Intervention de Guillaume Vuilletet

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet, rapporteur pour avis :

Madame la présidente, mes chers collègues, le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique tient une place particulière en ce début de législature. Il doit en effet donner une nouvelle impulsion aux politiques de cohésion du territoire et permettre aux acteurs de l'aménagement et du logement de disposer des moyens de résorber certains des maux que nous connaissons depuis trop longtemps. Sans épuiser la liste de ceux-ci, je citerai : les difficultés d'accès à un parc social insuffisamment renouvelé, malgré les efforts de la majorité des bailleurs et des collectivités concernées ; l'absence d'une politique claire et stable en faveur de la construction ou de la rénovation des logements, liée notamment à la multiplication des acteurs dans les territoires et à une dilution des responsabilités ; le maintien de certains de nos concitoyens dans des situations inacceptables de logement insalubre ou indigne, et d'une certaine forme d'impunité de ceux qui profitent des faiblesses de notre droit en la matière.

Je crois utile de faire un bilan critique de l'action publique en la matière parce que, au-delà des intentions, les résultats n'ont pas toujours été au rendez-vous. Près de 40 milliards d'euros sont consacrés chaque année aux diverses politiques du logement et, pourtant, 4 millions de nos concitoyens sont mal logés. Par ailleurs, ceux d'entre nous qui exercent ou ont exercé un mandat local connaissent la magie et le suave plaisir de ces jeux de procédure qui, au bout d'un nombre considérable d'années, permettent à un projet d'aboutir.

Ces constats ne sont pas nouveaux, mais ils aggravent chaque jour davantage le sentiment de déclassement, voire d'abandon, ressenti dans certains de nos territoires.

Je salue donc le travail réalisé par le Gouvernement au cours des derniers mois en vue du dépôt de ce projet de loi. Lors des auditions, toutes les personnes rencontrées, qu'elles appartiennent à la société civile, comme les professionnels de l'immobilier ou du commerce, ou encore les bailleurs sociaux, ou au secteur public, comme les magistrats et les élus, ont parlé d'un texte allant dans le bon sens, encourageant et permettant de répondre à des attentes fortes. C'est aussi le résultat d'une démarche originale, que nous avons engagée avec le Sénat. Saluons d'ailleurs le travail du président Larcher, qui a voulu, avec le ministre Jacques Mézard, une conférence de consensus, laquelle a permis de réunir un nombre considérable d'acteurs et de faire émerger des positions, des avis, des informations qui, dans des domaines assez divers, ont été utiles au Gouvernement pour l'élaboration de ce projet de loi. Ayons à l'esprit la construction de ce projet, dont les quatre titres témoignent d'une progression de la réflexion sur ces différents sujets.

Au regard de ces enjeux, la commission des Lois a donc décidé de se saisir pour avis. Je vous en remercie, mes chers collègues, surtout j'en remercie notre présidente.

Nous aurions pu nous saisir d'autres questions que celles que nous allons examiner. Le logement social, par le rôle qu'il joue dans l'aménagement du territoire et eu égard aux enjeux socio-économiques auquel il répond, concerne évidemment l'ensemble de la représentation nationale. Ce texte porte aussi sur la transition écologique et sur les règles d'urbanisme, dont nos collègues de la commission des Affaires économiques auront évidemment à traiter. Cela montre bien la diversité et l'importance des sujets abordés. En matière d'urbanisme, de logement et d'aménagement, il faut des règles plus claires, des règles stables. Ce texte, qui a demandé beaucoup de travail, doit donc nous inspirer tout au long de la législature.

Sept des soixante-cinq articles du projet de loi sont soumis à notre examen. Ils portent sur les schémas d'aménagement en outre-mer, dont la procédure d'adoption devrait être simplifiée par voie d'ordonnance, sur le contentieux en matière d'urbanisme qui devrait être rationalisé pour que les délais en soient réduits et pour sécuriser juridiquement les pétitionnaires sans entamer le droit effectif au recours, sur les opérations de revitalisation de territoire (ORT) en centre-ville et, enfin, sur la lutte contre le logement indigne ou insalubre. Je me concentrerai sur ces deux derniers sujets, mes chers collègues, car ce sont ceux à propos desquels nous vous proposons, avec le groupe majoritaire, d'apporter le plus de compléments au projet du Gouvernement.

En premier lieu, les opérations de revitalisation de territoire (ORT), qui constituent en quelque sorte le volet législatif du plan national « Action coeur de ville » lancé au mois de mars dernier, consisteront, à partir d'un diagnostic de terrain, à monter de véritables projets de territoire visant à rénover les centres-villes de 222 villes moyennes. Si elles ne se limitent pas à ces villes, ces opérations accompagneront donc la mise en oeuvre de ce plan gouvernemental.

Elles suscitent d'ailleurs de fortes attentes et plusieurs villes concernées se mobilisent d'ores et déjà pour pouvoir les mener rapidement après l'adoption de la loi.

