Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du mardi 29 mai 2018 à 15h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 15

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

En complément des interventions de Guillaume Garot et de Joaquim Pueyo, je veillerai pour ma part à ce que les ordonnances prévues à l'article 15 s'inscrivent dans la direction du plan Écophyto 2. Je rappelle que ce plan, établi sur la base d'un rapport commandé par le Premier ministre, avait été adopté à l'unanimité des parties prenantes, mais que sa mise en oeuvre avait été différée pendant trois ans, cet enlisement étant lié à la crise de l'élevage, à un recours devant le Conseil d'État et à l'élection présidentielle. La ligne générale qui s'est dégagée lors des États généraux de l'alimentation est la suivante : il faut arrêter les discussions, les controverses et les contre-expertises ; il faut désormais obtenir des résultats. Ceux-ci sont à notre portée : il n'y a aucune raison que nous ne cueillions pas, au cours de la présente législature, les fruits du travail réalisé précédemment, si nous mettons en oeuvre tous les outils nécessaires.

Parmi ces outils – je ne reviens pas sur ceux que nous avons déjà évoqués : les 30 000 fermes liées à l'Assemblée permanente des chambres d'agricultures, l'APCA, les moyens dévolus à l'agriculture de précision et aux nouvelles technologies, etc. – , il en est un qui est capital : le plan qui permet aux entreprises de distribution de trouver elles-mêmes, en liaison avec le monde agricole, les centres de recherche et l'ensemble des opérateurs, des solutions innovantes alternatives ou de substitution à la phytopharmacie. Autrement dit, il s'agit de trouver des solutions pour assurer la transition.

Ces solutions sont dans les filières et sur les territoires. Elles ne se décrètent ni à Bruxelles ni à Paris ; elles s'inventent sur le terrain. Mais l'État doit fixer un cap en matière de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Avec le texte que vous proposez, cette réduction sera non plus expérimentale, mais obligatoire. Le cap sera une réduction de 20 % dans un délai qui sera fixé par décret. Pour l'atteindre, vous généralisez les CEPP, dispositif que je connais bien pour avoir été l'auteur, en mars 2017, de la proposition de loi qui a permis d'éviter les conséquences du recours devant le Conseil d'État.

Cependant, au cours de la campagne électorale, le Président de la République a fait la promesse de séparer les activités de conseil et de vente.

Je respecte cette promesse et je comprends que le Gouvernement veuille la mettre en oeuvre. Mais, pour avoir été pendant six mois sur le terrain et avoir parcouru tous les territoires, notamment outre-mer, à la rencontre de tous les acteurs, je mesure que, pour ceux-ci, cette solution ne va pas de soi.

Aujourd'hui, elle peut même nous paraître en totale contradiction avec le système des CEPP. Il faut donc définir une ligne politique, effectuer un choix stratégique. Soit on sépare le conseil et la vente, soit on privilégie le système des CEPP, mais, si vous voulez articuler les deux, monsieur le ministre, je souhaite bon courage à ceux qui vont rédiger les ordonnances ! Car enfin ces deux injonctions sont a priori contradictoires : comment séparer le conseil et la vente ? Comment demander au vendeur lui-même d'accompagner l'acheteur dans la recherche de solutions alternatives ?

Sans présager de la réussite du projet, car je sais que vous allez résoudre cette équation impossible, changer de paradigme et trouver des solutions dans les semaines ou les mois qui viennent, je vous mets en garde, au nom de l'atelier 11 des États généraux de l'alimentation, du groupe Nouvelle Gauche et probablement de la majorité d'entre nous, contre deux écueils.

Le premier est la substitution à un conseil de fournisseur inscrit dans les territoires – qu'il soit privé ou coopératif – , enraciné dans une relation de loyauté avec le client agriculteur, d'un conseil low cost, stratégique, directement lié à des firmes ou financé par elles – en d'autres termes, la substitution à un conseil organisé et territorialisé d'un conseil privatisé, marqué par une forme d'irresponsabilité et par le risque d'un conflit d'intérêts concernant les solutions qui seront proposées.

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