi que « l'enseignement moral et civique sensibilise également les élèves de collège et de lycée à la vie associative et au service civique prévu au titre Ier bis du livre I du code du service national ».

Il est essentiel que les jeunes soient sensibilisés au plus tôt. Il faut favoriser chez les collégiens et lycéens un éveil à une conscience citoyenne, stimuler chez eux l'envie de contribuer, notamment par leur engagement au sein du monde associatif, et de donner corps aux valeurs de la République que l'école leur inculque à travers l'instruction civique.

Si, pour les jeunes, le service civique est le premier dispositif d'engagement volontaire associé aux idées de citoyenneté et de solidarité, il n'est pas le seul moyen de s'engager. Sensibiliser les jeunes à la vie associative est une offre complémentaire au désir d'engagement qu'ils éprouvent. La commission a estimé que, si la sensibilisation à la vie associative prévue par l'article 2 de la présente proposition de loi était une excellente chose, il convenait de ne pas la réserver aux seuls élèves de collège et de lycée, ce qui était le cas dans la rédaction initiale. C'est pourquoi elle a fait le choix de compléter l'article par un alinéa introduisant une sensibilisation à la vie associative auprès des élèves de CM2. Cette disposition tient compte du découpage de la scolarité en cycles et permet d'enrichir le lien entre le CM2 et la sixième.

Aujourd'hui, le bénévolat permet d'exprimer sa citoyenneté en ayant le sentiment de contribuer à quelque chose qui dépasse très largement l'activité réalisée. Faire la promotion du bénévolat à l'école constituerait un premier pas vers l'engagement citoyen. Sur les 13 à 18 millions de bénévoles que compte la France, les deux tiers s'engagent dans des associations. Souvent, celles-ci inventent des réponses pertinentes et innovantes aux besoins sociaux et sociétaux, au plus près de nos concitoyens. Dans un contexte de transitions multiples, leur action et leur engagement s'inscrivent dans le temps long nécessaire au changement. Il nous faut donc nous saisir de toutes les occasions de les aider à relever les défis auxquels elles sont aujourd'hui confrontées.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, j'espère que le vote de la commission sera conforté ce matin, en séance, et que vous donnerez aux associations un premier signal, qui a, bien sûr, vocation à en appeler d'autres. J'espère également que vous permettrez à cette proposition de loi de prendre sa place dans notre arsenal législatif.

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