Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du vendredi 25 mai 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Pour moi, la question posée est la suivante : comment peut-on permettre le développement économique de l'outre-mer, mais aussi, éventuellement, puisque j'ai entendu l'intervention de M. Le Fur, des pays d'Afrique ?

On nous vante les vertus du libre-échange. Or le libre-échange est une entrave au développement, puisqu'il permet à des industries déjà développées en métropole d'accéder aux marchés des territoires ultramarins et des pays d'Afrique qui, tant que les industries naissantes ne seront pas protégées, sont condamnés à rester importateurs.

Friedrich List et, plus récemment, Ha-Joon Chang ont souligné la nécessité de protéger les industries naissantes. C'est en instaurant le protectionnisme que les États-Unis ont commencé à se développer. L'Angleterre, la France et l'Allemagne ont aussi eu leur moment protectionniste qui leur a permis de se développer.

Les pays qui se sont développés les premiers ont toujours « enlevé l'échelle », comme on dit – cette échelle qui leur a permis d'accéder à un bon niveau de développement, grâce au protectionnisme – , en empêchant d'autres pays, derrière eux, de se développer de la même manière. Ils leur ont imposé de se baigner dans le bain du libre-échange, qui veut que les pays non développés soient condamnés à le rester.

J'en donnerai un exemple africain : le Kenya, qui a fait le choix de taxer fortement – à 65 % – les importations de lait, est aujourd'hui exportateur de lait et sa population consomme plus de lait que celle des autres pays du continent africain. À l'inverse, les pays d'Afrique de l'Ouest n'ont pas imposé de taxe sur le lait, en raison de la pression constante exercée par les ambassades européennes, l'Organisation mondiale du commerce – OMC – et le Fonds monétaire international – FMI – pour le leur interdire. Le résultat est aujourd'hui que le taux de dépendance de ces pays, c'est-à-dire le taux d'importation par rapport à la consommation de lait, est de 60 % : sur dix litres consommés en Afrique de l'Ouest, six sont importés, parce qu'on ne permet pas le développement des industries naissantes.

La question est donc là : il faut permettre une phase protectionniste car, si la France continue à mener une mission exportatrice en direction des départements et territoires d'outre-mer et de l'Afrique, nous condamnons ces pays à ne pas pouvoir mettre en place leur souveraineté commerciale. Il faut leur permettre d'avoir la politique commerciale qu'ils souhaitent. Or, aujourd'hui, les ambassades européennes, l'OMC et le FMI font pression pour la chute constante – ou, du moins, pour le non-relèvement – des barrières douanières, alors que le relèvement de ces barrières serait pour les pays concernés une possibilité de développement.

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