Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 17 mai 2018 à 15h00
Désignation aléatoire des comités de protection des personnes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux d'abord saluer le travail de M. le rapporteur sur cette proposition de loi qui met en lumière une problématique à la croisée d'enjeux à la fois scientifiques, éthiques mais aussi économiques.

La recherche médicale apparaît comme éminemment nécessaire et il nous appartient, en tant que législateur, de favoriser sa pérennité et son efficacité dans les années à venir. À n'en pas douter, les essais cliniques d'aujourd'hui participeront à l'amélioration des traitements de demain et repousseront, à un horizon toujours plus lointain, notre espérance de vie et les frontières de l'existence humaine.

Par ailleurs, la France peut se vanter d'être un pays leader et un acteur de premier plan dans les avancées scientifiques mondiales dans ce domaine. L'abondance des dépôts de brevets tricolores ainsi que le florilège de prix Nobel de médecine témoignent à eux seuls de ce statut. Marquée par une forte intensité concurrentielle et des cycles d'innovation rapide, la recherche clinique française, portée par le travail de nos hôpitaux et universités dont je salue aujourd'hui l'excellence, souffre néanmoins d'un processus d'administration lent et en grande partie perfectible.

Il convient néanmoins d'avancer avec prudence sur un sujet sensible qui pose des questions éthiques et d'intérêt commun. En aucun cas, nous ne pouvons nier que la scène scientifique ait pu être entachée par des scandales autour d'expérimentations sur l'homme, ce qui influence de fait le jugement que l'on peut porter sur leur caractère éthique. Dans certains cas, ces expérimentations douteuses ont pu être financées par les pouvoirs publics et leurs auteurs n'ont pas hésité à abuser de sujets vulnérables pour s'assurer de leur participation.

S'il ne s'agit pas de minorer les dilemmes moraux que posent ces expérimentations – qu'il faut absolument prendre en compte – , il convient de considérer comme acquis les bienfaits des recherches biomédicales qui participent à l'innovation scientifique et, in fine, à la sauvegarde de nombreuses vies humaines.

Les études qui conditionnent la mise sur le marché ou le développement d'un traitement passent obligatoirement par des essais cliniques sur des êtres humains. Ces opérations ne sont pas sans risque, et nous avons tous en mémoire l'émoi qu'avait suscité le décès d'un patient volontaire lors d'un essai clinique en janvier 2016. Aussi, devant un sujet aussi sensible, on comprendra aisément que le cadre législatif des essais se doit d'être clair et précis afin de garantir le niveau de protection nécessaire aux personnes qui se portent volontaires.

Il n'existe pas de modèle unique quant à la façon de conduire les expérimentations sur l'homme. Les lois et les procédures sont bien trop générales pour se prononcer sur l'aspect éthique des essais. C'est pourquoi les jugements, les comités et les échanges d'arguments divers interviennent pour décider de leur réalisation ou de leur abandon. Si ces contraintes peuvent retarder les recherches ou amoindrir les ressources disponibles pour une étude thérapeutique, il est néanmoins indéniable qu'elles sont nécessaires pour maintenir un niveau de qualité élevé et pour évaluer des situations souvent complexes et techniques.

Aujourd'hui, les CPP sont la pierre angulaire de ce système. Répartis sur le territoire national et composés de scientifiques, médecins, mais aussi de légistes, ils ont la responsabilité de valider ou de refuser le lancement d'essais cliniques en fondant leur décision sur des critères éthiques, scientifiques et juridiques.

Sans refaire l'historique complet de la création de ces comités pluridisciplinaires, il est intéressant de rappeler les conditions de leur création. Les CPP succèdent en 2004 aux comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche médicale qui avaient été institués par la loi dite Huriet-Sérusclat de 1988. En comblant un vide juridique et en offrant un cadre aux recherches menées sur l'homme, cette loi était elle-même l'héritière de la déclaration d'Helsinki qui, en 1964, définissait les principes éthiques des recherches médicales sur les êtres humains.

La création des CPP est synonyme d'un renforcement du contrôle exercé sur les recherches menées sur les organismes humains, puisqu'un avis conforme, et non plus consultatif, est désormais nécessaire. Elle correspond également à l'introduction dans le droit français d'une directive européenne sur les essais cliniques.

La seconde innovation intervient une décennie plus tard avec l'entrée en vigueur de la loi Jardé, qui entend moderniser et simplifier le cadre législatif de ces recherches. Au moment de l'examen de ce texte, des divergences s'étaient fait jour sur les modalités de sélection du CPP. Si certains défendaient l'idée d'un libre choix par le promoteur, le principe d'une répartition aléatoire des protocoles a finalement été retenu afin d'écarter la possibilité d'une quelconque collusion avec des intérêts privés. La création de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine est la deuxième avancée majeure de ce texte. C'est précisément cette structure qui, aujourd'hui, réalise le tirage au sort sur lequel nous nous interrogeons.

Aujourd'hui, les modalités de désignation des CPP ont montré leurs limites. Les membres bénévoles des comités ne bénéficient pas, sur chaque cas médical, de l'expertise nécessaire à l'examen approfondi d'un projet d'essai clinique impliquant une personne humaine. Il devient donc difficile de se prononcer avec clairvoyance sur les conditions dans lesquelles le promoteur d'une recherche garantit la protection des participants, sur la pertinence du projet de recherche et sur la qualité de la méthodologie employée.

Une troisième innovation est donc aujourd'hui nécessaire pour rendre la procédure d'administration plus souple et opérationnelle. Aussi, nous saluons cette proposition de loi qui apporte une solution pragmatique à un problème identifié par les acteurs de la recherche médicale. Dans une perspective plus large, il convient de rappeler l'inégale répartition des trente-neuf comités sur le territoire national et leur absence notable dans certains départements. Ainsi, à la carte des déserts médicaux français se superpose logiquement et malheureusement celle de l'implantation des CPP.

Par ailleurs, nous profitons de l'occasion pour réaffirmer la nécessité d'allouer aux CPP les moyens nécessaires à leur action qui, selon le droit en vigueur, intervient dans un temps relativement court.

Le groupe UDI, Agir et indépendants appelle donc de ces voeux l'adoption de ce texte qui, tout en conservant le système de tirage au sort introduit par la loi Jardé, affine un processus d'administration toujours perfectible en garantissant l'expertise du CPP saisi. À n'en pas douter, cette disposition participera à la fois à offrir aux patients des innovations cliniques de pointe, à faire progresser la science et à assurer le rayonnement de la France dans un domaine d'excellence.

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