Intervention de Robin Reda

Séance en hémicycle du mercredi 30 mai 2018 à 21h45
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRobin Reda :

par des propositions qui avaient été portées sur tous les bancs de cet hémicycle, y compris par certains de nos collègues et moi-même, qui nous auraient permis de nous retrouver sur un texte tout aussi ambitieux, même amendé par le Gouvernement, et d'éviter d'avoir à y revenir dans des débats que vous jugez parfois trop longs.

Je me félicite néanmoins de l'intégration dans ce projet de loi de plusieurs propositions, en persistant à penser qu'il nous faut une définition précise du marchand de sommeil, sur laquelle il faut retravailler et qui permettrait de mieux sanctionner ces agissements, notamment en cas de récidive.

Nous entendons la présomption de revenus imputables aux marchands de sommeil, la prolongation de 5 à 10 ans de la durée maximale pendant laquelle un marchand de sommeil condamné aurait l'interdiction de procéder à tout achat immobilier direct ou indirect, et de la même façon, l'obligation faite au juge de prononcer des peines complémentaires de confiscation des biens, même si nous pensons intimement que la confiscation devrait être systématique pour être plus efficace.

Enfin, l'obligation pour les syndics de copropriété professionnels de signaler auprès de Tracfin les opérations réalisées par les propriétaires quand ils ont de fortes raisons de penser qu'ils ont une activité de marchand de sommeil est une solution innovante, dont on peut espérer qu'elle aide à repérer ce type de délinquance.

Si sur certaines mesures comme celles que je viens d'énoncer, les députés du groupe Les Républicains estiment qu'il y a une avancée, nous regrettons toutefois que sur d'autres, la méthode employée ne soit pas à la hauteur des objectifs.

Le premier objectif affiché par le Gouvernement est de construire plus, mieux et moins cher.

Construire plus, c'est une bonne chose lorsqu'on sait que les indicateurs de la construction peuvent virer au rouge alors que les mises en chantier sont en baisse en 2018 et que les perspectives sont encore moins bonnes pour 2019.

Construire moins cher est un objectif louable, car le logement est de loin le premier poste de dépenses des ménages en France.

Attardons-nous sur le troisième élément du triptyque : « construire mieux ».

La seule question qui doit nous guider est : que veulent les Français ? Ils veulent un logement avec des commerces de proximité, des écoles, des services publics, des espaces verts. Ils veulent aussi de l'habitat individuel, dont ils pourraient devenir propriétaires. Ils n'aspirent pas nécessairement à la surdensité. N'oublions pas que c'est de l'inadaptabilité de l'immobilier aux besoins de la population que naît la vacance immobilière.

Pourquoi ne pas en profiter pour créer de l'emploi non délocalisable, une filière qui préparerait la fin du tout-béton ? Les habitants hurlent contre le bétonnage de nos villes. Alors préparons la fin du tout-béton ! Les filières chanvre, paille, bois sont autant de leviers économiques dans nos territoires qui associeraient utilement les régions aux objectifs d'avenir.

Mais la réalité de ce projet de loi, c'est le manque de confiance dans les territoires. Est-il possible de construire mieux en méprisant l'avis des maires sur les opérations d'urbanisme ?

La commune est l'oubliée des propositions en matière d'urbanisme et de projets d'aménagement. Plusieurs dispositions dans votre projet témoignent d'un mouvement de recentralisation, voire de technocratisation, qui éloigne de plus en plus les élus locaux et les citoyens de la décision.

Le projet partenarial d'aménagement et la grande opération d'urbanisme dédiés à la rénovation sont des outils intéressants, mais les maires sont les oubliés de ces dispositions et certaines opérations pourront être réalisées sans recueillir leur avis, ce qui est contraire à toutes les gouvernances des territoires en France, où une agglomération, un département, une région peut rarement mener un projet à son terme, mener une concertation à bien, sans le soutien d'un maire proactif qui porte le projet.

Pourtant, ce sont bien les maires qui connaissent le mieux les réalités et les sensibilités de nos territoires. Leur avis devrait être d'autant mieux pris en compte que vous les incitez à construire des logements, alors même qu'ils n'auront pas en retour les financements de la ville de demain. Ce sont bien eux qui prennent en charge les nouveaux habitants, qui supportent les équipements publics, avec des ressources qui seront en baisse, parce que les nouvelles bases immobilières nées des constructions ne seront pas compensées, du fait notamment de la suppression de la taxe d'habitation. Alors oui, nous devons réaffirmer notre confiance dans l'action des élus locaux, au nom de la libre administration des collectivités.

Construire mieux est-il possible en méprisant totalement les architectes par un contournement malhabile de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, dite loi MOP ? Alors que le droit positif garantit la présence d'un architecte du début à la fin de la construction d'un bâtiment, de la conception à la conduite du chantier, ce projet de loi prévoit la disparition des concours d'architecture au moment de la construction des logements sociaux. Les architectes sont les garants de la qualité architecturale. Sans leur apport, il y a un risque important pour la qualité de l'habitat de demain.

Rappelons qu'en 1977, la loi sur l'architecture avait été conçue pour contrebalancer ce qui avait, en matière de construction, été fait trop vite. Ni Thibault Bazin ni moi n'étions nés, mais la colère des architectes doit être entendue : le logement n'est pas, pour les Français, un simple produit économique. C'est une valeur d'usage, voire une valeur tout court.

Je n'oublie pas, bien sûr, que certaines cités sensibles sont le produit d'utopies architecturales peu en phase avec le terrain : la Grande Borne à Grigny ou les Courtillières à Pantin sont des exemples frappants de ce que l'État a probablement fait de pire avec certains architectes à l'époque. Mais aujourd'hui, dans un vaste mouvement de décentralisation que nous appelons de nos voeux, nous passer des hommes et des femmes de l'art nous mènera droit vers la standardisation des procédés constructifs, des façades ou encore des communs, conduisant tout le monde à habiter partout et nulle part : une standardisation dangereuse pour la cohésion sociale de demain. Vous n'atteindrez pas vos objectifs quantitatifs, sans parler des enjeux qualitatifs.

Allons plus loin. Est-il possible de construire plus sans améliorer la confiance qu'ont les propriétaires et les investisseurs en l'avenir ? Alors qu'il faudrait baisser les frais de notaire pour l'acquisition d'une résidence principale – ces frais qui freinent des acquisitions immobilières malgré les taux bas – , il est question d'une évolution à la hausse de la fiscalité sur les frais de mutation. Certes, elle n'est pas à l'ordre du jour, puisque le Gouvernement l'a mise sous le tapis… Mais ces droits de mutation, qui ont déjà mécaniquement augmenté ces dernières années par l'enchérissement du coût de la construction, pourraient être un frein supplémentaire à la mobilité et aux objectifs de circulation d'un patrimoine que l'on sait figé. Je sais, monsieur Mézard, que vous me répondrez : « Les départements ! ». Et je sais aussi que vos amis politiques, en particulier, demandent la hausse des droits de mutation à titre onéreux – les DMTO.

Pour refinancer les départements et les collectivités de proximité, intéressons-nous plutôt au gaspillage généré par les réformes territoriales successives sans aucun effet sur la rationalisation de l'argent public.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.