Intervention de Guillaume Vuilletet

Séance en hémicycle du mercredi 30 mai 2018 à 15h00
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues rapporteurs, mes chers collègues, il semble que nous nous apprêtions à passer quelques jours ensemble pour examiner un projet de loi qui traite d'un sujet d'importance. J'ai une pensée toute singulière pour nos collègues de la commission des affaires économiques qui entament leur second marathon, après le projet de loi dit Egalim. Ils ont abattu près de 5 000 amendements en deux textes ; c'est une performance, on peut le reconnaître.

Le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique tient une place particulière en ce début de législature. Il doit donner aux politiques de cohésion du territoire une nouvelle impulsion, et aux acteurs de l'aménagement et du logement les moyens de résorber certains des maux que nous connaissons depuis trop longtemps.

Je citerai, sans en épuiser la liste, les difficultés d'accès à un parc social insuffisamment renouvelé et développé malgré les efforts de la majorité des bailleurs et des collectivités concernées ; le défaut d'une politique claire et stable en faveur de la construction ou de la rénovation des logements, de la part d'un État qui a surtout sédimenté des règles et des normes ; le maintien de certains de nos concitoyens dans des situations inacceptables de logement insalubre ou indigne, et d'une forme d'impunité pour ceux qui profitent des faiblesses de notre droit en la matière.

L'urgence de cette loi est liée à ce que représente le logement, à la croisée de plusieurs phénomènes, dans la crise que connaît notre pays. En effet, le problème du logement fait sentir ses effets tant sur la société que sur l'économie et la compétitivité.

Il faut d'abord reconnaître qu'il n'y a pas, dans notre pays, une seule réalité du logement, mais plusieurs. Entre zones dites tendues et territoires en déprise, espaces ruraux et périphérie des villes, entre centre des métropoles et territoires inaccessibles, la carte de France du logement est diverse. Elle n'en reflète pas moins, la plupart du temps, d'autres crises qui touchent ces territoires.

Parmi ce qui, en cette matière, marque les esprits, il y a évidemment ce chiffre terrible, signalé par le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre : 4 millions de mal logés dans le pays. Ce drame social est déjà inacceptable en tant que tel, mais il faut avoir conscience de la mécanique infernale qui en découle.

À l'origine, un logement trop cher, insuffisamment compensé par un logement social trop rare. La cherté du logement induit un reste à vivre trop étroit pour les salariés des zones tendues, ce qui pèse sur le pouvoir d'achat des habitants et déprime l'économie locale. Soit les ménages en quête de logement compriment encore davantage leurs ressources, s'exposant ainsi au moindre accident de la vie, soit ils doivent partir toujours plus loin, ce qui crée d'autres problèmes d'aménagement du territoire, de transports en particulier.

De plus, dans les zones de forte tension, leur demande salariale augmente, non pour bénéficier d'un pouvoir d'achat satisfaisant mais, tout simplement, pour pouvoir se loger. Cela pèse sur le coût du travail et, de ce fait, c'est aussi la compétitivité de notre pays qui se trouve bousculée.

Ainsi, à cause d'un loyer rendu trop élevé par une offre de logements trop faible, le pays est impacté sur tous les fronts : emploi, transport, aménagement urbain. Le logement, à travers ses diverses réalités, obère la situation globale des Français. C'est une dimension que nous devrons conserver à l'esprit tout au long de la lecture du texte. Ces constats ne sont pas nouveaux, mais ils accentuent chaque jour davantage le sentiment de déclassement, voire d'abandon, dont souffrent certains de nos territoires.

Je souhaite donc saluer le travail accompli par le Gouvernement au cours des derniers mois en vue du dépôt de ce projet de loi. La plupart des acteurs rencontrés lors des auditions, qu'ils appartiennent à la société civile, comme les professionnels de l'immobilier, les bailleurs sociaux, les professionnels du commerce, ou au secteur public, comme les magistrats et les élus, ont salué un texte allant dans le bon sens, encourageant, qui permet de répondre à de grandes attentes.

Je souhaite aussi saluer le travail de concertation mené avec nos collègues du Sénat au travers de la conférence de consensus qui s'est tenue en ce début d'année.

Au regard de ces enjeux, la commission des lois, qui est aussi celle de l'administration générale de la République, a décidé de se saisir pour avis d'une partie de ce projet. J'en remercie l'ensemble de ses membres et, au premier titre, sa présidente.

Sept articles sur les soixante-cinq que contient le projet de loi ont ainsi été soumis à l'examen de la commission. Ils portent sur les schémas d'aménagement en outre-mer, dont la procédure d'adoption devrait être simplifiée par voie d'ordonnance, sur le contentieux en matière d'urbanisme, qui devrait être rationalisé pour en réduire les délais et sécuriser juridiquement les pétitionnaires sans entamer le droit effectif au recours, sur les opérations de revitalisation de territoire en centre-ville et, enfin, sur la lutte contre le logement indigne ou insalubre.

Je ne reprendrai pas l'ensemble des débats qui ont animé notre commission. Je me concentrerai sur ces deux derniers sujets, au titre desquels la commission a le plus complété le projet du Gouvernement.

Il s'agit en premier lieu de l'article 54, qui dispose des opérations de revitalisation de territoire. Elles constituent en quelque sorte le cadre législatif du plan national « Action coeur de ville » lancé en mars dernier et qui va mobiliser 5 milliards d'euros le long du quinquennat.

