Intervention de Stéphane Travert

Séance en hémicycle du mardi 22 mai 2018 à 15h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Présentation

Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, mesdames, messieurs les députés, presque dix mois jour pour jour après le lancement des États généraux de l'alimentation – EGA – , nous voici réunis pour donner du corps, ensemble, aux évolutions législatives issues de leurs travaux. Je souhaite prendre un peu de temps pour vous livrer l'état d'esprit du Gouvernement dans cette discussion, mais aussi pour expliquer nos propositions et vous convaincre de leur bien-fondé.

Vous le savez, nous devons lutter à la fois contre ceux qui veulent que rien ne bouge, et qui se complaisent dans des politiques figées pour mieux les dénoncer ensuite, et ceux qui veulent absolument imposer leurs visions, leurs modèles, sans souci des difficultés générées. Cette politique du « pied au mur » ne permet pas les démarches de progrès auxquelles je crois et que je souhaite construire avec vous dans un dialogue singulier, permanent et respectueux des valeurs de chacune et de chacun.

L'agriculture et l'alimentation sont au coeur de notre projet pour la France. Pourquoi ? Parce qu'elles sont l'une des clefs de notre souveraineté, parce que l'agriculture est au carrefour de multiples politiques qui façonnent notre pays – en matière d'alimentation, d'aménagement du territoire, de ruralité, de transition écologique, de commerce extérieur et de relations internationales – , parce que l'une de ses missions premières est de nourrir la population, parce que l'alimentation est un enjeu quotidien pour tous nos concitoyens, et parce que nous parlons de bien manger, en quantité et en qualité. Il s'agit de permettre à chacun de manger sain, sûr, durable, sans oublier la dimension conviviale, bien française, de nos repas.

C'est pour toutes ces raisons que le Président de la République a souhaité, dès le début de son mandat, que se tiennent les États généraux de l'alimentation. Vous vous êtes tous mobilisés, dans les ateliers et dans vos circonscriptions, pour que cette réflexion collective produise du fruit, et je tiens à vous en remercier. Ce fruit, c'est la feuille de route de la politique de l'alimentation présentée par le Premier ministre et les ministres présents le 21 décembre dernier, lors de la clôture des États généraux.

Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui est le premier de ces fruits. Mais il y en a d'autres, et c'est la grappe tout entière dont il faut se saisir pour avancer sur les sujets agricoles et alimentaires : les plans de filière, qui marquent l'engagement des acteurs économiques ; le programme « Ambition Bio 2022 » ; le renforcement de la stratégie relative au bien-être animal ; la feuille de route sur les produits phytopharmaceutiques et sur une agriculture moins dépendante aux pesticides, qui témoigne des dynamiques de transformation à l'oeuvre ; le plan d'action en matière de bioéconomie, qui ouvre des pistes de diversification des revenus agricoles ; le volet agricole du grand plan d'investissement et le travail sur la fiscalité agricole que j'ai engagé avec Bruno Le Maire, des parlementaires et des représentants des acteurs de l'agriculture, signe de la volonté de l'État d'être présent aux côtés des acteurs pour accompagner les évolutions en cours ou à venir.

La liste n'est évidemment pas exhaustive, mais il me paraissait important de remettre en perspective le travail que nous allons conduire. Nous avons besoin d'un cadre légal clair et facilitateur, qui laisse aussi chacun des acteurs exercer pleinement ses compétences et ses responsabilités.

En abordant cette discussion, nous devons penser tout particulièrement aux agriculteurs et à tous nos concitoyens, comme pendant les EGA. Pensons aux agriculteurs. L'agriculture française doit pouvoir retrouver son esprit de conquête. Les agriculteurs disposent de savoir-faire et d'une force de travail indispensables à la vie économique de la France et à l'aménagement de nos territoires. Ils sont les gardiens des paysages et de la biodiversité, au coeur de notre identité et au coeur de nos défis alimentaires, économiques et environnementaux. Comment faire réussir la France sans son agriculture ?

C'est parce que nous voulons une agriculture prospère, compétitive et durable que notre projet de loi vise à soutenir les agriculteurs et à leur permettre de vivre de leur travail, tout simplement. À travers ce texte nous voulons donc défendre avec vous une agriculture compétitive, innovante, durable et riche de la diversité de ses modèles. Il ne s'agit pas d'opposer ces modèles mais, au contraire, de les rendre complémentaires, de sorte qu'ils créent les ressources suffisantes pour développer nos économies locales et, ce faisant, gagner ensuite sur les marchés nationaux et internationaux.

Parce que nous souhaitons, à travers notre projet de transformation de la France, que le travail paie, nous devons nous engager pour permettre aux agriculteurs de percevoir le juste prix de leur labeur. Pensons aussi à nos concitoyens, tous sensibles à l'une des facettes, au moins, du chantier sociétal des États généraux de l'alimentation. Nos concitoyens sont attentifs à ce qu'ils mangent, eux et leurs enfants, à la maison comme à l'extérieur ; préoccupés aussi de l'alimentation des personnes les moins favorisées, comme en témoigne la générosité de leurs dons aux associations caritatives ; soucieux du bien-être animal ; concernés et vigilants, enfin, sur les enjeux environnementaux.

Nous avons déjà eu l'occasion de débattre du texte par deux fois, en commission du développement durable et en commission des affaires économiques, pendant près de trente-sept heures. Je tiens à remercier les présidents de ces deux commissions, Roland Lescure et Barbara Pompili, ainsi que tous les députés qui ont participé à ces travaux, pour la qualité de l'écoute et des échanges que nous avons eus. Je tiens aussi à souligner tout spécialement le travail remarquable de Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis sur le titre II du texte, et de Jean-Baptiste Moreau, rapporteur du texte, dont il n'est pas nécessaire de rappeler qu'il est un excellent connaisseur des secteurs agricole et agroalimentaire et un homme de terrain.

La réalité du terrain, mesdames, messieurs les députés, nous permettra de rédiger un texte équilibré, bien éloigné des visions parfois folkloriques de l'agriculture qui fleurissent çà et là. Les deux rapporteurs ont conduit un travail dense d'auditions ; ils ont pris la pleine mesure des enjeux environnementaux et des transformations à conduire, et formulé des propositions pertinentes sur des sujets souvent complexes et parfois clivants. Les enrichissements du texte par rapport la version initiale du Gouvernement leur doivent beaucoup, et ce n'est pas fini.

Grâce à tout ce travail en amont, les EGA, l'élaboration du texte initial par le Gouvernement, appuyé par des services dont je salue le très grand professionnalisme, et le passage dans vos deux commissions, le texte qui arrive en discussion devant vous ne porte pas sur de simples ajustements techniques : il appelle à un changement clair de paradigme. Vous le savez, cela est attendu par le monde agricole, mais aussi par les consommateurs.

À travers ce texte, je veux redonner du pouvoir aux producteurs dans la chaîne de valeur. Nous partageons tous le même constat : la situation n'a que trop duré. Les agriculteurs subissent de plein fouet une guerre des prix et ne dégagent pas, ou plus, les marges de manoeuvre indispensables tant à la rémunération de leur travail ou de leur capital qu'à la montée en gamme des productions agroalimentaires.

Cette guerre des prix se nourrit du déséquilibre de l'offre et de la demande, de l'absence d'organisation de la production et de la concentration toujours plus forte du secteur la distribution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.