Intervention de Alain Ramadier

Séance en hémicycle du jeudi 17 mai 2018 à 15h00
Prestation de compensation du handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Ramadier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi relative à l'amélioration de la prestation de compensation du handicap repose sur deux articles. Le premier, qui vise à supprimer la barrière d'âge à soixante-quinze ans dans l'accès à la PCH, concilie bon sens et soutien à nos aînés ; je ne peux donc que m'en réjouir. Le second, visant à organiser une expérimentation dans des départements volontaires, afin de réduire le reste à charge des bénéficiaires de la PCH, m'apparaît, à plus d'un titre, plus problématique.

Revenons un peu en arrière. La loi de 2005 crée les fonds départementaux de compensation du handicap afin de limiter les restes à charge supportés par les personnes handicapées à 10 % de leurs revenus. Or il s'avère que les gouvernements successifs n'ont jamais publié le décret d'application, laissant les personnes handicapées dans des situations financières désespérées.

Par définition, des expérimentations ne peuvent être assimilées à des engagements concrets, viables et immédiats ; elles ne peuvent donc répondre à l'urgence. Car il y a urgence, le rôle du politique consistant avant tout à veiller au respect de la loi et à sa bonne application. Les acteurs du terrain attendent que la représentation nationale et l'État prennent, dès cette année, leurs responsabilités. N'est-il pas en effet problématique de reporter à 2021 l'application éventuelle d'une disposition législative votée en 2005 ? La question de la compensation du reste à charge pour les personnes handicapées, que pose donc l'article 2 de ce texte, appelle à regarder en face des réalités de terrain très concrètes sur la situation des personnes handicapées et des départements.

Dans les faits, plus le handicap est lourd, moins il est remboursé par l'assurance maladie. Cette situation montre combien les personnes handicapées doivent batailler pour bénéficier des mêmes droits. En outre, de plus en plus de bénéficiaires de la PCH se voient réclamer des indus par les services payeurs des conseils départementaux, indus qui peuvent quelques fois atteindre plusieurs milliers d'euros, occasionnant de grands désarrois chez des bénéficiaires peu habitués à se voir réclamer de telles sommes.

Selon une étude de l'AFM-Téléthon réalisée en 2014, sur 477 projets d'achats de fauteuils électriques, seuls 57 % du coût moyen – 23 000 euros – étaient financés par la Sécurité sociale et la PCH. Salée, la note s'avère en plus fort disparate, selon le département de résidence.

J'en viens ainsi à la situation des départements. Face à la baisse continue des dotations de l'État, ces derniers doivent sans cesse opérer des choix cornéliens entre les diverses dépenses sociales relevant de leur responsabilité. En conséquence, selon un rapport de la Cour des comptes de 2015, la dépense moyenne par bénéficiaire représente plus de 6 800 euros dans les départements les mieux lotis et moins de 3 500 euros dans les départements situés en bas de classement.

Selon la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, plusieurs raisons expliquent ces disparités, à commencer par les caractéristiques socio-économiques du département : sans surprise, plus le potentiel fiscal par habitant est élevé, plus les politiques sociales en matière de handicap sont généreuses. Nous sommes là au coeur du sujet.

Face à ces disparités, l'heure est à la mise en oeuvre d'une plus grande harmonisation entre les différents départements dans le calcul du remboursement des aides technique et dans le calcul de la PCH. L'heure est à la consolidation de l'unité et de l'indivisibilité de notre République. Qu'est-ce que la solidarité nationale, si ce n'est l'idée que les territoires les mieux dotés appuient les plus vulnérables, si ce n'est l'idée d'une certaine équité territoriale défendue et promue par l'État ? Le sujet dont nous débattons cet après-midi appelle donc une vision d'ensemble et une exigence de clarté et de continuité dans l'action publique.

En novembre dernier, reconnaissant qu'« une connaissance accrue des aides techniques et de leur coût était nécessaire pour déterminer les mesures à prendre », le Gouvernement s'est engagé sur deux axes : réactiver l'Observatoire du marché et des prix des aides techniques et mobiliser la DREES pour réaliser une enquête sur les bénéficiaires de la PCH.

Dans un contexte où l'État mobilise ses services pour mesurer le niveau de reste à charge des personnes handicapées, comment s'engager sur une expérimentation visant à diminuer ce reste à charge ? Soit nous attendons les réponses des services de l'État pour améliorer le dispositif, soit nous exigeons, au plus vite, sa mise en oeuvre pleine et entière ; mais il est nécessaire de trancher.

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