Ces opérations suscitent une grande attente ; plusieurs villes concernées se mobilisent d'ores et déjà pour les mettre rapidement en oeuvre une fois la loi adoptée. Tous les travaux – je pense autant à ceux du CGEDD, le Conseil général de l'environnement et du développement durable, de l'Inspection générale des finances, l'IGF et au rapport Marcon – dressent les mêmes constats : alors que les villes moyennes représentent 23 % de la population et 26 % de l'emploi national, elles sont également de plus en plus nombreuses à perdre leur attractivité.

Les signaux sont multiples : départ de la population vers les périphéries participant à la dégradation du logement en centre-ville et à la baisse de l'activité économique, départ de certains services publics, compétition du e-commerce et des grandes surfaces, urbanisme inadapté. Pour y répondre, il ne suffit plus de mener des actions ponctuelles et ciblées : il faut, au contraire, définir un véritable projet de territoire en fonction des difficultés locales et engager sur le long terme l'ensemble des acteurs souhaitant y participer.

À ce titre, la commission des lois a adopté différents amendements visant à compléter l'article 54 relatif à la création d'un contrat de revitalisation des centres-villes. Je tiens à témoigner du sens qu'il revêt et de ses dispositions.

Le premier précise les conditions dans lesquelles les acteurs, et plus particulièrement les acteurs privés susceptibles d'apporter un soutien ou de prendre part à la réalisation d'une opération de revitalisation de territoire, peuvent être signataires de sa convention. Le second assure l'information des parlementaires sur la mise en oeuvre et le déroulement des ORT menées dans leur département. Le troisième prévoit des mesures de reconversion ou de réhabilitation des friches industrielles et commerciales dans le cadre de l'ORT. Le quatrième précise les conditions dans lesquelles le droit de préemption peut être confié à un opérateur tiers. Le suivant soumet les entrepôts de préparation et de stockage des achats réalisés en ligne à l'autorisation d'exploitation commerciale. Le sixième étend la possibilité pour le préfet de suspendre, sous certaines conditions, l'enregistrement et l'examen d'installations commerciales sur le territoire de communes participant à une ORT ou situées à proximité d'une telle opération aux drives et aux entrepôts de e-commerce – il nous paraît en effet important que le e-commerce soit l'un des sujets de nos débats. Enfin, un autre amendement améliore la planification du développement de l'offre commerciale dans les documents d'urbanisme.

Je tiens aussi à souligner la préoccupation qui a été la nôtre de garantir l'ingénierie des projets qui seront l'épine dorsale de ces ORT. C'est pourquoi la commission a souhaité ouvrir les statuts de l'EPARECA – l'Etablissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux – pour que son périmètre d'intervention puisse s'étendre aux ORT. Nous y reviendrons pendant les débats.

Les dispositions du projet de loi ÉLAN relatif à la revitalisation des centres anciens et à l'équilibre entre nos territoires s'insèrent dans une politique plus globale du Gouvernement. Je souhaite, à ce titre, saluer le récent rapport présenté par Jean-Louis Borloo, Vivre ensemble, vivre en grand, relatif aux quartiers défavorisés.

Le second sujet que nous avons approfondi concerne la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil.

Sur ce point, le constat est celui d'une forme d'impuissance des acteurs publics face aux comportements de certains propriétaires qui, soit refusent de se plier à leurs obligations d'entretien, soit exploitent la vulnérabilité de personnes en situation précaire pour soutirer des loyers exorbitants pour des logements qui n'en ont que le nom. Je sais que ce constat est très largement – pour ne pas dire totalement – partagé sur tous les bancs. Il est absolument nécessaire de légiférer parce qu'une telle réalité est insupportable pour la République.

Je souhaite citer à ce propos trois amendements dont nous aurons l'occasion de rediscuter au sein de cet hémicycle.

Le premier vise à systématiser le prononcé des peines de confiscation de l'usufruit ou de la pleine propriété des biens ayant servi aux marchands de sommeil ainsi que l'interdiction d'acquérir des biens pendant cinq ans, sauf si le juge en décide autrement au regard des circonstances de l'infraction. Il s'agit ici d'inverser la logique : le juge sera amené à s'interroger sur la pertinence d'une confiscation partielle ou totale, seule véritable façon de frapper le porte-monnaie des marchands de sommeil.

Le deuxième vise à empêcher ces mêmes marchands de sommeil d'acquérir de nouveaux biens par adjudication. Il n'y a rien de plus choquant que de voir ces personnes user de ces ventes – souvent provoquées par les difficultés vécues par les propriétaires initiaux – pour étendre leur activité odieuse.

Le troisième, pour finir, étend aux situations d'insalubrité non irrémédiables la possibilité d'exproprier les propriétaires qui n'ont pas réalisé les travaux prescrits par le préfet dans le délai imparti, et de mieux encadrer le montant des indemnités versées.

Ce projet doit donner à la République les moyens de combattre véritablement et définitivement ces activités criminelles.

Je tiens à remercier mes collègues rapporteurs, avec lesquels nous avons mené un travail important lors de l'étude du texte dans les différentes commissions saisies. Il est l'aboutissement d'un processus de réflexion, de discussion et de co-construction. Du projet de loi de finances à cette discussion générale, en passant par la conférence de consensus, nous avons pu participer à l'enrichissement de cette nouvelle philosophie en matière de logement. Je suis heureux d'avoir pu contribuer à ces différentes échéances.

Au vu du projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui dans cet hémicycle, je ne peux qu'être fier du travail réalisé et confiant pour la suite de nos débats.

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