Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du jeudi 17 mai 2018 à 15h00
Désignation aléatoire des comités de protection des personnes — Présentation

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui vise à renforcer l'efficacité du tirage au sort des comités de protection des personnes, procédure à laquelle doit se soumettre tout promoteur de recherche – académique ou industrielle – impliquant la personne humaine pour obtenir un avis éthique sur son projet de recherche.

Je tiens avant tout à remercier les auteurs de cette proposition de loi, qui traite d'un sujet majeur pour la recherche clinique française, et qui contribue utilement à l'une des priorités du Gouvernement : maintenir et renforcer l'attractivité de la France en matière de recherche impliquant la personne humaine, tout en assurant la sécurité des personnes qui s'y prêtent.

La France figure parmi les trois pays européens les plus attractifs en matière de recherche, aux côtés de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, même si, depuis quelques années déjà, elle accuse un retard pour les essais cliniques de phase 1. Nous nous devons de rattraper ce retard et de tenir notre rang, mais nous devons aussi aller au-delà, parce que notre pays a les moyens d'être un leader mondial de la recherche clinique. C'est pour cette raison que le renforcement de l'attractivité de la recherche française est l'un des axes de travail du Conseil stratégique des industries de santé, piloté par le Premier ministre. Cette attractivité est aussi un levier important de l'accès au progrès médical.

Agir en la matière suppose la mobilisation de l'ensemble des acteurs : d'une part, celle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, qui a d'ores et déjà adapté son organisation en mettant en place une phase pilote de fonctionnement répondant aux exigences du règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments, en particulier s'agissant des délais d'autorisation ; d'autre part, celle des promoteurs de recherche et bien sûr des CPP. Je tiens à souligner que les membres de ces comités, qui sont des bénévoles, malgré les difficultés rencontrées, réalisent leur mission avec un dévouement qui doit être salué.

Votre proposition de loi apporte une solution à un point de cristallisation de la mise en oeuvre, en novembre 2016, de la réforme des recherches impliquant la personne humaine, à savoir le dispositif d'attribution du dossier de recherche à un CPP, de façon purement aléatoire, par un système d'information. Elle permet de maintenir l'exigence de déontologie forte qui était légitimement voulue lors de la mise en place de ce tirage au sort, à savoir l'absence de tout conflit d'intérêt : il s'agit bien d'améliorer le tirage au sort, certainement pas de le remettre en cause. Mais elle répond en même temps à la volonté des personnes malades et des professionnels de santé impliqués dans la recherche d'accéder dans les meilleurs délais, lorsque cela est possible, à des traitements innovants.

Il est certain que le tirage au sort a eu pour conséquence un allongement du rendu des avis des CPP ; il a aussi conduit, dans certaines disciplines, à une perte de qualité des avis rendus. Il a aussi conduit à un changement brutal d'organisation de certains CPP, qui ont du mal à faire face à un flux désormais continu de dossiers, compte tenu des dates de réunions préalablement fixées. Il a mis en évidence le fait que certains CPP ne disposent pas de la compétence pour des projets complexes ou spécifiques – comme les essais pédiatriques que vous avez cités, monsieur le rapporteur, mais aussi pour les maladies rares : cela les empêche de se prononcer dans les délais réglementaires.

C'est pourquoi je vous rejoins totalement quant à la nécessité de réformer le tirage au sort des CPP en pondérant le caractère aléatoire par les deux critères de compétence et de disponibilité des comités. Ces constats sont d'ailleurs partagés par la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, la CNRIPH, qui est placée auprès de moi et qui travaille depuis son installation, en juin 2017, à l'amélioration du fonctionnement des CPP.

Il convient par ailleurs de rappeler que nos travaux s'inscrivent dans un cadre réglementaire européen en évolution : les règlements européens portant sur les essais cliniques de médicaments et sur les dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro entreront en vigueur respectivement en 2020 et en 2022. Ces futurs règlements européens disposent qu'un CPP qui ne répondrait pas dans les délais rendrait par défaut un avis favorable. Cela serait préjudiciable à la sécurité des personnes se prêtant volontairement aux essais cliniques. Il est donc indispensable de permettre aux CPP de rendre des avis de qualité dans les délais, et c'est ce que permettra votre proposition de loi.

Je m'engage par ailleurs à mettre tout en oeuvre, tant d'un point de vue réglementaire que pratique, pour que votre proposition puisse être applicable le plus rapidement possible.

À ce propos, vous suggérez, monsieur le rapporteur, plusieurs mesures très concrètes, qui ne relèvent pas de dispositions législatives, et qui contribueraient selon vous à l'amélioration du fonctionnement des CPP. Vous avez raison. Je m'engage ainsi, monsieur le rapporteur, à ce que des moyens financiers supplémentaires soient alloués aux CPP dès cette année, afin de renforcer les personnels permanents. Ces personnels sont la clef de voûte du fonctionnement des CPP et je salue leur engagement professionnel. Mes services ont par ailleurs déjà engagé des réflexions sur les moyens de mieux valoriser les carrières des membres des CPP.

Comme vous le voyez, nos travaux visent le même objectif et je suis sûre que nous réussirons ensemble à renforcer la recherche clinique française, au profit des malades qui en ont besoin.

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