Ces opérations ont été introduites à la faveur d'une série de rapports récents du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et de l'inspection générale des finances, ainsi que de M. Marcon, président d'honneur de la Fédération des chambres de commerce et d'industrie. Tous ces travaux dressent les mêmes constats : alors que les villes moyennes, qui représentent 23 % de la population et 26 % de l'emploi national, sont le moteur de la plupart de nos territoires en ce qu'elles assurent, notamment, un accès aux services publics et à l'activité économique et culturelle, elles sont également de plus en plus nombreuses à perdre en attractivité. Les facteurs sont multiples : départ de la population vers les périphéries participant à la dégradation du logement en centre-ville et à la baisse de l'activité économique, départ de certains services publics, concurrence du e-commerce et des grandes surfaces, urbanisme inadapté.

Pour y remédier, il ne suffit plus de mener des actions ponctuelles et ciblées. Il faut, au contraire, définir un véritable projet de territoire en fonction des difficultés locales et engager sur le long terme l'ensemble des acteurs souhaitant y participer.

De manière à favoriser la réussite de ces opérations, auxquelles nous croyons et que nous soutenons pleinement, nous vous proposerons d'adopter, entre autres mesures, des amendements visant à ce que l'ingénierie de projet, notamment en matière de rénovation commerciale, soit renforcée dans les territoires dépourvus de services dédiés, que ce soit au niveau des collectivités ou de l'État, en permettant à l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), spécialisé en la matière, d'intervenir dans le cadre d'une ORT. Nous vous proposerons aussi d'encadrer les implantations de drives et d'entrepôts d'e-commerce, qui concurrencent aujourd'hui directement le commerce physique, en centre-ville comme en périphérie. Nous vous proposerons de mieux prendre en compte la gestion des friches industrielles et commerciales qui représentent un problème croissant pour nombre de nos territoires et de renforcer les outils de planification commerciale et artisanale prévus par les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU). Nous souhaitons enfin assurer l'information des parlementaires sur les ORT menées dans leur département. Par ailleurs, une étude d'impact devra être réalisée préalablement à l'examen d'une demande d'installation commerciale par les Commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC), car le filtre que ces dernières sont censées mettre en oeuvre est aujourd'hui quasiment inexistant, ce qui est préjudiciable à l'activité des commerces existants, aux paysages urbains et périurbains souvent défigurés par de trop nombreuses installations et aux démarches de développement durable que nous essayons d'encourager.

Je rappelle que notre commission suit de près ces sujets. Sous la présidence de notre collègue Arnaud Viala, nous avons conduit, avec la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, une mission d'information commune, dont Jean-François Cesarini et moi-même sommes les rapporteurs, visant à promouvoir une nouvelle étape de la décentralisation, favorable au développement des territoires. Dans ce cadre, nous avons auditionné un certain nombre d'experts qui nous ont indiqué, par exemple, que 82 % des emplois créés l'étaient aujourd'hui au sein des métropoles, ce qui témoigne d'une forte concentration de l'activité.

J'en viens à l'autre sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé : la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil. Nous constatons une forme d'impuissance des acteurs publics face aux comportements de certains propriétaires. Soit ils refusent de se plier à leurs obligations d'entretien, soit ils profitent de la vulnérabilité de personnes en situation précaire pour leur soutirer des loyers exorbitants pour des logements qui n'ont de logements que le nom.

Nous proposons donc de rendre obligatoire, sauf décision contraire motivée du juge, le prononcé des peines complémentaires de confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction et d'interdiction d'acquérir de nouveaux biens pour des marchands de sommeil. Sur l'ensemble des jugements prononcés, les condamnations à des peines dissuasives sont pour l'heure trop peu nombreuses. Il faut faire un véritable travail de pédagogie auprès des magistrats pour que la situation évolue. Nous souhaitons également mieux encadrer le montant de l'indemnité pouvant être versée à de tels propriétaires en cas d'expropriation par la force publique. Il s'agit d'éviter des enrichissements abusifs qui ont pu être constatés par le passé. Enfin, nous voulons mieux contrôler les ventes aux enchères qui constituent le mode d'acquisition privilégié des bailleurs peu scrupuleux. Cet ensemble de mesures, qui complètent celles proposées par le Gouvernement visant à systématiser les astreintes administratives et à réorganiser les polices spéciales du maire et du préfet en la matière, doit permettre de sanctionner les marchands de sommeil efficacement, en les frappant au portefeuille.

Voilà, mes chers collègues, quels pourraient être les apports de la commission des Lois à ce texte très dense, qui soulève d'importants sujets sur l'égalité et la cohésion entre les territoires, et, à travers eux, sur la qualité de vie de nos concitoyens, qu'ils résident en ville, dans des quartiers défavorisés ou dans des zones rurales. Je vous remercie.

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