Intervention de Thibault Bazin

Séance en hémicycle du mercredi 30 mai 2018 à 15h00
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mesdames et messieurs les rapporteurs, madame et monsieur les présidents de commission, chers collègues, nous voici réunis aujourd'hui pour discuter du projet de loi intitulé « Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ». La volonté affichée, rappelée dans l'exposé des motifs, est de « construire plus, mieux et moins cher ».

Sur le papier, tout semble coller, mais la réalité du terrain est bien différente. Tant de sans-abri et tant de mal logés : 3,5 millions en France ! Il est difficile de se loger, de bien se loger dans notre pays.

Les fractures territoriales existent et risquent de s'aggraver du fait de votre politique. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, votre projet de loi ne répond pas aux attentes. Il n'est pas à la hauteur des enjeux. Il est décevant.

Il y va pourtant de l'avenir de la France périphérique, de la cohésion de la nation et de l'unité de la République. Vous êtes à la tête d'un ministère de la cohésion des territoires. Et si l'évolution annoncée du nouveau monde n'était que recul ? Des propriétaires méprisés, des maires mis hors-jeu, des territoires oubliés…

Les objectifs que vous énoncez semblent louables et nous y souscrivons, mais force est de constater que ce projet risque de ne pas y répondre. Peu de mesures permettront de répondre durablement aux grandes priorités énoncées par le Gouvernement.

Pire, le texte ne fait qu'essayer de corriger le tir après les premières mesures du quinquennat, dommageables pour le secteur du logement.

Le Gouvernement a, en effet, profondément mis à mal la dynamique du logement en France, dès son premier budget voté fin 2017. Le projet de loi de finances pour 2018 contenait des mesures désastreuses, qu'il s'agisse de la quasi-suppression de l'APL accession juste maintenue deux ans pour l'habitat ancien en zone détendue, de la restriction du dispositif Pinel aux seules zones tendues, du refus de prolonger le prêt à taux zéro – PTZ – au-delà de 2020 dans les zones détendues.

La capacité d'autofinancement des HLM est fragilisée alors qu'ils sont les principaux donneurs d'ordre dans les territoires déjà délaissés par les investisseurs privés. Les ventes en bloc ont d'ailleurs baissé de 19,3 % au premier trimestre 2018 par rapport au premier trimestre 2017.

Les dégâts se font déjà sentir. Plus que les mises en chantier qui reflètent le dynamisme passé avec le décalage inhérent entre la commercialisation et la phase de travaux, il serait plus pertinent de regarder les indicateurs d'avenirs. Ainsi, les réservations de logements neufs s'inscrivent en retrait de 10,2 % par rapport au premier trimestre 2017 – moins 30 % dans ma région du Grand Est. Ce chiffre atteint même moins 42 % pour les investisseurs privés. La baisse de la quotité finançable du PTZ dans les zones détendues, de 40 % à 20 %, a déjà généré un recul de 17 % pour le marché des maisons individuelles au premier trimestre 2018 par rapport au premier trimestre 2017. En secteur diffus, le recul atteint même 18,7 %. Nous risquons, mes chers collègues, un véritable « trou d'air » dans la production de logements à horizon 2020.

Du fait de la suppression de l'APL accession, la plupart des candidats à l'accession n'auront d'autre choix que de rester locataires. Or la majorité a fait un mauvais calcul, car il revient beaucoup plus cher à l'État de maintenir un ménage dans son statut de locataire, en lui versant l'APL pendant des dizaines d'années, que de l'encourager à devenir propriétaire, avec une APL accession qui s'éteindra une fois le prêt remboursé. On peut même ajouter les pertes fiscales de TVA sur les logements neufs non financés et les droits de mutation dans l'ancien.

Les indicateurs sont au rouge pour 2018 avec des transactions dans le parc existant en baisse et des crédits immobiliers aussi en baisse. Qu'en sera-t-il si les taux augmentent ? Vous voulez construire plus mais les mesures que vous proposez nous conduisent sur le chemin inverse.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, après avoir perdu la bataille budgétaire de 2017, vous nous avez conviés à la conférence de consensus sur le logement, à l'initiative du Sénat, dans le but de désamorcer la gronde légitime face à la brutalité de ces mesures. Au vu des résultats, j'en viens à penser que nous n'avons visiblement pas la même notion du « consensus ».

Les Français ont cru en 2017 que la majorité porterait une autre manière de faire de la politique, en prenant les bonnes idées de droite et de gauche, en étant ouverte à la co-construction. La conférence de « consensus » pouvait s'inscrire dans cette philosophie. Hélas ! ce n'est pas le cas. Je veux dénoncer les faux-semblants de la concertation.

Malgré toute la théâtralisation du consensus, la réalité est autre. Vous n'avez retenu que fort peu d'amendements des minorités, alors que certains vous semblaient intéressants. Pire, vous avez fait croire que vous seriez prêts à les retravailler. Monsieur le secrétaire d'État, vous m'aviez ainsi indiqué en commission, le 17 mai dernier : « Mes équipes tiendront des réunions de travail à ce sujet. Je propose qu'elles reviennent vers vous pour vous dire quels sont les ajouts et les modifications à porter à ces amendements. Vous pourrez les redéposer ensuite ». Le week-end de Pentecôte a dû vous porter conseil, l'esprit jupitérien a dû souffler. Pas de son, pas d'image depuis.

Puis, mercredi dernier, une journaliste me pose la question suivante : « Monsieur Bazin, quelles seront vos demandes auprès des ministres à la réunion de demain » ? Surpris, je lui réponds : « Quelle réunion ? Je n'ai pas été invité, c'est sûrement une réunion de la majorité ». Elle me précise que M. Peu et M. Pupponi sont, quant à eux, invités. Étonnant, non ? La presse a depuis fait état de cette réunion où la principale minorité n'a pas été invitée. Voila la réalité : nous avons été exclus de cette réflexion.

Vous savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, il y a aussi des quartiers prioritaires hors d'Île-de-France. Même en Lorraine, dans ma circonscription, comme à Tomblaine ou Lunéville.

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