Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du jeudi 31 mai 2018 à 9h30
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

La quasi-suppression de l'APL accession, la réforme du prêt à taux zéro dans le neuf et dans l'ancien, la restriction du dispositif d'investissement locatif, la réduction du loyer de solidarité imposée aux bailleurs sociaux, qui les prive de leur capacité à investir, expliquent ces mauvais résultats. Quelques chiffres illustrent cette triste réalité. Les indicateurs du logement neuf sont en baisse : les mises en vente connaissent un ralentissement de 14 %, qui devrait se renforcer en 2019. Les réservations de logements neufs affichent, quant à elles, un recul de 10 %. Le ralentissement concerne surtout les ventes en bloc, qui se sont réduites de 19 %, alors qu'elles progressaient en 2017 de plus de 30 %. Les crédits immobiliers et les transactions dans le parc existant ont baissé. Par ailleurs, comme le confirme l'INSEE dans sa note de conjoncture économique publiée hier, l'investissement des ménages en logement tend à ralentir après deux années de fort rattrapage.

Les professionnels du secteur espéraient qu'à la suite de la loi de finances, le Gouvernement profiterait de ce texte pour corriger la trajectoire prise par votre budget. Or, il s'agit d'un projet de loi technique, d'un grand fouillis, pour ne pas dire d'un fourre-tout, qui ne répond pas aux fortes attentes de la filière même si, pour être juste et objective, je qualifierais certaines mesures d'intéressantes. Je pense à la poursuite du travail de simplification des normes et des procédures de construction que j'avais engagé, à la volonté de réduire les recours abusifs ou dilatoires, ou encore à la nécessité de lutter contre les marchands de sommeil.

En revanche, d'autres mesures me semblent insuffisamment approfondies. Si je peux en partager la philosophie, l'absence de garanties ou des moyens pour les atteindre concrètement demandent un travail complémentaire. Je souhaite que nos débats permettent de lever certaines ambiguïtés. Ainsi, la transformation des bureaux vacants en logements, valorisée par un bonus de constructibilité, est une idée qui peut paraître séduisante, mais ses conditions de mise en oeuvre sont trop imprécises car elles ne permettent pas d'atteindre l'objectif de mixité sociale – en l'état actuel, c'est même tout le contraire.

Concernant l'attribution des logements sociaux, je souscris au principe de la cotation, mais le réexamen de la situation des locataires, prévu tous les six ans, va mettre les élus locaux siégeant dans les commissions d'attribution des logements – CAL – dans une grande difficulté – ce n'est d'ailleurs pas la seule disposition du texte qui oublie les maires – surtout dans les zones tendues où nous manquons cruellement de logements adaptés aux besoins de nos concitoyens et à la taille des ménages. La fluidité des parcours résidentiels sera difficile à atteindre.

Le bail mobilité entend répondre à un besoin réel et peut constituer une avancée si vous nous apportez la preuve, messieurs les ministres, que des protections existent pour empêcher le développement d'une nouvelle forme de précarisation des locataires. S'agissant du développement de l'offre de logements intermédiaires, on ne peut que partager votre ambition, mais encore aurait-il fallu ne pas toucher à ce qui fonctionnait dans la loi de finances. Enfin, concernant l'aménagement et le numérique, je crains que les dispositions présentées ne répondent que peu, ou insuffisamment, au sentiment d'abandon ou de relégation vécu par les habitants des territoires ruraux ou périurbains.

D'autres articles, en revanche, ne peuvent recueillir mon assentiment car je considère qu'ils vont renforcer et aggraver les fractures entre nos territoires. Je pense en particulier aux dispositions relatives au logement social. Votre projet de loi prévoit le regroupement des organismes HLM, ce qui va poser dans de nombreux territoires un problème de proximité, notamment du point de vue des services rendus aux locataires, dont la qualité de vie sera affectée.

Et que dire de la possibilité de vendre 40 000 logements par an à des sociétés privées, alors que le logement social constitue le patrimoine de tous les Français ? Vous ne prévoyez aucun garde-fou, ce qui va faire entrer le logement social dans une logique marchande, tendue vers le profit, alors que ce qui devrait être encouragé, c'est l'accession à la propriété par les locataires et la vente entre bailleurs sociaux. Comment pouvez-vous nous dire que vous voulez éviter la spéculation immobilière ou renforcer la lutte contre les marchands de sommeil, quand ces ventes risquent malheureusement de les encourager fortement ?

La suppression du concours d'architecte pour la construction de logements sociaux et les remises en question de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée – loi MOP – constituent également un recul majeur, qui portera nécessairement atteinte à la créativité, à l'innovation, et qui, à terme, conduira à la remise en cause de leur qualité architecturale et de leur insertion urbaine.

Je trouve que cela est en contradiction avec les propositions issues du rapport de Jean-Louis Borloo, que vous avez abandonnées. Malheureusement, le discours du Président de la République concernant les banlieues et les quartiers prioritaires de la ville et votre projet de loi ne permettront pas de renforcer la mixité sociale, de lutter contre le communautarisme et de casser les ghettos.

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