Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du lundi 28 mai 2018 à 21h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Après l'article 14 quater

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Faisons un peu d'histoire. La prise de conscience est récente : elle date de cinq à sept décennies. Jusqu'au milieu du XXe siècle, si l'on met à part quelques lanceurs d'alerte, les dangers de ces produits pour l'homme, pour l'environnement, pour la microbiologie du sol, pour l'air étaient peu connus et peu considérés. Puis est venue la prise de conscience.

En 2012, il y a eu un moment de clarté scientifique, avec la publication du rapport collectif de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. C'est un événement capital. L'INSERM nous disait qu'au-delà des effets directs connus – ceux des molécules sur les pathologies – , il existe ce que l'on appelle des pollutions à bas bruit et des effets cocktail. Tout à coup, l'ensemble de nos paradigmes ont été remis en cause lorsque nous avons découvert les effets indirects de la phytopharmacie sur l'environnement et sur le contenu de nos assiettes.

Ce rapport est venu confirmer les intuitions d'une mission commune d'information du Sénat, présidée par Sophie Primas, votre actuelle homologue au Sénat, monsieur le président de la commission des affaires économiques, et dont la rapporteure était Nicole Bonnefoy, soit deux éminentes sénatrices, reconnues de leurs pairs. Leur travail d'expertise portait sur les effets des pesticides sur la santé humaine. Ce rapport du Sénat sur un sujet potentiellement polémique, voire éruptif, a pourtant été adopté à l'unanimité. Le Sénat a donc unanimement reconnu le lien entre le fait d'avoir travaillé avec ces produits et les pathologies dont ont souffert les victimes.

C'est ainsi que nous en avons progressivement pris conscience : par les scientifiques, puis par ce rapport sénatorial ; et le sujet n'a pas fait débat, il a fait consensus partout.

Second élément : une association rassemble les victimes, emmenée par Paul François ; je veux aussi citer Dominique Marchal parmi les personnes que j'ai côtoyées dans ma région, la Lorraine. Tous ont en commun d'avoir été un jour victimes d'un accident ou d'une utilisation de la phytopharmacie qui a provoqué chez eux des maladies graves dont ils ont pu prouver – c'était le but de leur combat – le lien avec une mauvaise information, une mauvaise pratique touchant la phytopharmacie, un excès ou un mésusage de ces produits.

Pendant plus d'une décennie, Phyto-Victimes s'est battu, contre vents et marées, souvent dans l'indifférence générale. Nous, que notre mandat de parlementaire protège matériellement et juridiquement, devrions rendre hommage à ces héros de la société civile qui ont identifié le problème une décennie avant les autres et qui, dans l'indifférence, dans l'adversité, au péril de leur carrière, souvent, de leur réputation, parfois, voire de leur sécurité, mènent ces combats de vigie, tournés vers le futur.

Phyto-Victimes, disais-je, s'est donc battu, s'appuyant sur les expertises scientifiques, et a défendu les paysans et les ouvriers agricoles victimes de ces usages. Je le répète, ce combat est héroïque.

Les sénateurs, quant à eux, se sont ressaisis du dossier – sur lequel nous sommes en retard sur eux ; nous devrions leur rendre hommage à eux aussi. Bernard Jomier et Nicole Bonnefoy ont préparé une proposition de loi reprenant les conclusions du rapport sénatorial et les fruits de leur dialogue fertile avec Phyto-Victimes, la Mutualité sociale agricole et toutes les parties prenantes. Le texte est équilibré, modéré, prudent. Sur ces sujets, de fait, il ne convient pas de donner des leçons ni de jeter l'opprobre à la légère : il faut faire preuve de discernement.

Contre l'avis du Gouvernement, et après des débats à la fois respectueux et passionnés – parce qu'il y va de la vie et de la dignité d'hommes et de femmes qui sont nos voisins, nos frères, nos amis des campagnes, du milieu rural, du monde paysan, celui des ouvriers agricoles – , le texte a finalement été voté à l'unanimité par le Sénat. Ce vote historique a eu lieu il y a quelques mois, l'hiver dernier. Il n'y a alors plus ni droite ni gauche, ni En marche, ni écologistes, ni communistes, ni – encore moins – gauchistes : …

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