Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 24 mai 2018 à 9h30
Présence des parlementaires dans les organismes extérieurs au parlement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, voilà une proposition de loi qui, à première vue, ne peut qu'être approuvée, tant elle semble marquée du sceau du bon sens. Comment ne pas opiner du chef quand on vous explique que les quelque 700 nominations de députés dans les différents organismes où ils sont amenés à siéger doivent être décidées en toute clarté ? Comment ne pas acquiescer quand on nous propose de supprimer huit organismes extraparlementaires qui ne se réunissent plus, ou encore quand on nous suggère de mettre fin à la présence de parlementaires dans une vingtaine d'organismes dont, je cite, « le niveau d'activité est faible ou inexistant » ?

Tout cela va de soi. On serait néanmoins tenté de ne poser qu'une question : pourquoi donc n'avons-nous pas fermé plus tôt ces organismes divers et variés qui, manifestement, ne servent à rien ou à pas grand-chose ? Si l'étude des 193 organismes dans lesquels des parlementaires sont amenés à siéger révèle que quelques dizaines d'entre eux sont tout simplement fantomatiques, on est en droit de s'interroger sur le nombre total de comités « Théodule » tout aussi fantomatiques, mais qui n'ont pas fait l'objet des investigations présentes.

Revenons donc à notre proposition de loi. Je ne m'étendrai pas sur la nécessité, pour certains organismes jusqu'alors régis par des dispositions réglementaires, d'être « élevés au rang législatif », comme y tend le texte. Tout ce qui contribue à plus de clarté et à l'instauration de règles identiques pour les différents organismes va dans la bonne direction. Il en va de même pour les organismes où aucun parlementaire ne siège actuellement, alors qu'ils revêtent une véritable utilité. En finir avec la confusion actuelle, établir des règles claires, faire le ménage et donner les coups de balai nécessaires : voilà à quoi s'attelle cette proposition de loi, et je salue bien volontiers le recensement et l'important travail de simplification menés par le président de notre assemblée et celui du Sénat.

Mais permettez-moi, maintenant, de formuler des remarques moins consensuelles. Si le respect de la parité dans les nominations me semble une bonne chose – je ne suis pas persuadée que les intérêts du peuple français en seront mieux pris en compte, mais passons – , il en va différemment du respect du pluralisme dont on nous parle dans l'exposé des motifs.

Ces nominations, à quelques exceptions près, sont le fait du président de notre assemblée et de celui du Sénat. Quelques autres dépendent de nos commissions permanentes ou de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, précise le texte. Y a-t-il là de quoi garantir « le respect du pluralisme » ? Sans offenser personne, permettez-moi d'en douter. Je ne dois pas être la seule dans cette assemblée à constater qu'on a, au sommet de l'État comme dans les rangs du parti majoritaire – mais tout autant dans certains autres partis – , une conception très étriquée du pluralisme. De la même manière que beaucoup, ici, n'ont de goût pour la liberté d'expression qu'à condition de la réserver aux opinions qui leur conviennent, ils n'aiment le pluralisme que s'ils en sont les premiers – et parfois seuls – bénéficiaires.

J'ai lu, me semble-t-il avec attention, les 78 articles de cette proposition de loi sans jamais y trouver un mot qui m'expliquerait comment ce fameux « respect du pluralisme » allait être assuré. Parce qu'il va de soi, me répondra-t-on. Mais le problème est que, dans notre bon pays, il ne va jamais de soi. On y préfère l'entre-soi ; on s'offusque d'éventuels coups de canif dans le pluralisme, mais seulement s'ils lèsent ses propres intérêts, sa propre famille politique. Bref, on a la fâcheuse manie d'exclure du pluralisme ceux dont les opinions sont contraires aux siennes.

Cette proposition de loi aurait pu être l'occasion d'une réflexion et, je n'ose en rêver, d'une mise en oeuvre concrète de ce « respect du pluralisme » dont beaucoup se revendiquent, mais que bien peu pratiquent. Il n'en est rien. En suis-je étonnée ? Pas vraiment. Le maire de Béziers a été violemment agressé, le 5 mai dernier, alors qu'il participait, près de Bordeaux, à une réunion politique sur l'union des droites. Combien de députés de cette auguste assemblée s'en sont émus publiquement au nom du « respect du pluralisme » ? Je crains de les compter sur les doigts d'une seule main ! Quant au Gouvernement, n'en parlons même pas… Alors le « respect du pluralisme » dans les nominations, laissez-moi sourire. Mais sourire jaune, je vous l'avoue…

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