Intervention de Roland Lescure

Séance en hémicycle du mercredi 30 mai 2018 à 15h00
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Lescure, président de la commission des affaires économiques :

Je ne sais pas si je dois vous appeler les Montaigne et La Boétie du logement ou les Starsky et Hutch de la construction, mais tout le monde reconnaît que les deux font la paire et que vous êtes complémentaires. Vous avez tous les deux contribué très fortement au succès de ce processus. L'élan est un solitaire, alors que votre projet de loi, j'en suis convaincu, crée beaucoup de cohésion, de la cohésion sociale, mais aussi de la cohésion des territoires.

L'élan, enfin, est sédentaire, alors que vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous créez de la mobilité, une mobilité dont nous avions bien besoin, à la fois sociale et géographique.

Au bout du compte, je n'ai trouvé qu'un seul point commun entre l'élan et votre projet de loi. L'élan donne l'impression de ne pas aller très vite, quand il se met en mouvement, d'aller, si je puis me permettre cette image, à un pas de sénateur. Mais, quand il est en marche, il avale du terrain, il va vite et il va loin. On ferme les yeux et quand on les rouvre, il s'est avancé loin sur le chemin. Je pense que c'est une belle image pour décrire le processus que vous avez entamé il y a dix mois et que nous sommes en passe de terminer.

J'ai l'impression de refaire le discours d'introduction des États généraux de l'alimentation, en vous disant que la concertation est une marque de fabrique de ce gouvernement. Puisque nombre d'orateurs ont souligné le fait que cette concertation s'était faite avec l'ensemble des acteurs, je vais me concentrer surtout, pour ma part, sur les résultats de cette concertation. C'est bien joli de parler mais, sans résultats concrets, la concertation peut sembler inutile.

Parmi les résultats concrets de la concertation, je mentionnerai d'abord le bail mobilité. C'est l'une des mesures qui vous est remontée comme étant l'une des plus appréciées par les jeunes. Nous faisons aussi la loi pour les jeunes, et c'est la concertation qui nous a permis de mesurer l'importance de cette question pour l'ensemble des Français.

Vous l'avez dit, monsieur le ministre, la conférence de consensus, qui a réuni tous les acteurs, a été l'occasion d'élaborer un consensus autour de la nécessité de réformer le logement social – tout le monde l'a reconnu.

Les rapporteurs ont fait leur travail et ont organisé cinquante-trois auditions, qui ont produit 220 amendements – si ce n'est pas un résultat ! Certains étaient certes rédactionnels, mais pas tous. Surtout, les fameuses ordonnances, qui sont souvent décriées dans cet hémicycle, ont été pour vous une occasion de polir le texte et de le parfaire. Au bout du compte, il ne reste que huit des seize projets d'ordonnances initiaux, car les huit autres sont entrées dans le dur du texte, car vous avez su en parler, discuter et entendre.

La commission des affaires économiques a contribué, modestement, mais efficacement, à la qualité du dialogue et de la concertation. Sur les 2 440 amendements qui y ont été examinés, 401 ont été adoptés, émanant de tous les groupes, sauf un. Tous les groupes ont pris part aux discussions, et la qualité qui m'a frappée, c'est la diversité, de provenance comme de style. C'est une chose à retenir car, dans le logement aussi, la diversité est une qualité qui crée de la valeur. Je pense que la diversité des provenances et des parcours, la diversité des options et des opinions qui se sont exprimées au sein de la commission économique, ont amélioré le projet de loi.

Les autres commissions se sont également mobilisées, comme cela a déjà été souligné. Nous entendrons tout à l'heure notre collègue de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui s'est montrée particulièrement convaincante, puisque sur les trente-neuf amendements déposés par cette commission, qui avait été saisie au fond de deux articles, trente-quatre ont été adoptés. Nos amis de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles ont été un peu moins convaincants, puisque cinq amendements de la première ont été adoptés et deux de l'autre.

Ce qui m'a surtout frappé dans ce processus, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, c'est l'écoute dont vous avez su faire preuve, n'hésitant pas à revenir, à relancer le travail et, au cours de la petite semaine qui a séparé l'examen du texte en commission et en séance, à rencontrer les députés de tous bords pour polir votre texte et l'améliorer.

Nous arrivons ici avec 3 000 amendements et un vrai défi à relever, celui de donner du sens à ce texte qui, parfois, peut sembler un peu morcelé et trop détaillé. Au Québec, on dit que lorsqu'on regarde une forêt, on a parfois tendance à se concentrer un peu trop sur les arbres et à oublier la forêt dans son ensemble. Quand je vois les 3 000 amendements que nous avons tous déposés ensemble, je me dis qu'il y a un petit risque qu'on se concentre sur l'écorce de l'arbre, plutôt que sur la forêt.

Ma vision de la forêt, je vais vous l'exposer en deux mots, qui vont rythmer nos débats et qu'il va falloir garder à l'esprit : la cohésion et la mobilité.

La cohésion, c'est la promesse républicaine d'unité contre la division et le morcellement. La cohésion, c'est la boussole de notre majorité. Elle doit être sociale, mais aussi territoriale. Et qu'y a-t-il de mieux que le logement pour assurer la cohésion qui, malheureusement, nous manque encore beaucoup ici ? La cohésion sociale, d'abord, parce que la meilleure arme contre le communautarisme, contre la ghettoïsation, contre le repli identitaire, c'est la mixité sociale.

C'est aussi la cohésion du territoire. De ce point de vue, il faut maintenir l'équilibre de la loi SRU, rendre l'attribution des logements sociaux plus transparents, lutter contre l'habitat indigne et favoriser mixité, dans les deux sens – les logements sociaux ne doivent pas devenir des ghettos de pauvres mais accueillir des gens de niveaux sociaux différents. La cohésion du territoire, enfin, passe par la revitalisation des centres-villes, par la transformation de bureaux en logements et, évidemment, par la couverture numérique.

La mobilité est le deuxième terme important. L'une des raisons, et peut-être la raison essentielle pour laquelle j'ai fait ce que j'ai fait il y a un an, tout quitter pour rejoindre cette aventure, c'est le discours que tenait notre candidat de l'époque, qui est maintenant notre Président de la République, autour de l'assignation à résidence. On ne peut pas supporter qu'une partie de la population soit exclue de l'éducation, du marché du travail et, évidemment du logement, qui est un élément essentiel, y compris littéralement, de cette assignation à résidence.

Pour introduire une mobilité dans le parcours résidentiel, vous proposez de construire plus, vous proposez de favoriser la mobilité dans le parc HLM, vous proposez la mobilité sociale et professionnelle avec le bail mobilité. Ce seront des éléments essentiels du retour de la cohésion, mais aussi de la mobilité sociale, dont nous avons tant besoin.

Le travail ne fait que commencer. La semaine qui vient va sans doute être intense, parfois un peu épuisante, à en juger par la semaine qui vient de s'écouler. Je peux vous dire qu'il y a des moments où nous allons tous être fatigués ; parfois même, nous serons un peu tendus. Mais n'oublions pas le ton qui a caractérisé l'ensemble de nos débats en commission. N'oublions pas qu'au total nous travaillons pour le bien commun. N'oublions pas, surtout, que ce projet de loi a été fait par tout le monde, par tous les acteurs, et pour tout le monde. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je vous en remercie.

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