Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du jeudi 17 mai 2018 à 15h00
Prestation de compensation du handicap — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Par exemple, il peut arriver qu'une personne en situation de handicap n'ait jamais demandé le bénéfice de la PCH parce qu'un proche lui apportait l'aide humaine qui lui était quotidiennement nécessaire. Si ce proche n'est plus en mesure de le faire – parce qu'il vieillit ou décède – alors que la personne handicapée est âgée de plus de soixante-quinze ans, celle-ci est alors dans l'impossibilité de solliciter le bénéfice de la PCH, alors même que son handicap s'est déclaré avant l'âge de soixante ans. Dès lors, la seule possibilité dont elle dispose est de solliciter le bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie – APA – qui, d'une manière générale, ouvre droit à une prise en charge bien moins complète que la PCH.

Dans ce contexte, la suppression de la barrière d'âge de soixante-quinze ans pour solliciter le bénéfice de la PCH s'avère une mesure de bon sens visant un objectif d'équité. Elle permet de prendre en compte les changements intervenus dans l'environnement des personnes en situation de handicap âgées de plus de soixante-quinze ans, mais aussi l'allongement de leur espérance de vie, qui, de nos jours, est une réalité.

Si elle était adoptée, cette mesure permettrait d'améliorer le droit à la compensation d'environ 8 600 personnes handicapées vieillissantes – selon l'évaluation de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS – pour un coût d'environ 69 millions d'euros par an.

Bien entendu, l'article visant à supprimer la barrière d'âge de soixante-quinze ans n'est pas une fin en soi. Il invite à évaluer la pertinence de la barrière d'âge de soixante ans. À titre personnel, j'estime que le débat sur la suppression de la barrière de soixante ans devra nécessairement être ouvert. Cette limite d'âge mérite en effet d'être réévaluée, en raison de l'augmentation de l'espérance de vie ainsi que de l'âge minimum de départ à la retraite – de soixante à soixante-deux ans.

S'il est prématuré de trancher ce débat aujourd'hui en l'absence d'évaluation financière fiable, nous devrons y être particulièrement attentifs au cours des prochains mois. Les travaux de la Conférence nationale du handicap, qui s'ouvriront dans quelques semaines, permettront – je l'espère – d'aborder ce sujet.

J'en viens maintenant à l'article 2 de la proposition de loi, relatif aux restes à charge des personnes en situation de handicap. Il s'agit de sortir d'une impasse juridique découlant de la loi du 11 février 2005 s'agissant du fonctionnement des fonds départementaux de compensation du handicap, qui sont chargés d'attribuer des aides financières extralégales aux personnes en situation de handicap pour leur permettre de faire face aux frais de compensation restant éventuellement à leur charge après versement de la PCH.

D'emblée, leur fonctionnement a été fragilisé par deux logiques parfaitement contradictoires, toutes deux retenues par l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles. D'une part, l'abondement des fonds repose sur des financements facultatifs. En effet, ils peuvent être financés par plusieurs acteurs – les départements, l'État, les régions, les organismes d'assurance maladie et les caisses d'allocations familiales – dont la participation n'est pas obligatoire.

D'autre part, le même article dispose que les frais de compensation restant à la charge du bénéficiaire de la PCH ne peuvent excéder 10 % de ses ressources personnelles nettes d'impôts « dans des conditions définies par décret ».

Il s'agit donc d'une obligation légale dont la mise en oeuvre repose sur des fonds au financement facultatif. La contradiction intrinsèque à cet article a empêché la publication du décret d'application, et donc l'entrée en vigueur effective des dispositions relatives au reste à charge.

Faute de publication du décret d'application, la mise en place des fonds de compensation départementaux du handicap a été diversement effectuée sur le territoire national. Chaque conseil départemental a décidé des publics éligibles ainsi que des montants et des types d'aides attribués.

Il en résulte de fortes inégalités entre les départements, qui ne sont pas acceptables. D'après une enquête de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – menée en 2016, les fonds ont permis de financer en moyenne 134 interventions par département en 2015, mais les écarts sont très importants d'un département à l'autre. Ainsi, le fonds de compensation du handicap d'un département n'a financé aucune intervention pour 17 demandes examinées, et celui d'un autre en a financé 468.

S'agissant des types d'aides financées par ces fonds, les aides techniques représentent en moyenne un peu plus de la moitié des dépenses – 53 % exactement – , mais il existe de fortes différences entre les départements, leur proportion allant de 0 à 85 % des dépenses.

En outre, un tiers des départements contribuent au financement de tous les aspects de la PCH, les autres limitant leur aide à certains d'entre eux – le plus souvent les aides techniques ainsi que l'aménagement d'un logement ou d'un véhicule.

Quant à l'aide humaine, elle est très peu prise en charge par les fonds de compensation. Par ailleurs, presque toutes les MDPH prennent en compte le niveau de ressources de la personne handicapée dans le calcul du montant de l'aide qui lui est accordée. Toutefois, ce calcul est effectué très différemment selon les départements.

Enfin, le niveau du reste à charge pour l'usager est pris en compte par près de 90 % des fonds de compensation ayant répondu à l'enquête, mais de façon variable. Si certains départements interviennent dès que le reste à charge est supérieur à 10 % des ressources annuelles de la personne handicapée, comme le prévoit la loi, d'autres examinent les demandes au cas par cas et apprécient la globalité de la situation du demandeur. D'autres encore estiment que le reste à charge doit être plafonné.

Dans ce contexte, l'article 2 de la proposition de loi vise deux objectifs : réduire les inégalités de prise en charge entre les départements et permettre enfin l'application de la disposition législative prévoyant pour les bénéficiaires de la PCH un reste à charge maximal de 10 % de leurs ressources. Pour ce faire, il prévoit une expérimentation menée pendant trois ans dans les départements volontaires.

Pour conclure, la proposition de loi que je vous présente, chers collègues, permet d'améliorer le droit à la compensation des personnes en situation de handicap. Elle ne règle pas à elle seule toutes les difficultés, mais constitue une première avancée. Les deux mesures que j'ai présentées ne sont pas négligeables pour ceux qui en bénéficieront.

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