Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du vendredi 25 mai 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Après l'article 8

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Si j'ai fait preuve de diplomatie, d'ouverture, de bonne volonté, d'esprit constructif, c'est que le groupe Nouvelle Gauche tient énormément à la présente proposition, qui est un élément clé de notre contribution à un projet dans lequel, avec Guillaume Garot notamment, nous nous sommes beaucoup investis depuis l'été 2017 : nous avons participé aux États généraux de l'alimentation et avons même eu le plaisir d'animer des ateliers. La présente proposition a été formulée dans quatre ateliers sur quatorze. Entre les défenseurs du libéralisme, qui pensent que la profession n'a qu'à s'organiser, et ceux qui sont tentés de renouer avec une agriculture administrée, dont on connaît les échecs, il y a une place pour une société en mouvement, fondée sur des filières ancrées dans les territoires, où il sera possible pour nos concitoyens de faire évoluer la façon de créer de la valeur et de donner du sens. La valeur a un sens non seulement économique, mais également éthique.

Or les consommateurs sont aujourd'hui des citoyens, et une partie d'entre eux a envie de s'investir, quantitativement et qualitativement, dans une chaîne de valeur agroalimentaire de qualité, comme en témoigne la profusion des expériences associatives, comme celle de « Merci patron ! ». La puissance privée a parfois toute latitude pour définir ce qui est juste et ce qui est bon en matière environnementale ou de justice économique, et il nous semble important que la puissance publique expérimente quelque chose de nouveau, en créant un label.

La loi dite Sapin 2 et le présent projet de loi, qui apporte en la matière des améliorations dont nous prenons acte, renforcent l'équité et la transparence. Grâce notamment à la loi Sapin 2, les relations commerciales entre transformateurs et distributeurs sont moins sauvages, plus loyales et plus civilisées. Mais nous n'avons pas encore expérimenté une mesure à laquelle aspirent pourtant certains acteurs privés – je ne citerai pas de marques, mais certains ont déjà lancé des initiatives en la matière : le consommateur doit pouvoir disposer de produits issus d'une chaîne dont tous les acteurs, du paysan jusqu'au transformateur, en passant par le distributeur, ont été rémunérés équitablement. Il convient d'expérimenter ces contrats tripartites, qui seraient repérables par nos concitoyens.

Vous pourriez nous répondre que rien n'empêche de faire ce type de contrat, mais s'ils ne sont pas validés par la puissance publique, ils perdent de leur force.

C'est donc l'une des propositions importantes issues des États généraux de l'alimentation, qui s'inscrit pleinement dans l'esprit de ce qui nous rassemble aujourd'hui. Nous demandons – c'est une proposition à la portée mesurée – une expérimentation relative à une labellisation. Notre amendement, je le concède, est imparfaitement rédigé ; il lui manque une disposition, qui figurait dans un amendement d'appel que nous avons présenté hier. Nous avons demandé à des collègues – Sébastien Jumel s'est proposé le premier – de le sous-amender pour en améliorer la lecture.

Cet amendement vise à ce que la convention interprofessionnelle alimentaire territoriale – que l'on pourrait nommer « accord tripartite », mais son nom importe peu – lie une coopérative ou une organisation de producteurs – on pourrait aussi ajouter « ou une AOP » – , un ou plusieurs transformateurs et un distributeur. Elle serait conclue pour une durée minimum de trois ans – nous reprenons l'idée exprimée dans l'amendement de M. Ramos, à savoir fixer, non pas la durée, mais un temps minimal. Cette convention définirait les prix de cession des produits objets de la convention, ainsi que les modalités d'évolution de ces prix ; les délais de paiement ; les conditions de répartition de la valeur ajoutée de la production alimentaire au sein du territoire délimité par la convention – il faut comprendre que le territoire peut très bien désigner non seulement un plan alimentaire territorial, une agglomération, une métropole, une région, mais également la nation française : à chacun de le décider – et les conditions environnementales, sanitaires et sociales de la production – nous suivons une logique de montée en gamme d'exigences et de valeurs ajoutées additionnées.

Cet accord pourrait être rendu transparent par un label que nous souhaitons expérimenter, ce qui suppose d'ajouter une phrase, que je laisserai Sébastien Jumel expliquer plus en détail : « Cette convention est reconnue par les autorités publiques dans le cadre d'une expérimentation de labellisation. »

Chers amis, nous devons essayer le contrat tripartite. Nul ne sait si ce sera un flop ou un levier de changement important, mais nous n'avons pas le droit, à cette heure, de nous priver d'un tel instrument de responsabilisation de la société française, qui a vocation à tirer l'agriculture vers le haut, défendre le revenu de toutes les parties prenantes, préserver la dignité des travailleurs et favoriser la montée en gamme.

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