Intervention de Laurent Garcia

Réunion du mercredi 9 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Garcia :

Le groupe MODEM estime que cette proposition de loi visant à instituer un droit voisin au profit des éditeurs et des agences et service de presse en ligne recouvre des enjeux démocratiques, économiques, politiques, voire éthiques.

La situation de ce secteur et la crise qu'il traverse appellent des réponses. Les enjeux sont bien connus de notre assemblée, qui s'est déjà prononcée en décembre 2016 – le rapporteur y a fait allusion – par le biais d'une résolution européenne pour soutenir toute initiative allant dans le sens du soutien au pluralisme de la presse, en particulier de la presse d'opinion.

Évidemment, le pluralisme ne se décrète pas, mais il se conditionne. C'est le rôle du législateur : quel avenir pour ce pluralisme si nous n'assurons pas à la presse les moyens de son développement indépendant ? Quel avenir pour l'expression politique, si nous n'instituons pas un équilibre dans les rapports entre les acteurs de l'internet – diffuseurs de contenus – et les producteurs de ces contenus, qui ont besoin d'internet pour être visibles. Tout écosystème vit sur un équilibre. Pour préserver le caractère démocratique de nos sociétés, nous devons nous soucier de le maintenir. Internet produit des effets bénéfiques considérables et facilite la circulation des biens, des informations et des idées. C'est une grande chance, mais il doit désormais investir le champ démocratique.

Certes, la réussite économique est là, mais ce n'est pas une raison pour que les GAFAM soient exemptés de toute responsabilité ! Le Gouvernement l'a bien saisi et s'est engagé à responsabiliser ces acteurs sur différents plans. Responsabilisation fiscale tout d'abord, le consentement à l'impôt étant la base du contrat démocratique : nul ne saurait lui échapper par divers montages, qui se font toujours au détriment des plus faibles. La responsabilité des GAFAM est ensuite pénale : en démocratie, chacun est responsable de ce qu'il dit ou de ce qu'il diffuse. À l'heure où notre assemblée se prépare à discuter de ce sujet, ce principe de base de notre État de droit doit être réaffirmé. Enfin, la responsabilité, c'est aussi la solidarité et la justice. La présente proposition de loi tente d'apporter une réponse sur ce troisième point.

Nous n'ignorons rien des diverses initiatives prises par certains États européens et par l'Union européenne. La présente proposition de loi tire les leçons des expériences de nos voisins et constitue un soutien affirmé au projet de directive européenne. Les dernières évolutions dans les négociations laissent craindre que cette dernière n'aboutisse avant plusieurs mois, voire malheureusement plusieurs années – sans compter le délai de transposition.

Il importe donc de ne pas laisser la presse française dans la situation difficile qu'elle connaît depuis plusieurs années et de lui donner les pleins moyens de sa réussite, pour qu'elle poursuive une transformation numérique déjà largement engagée. Rétablir l'équilibre économique, c'est rétablir les conditions de l'existence même d'une presse d'opinion pluraliste et indépendante dans notre pays. Accorder ce droit voisin, c'est donner la force nécessaire aux éditeurs et agences de presse de négocier d'égal à égal avec les opérateurs de plateformes en ligne. Quasi unanimement, les acteurs de la filière attendent ces dispositions. Nous souhaitons donc que la représentation nationale leur envoie un message fort, en soutenant cette proposition de loi.

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