Intervention de François Jolivet

Séance en hémicycle du samedi 2 juin 2018 à 21h30
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Article 29

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Jolivet :

Je ne comprends pas trop ce qui se dit. Tout d'abord, ces « sociétés de défaisance », ce sont des sociétés de HLM : voilà qui permet de savoir de qui l'on parle – ce ne sont pas des fonds de pension. D'autre part, certains ici connaissent bien le mouvement HLM : il y a eu beaucoup de ventes depuis les premières CUS, il y a cinq ans, madame la ministre Pinel, et je n'ai pas entendu parler de difficultés au sujet des biens vendus aux locataires, ni de biens revendus à des marchands de sommeil qui auraient décidé de mettre des rats dans les immeubles pour que tout le monde parte… En tout cas, cela n'a pas fait la une des journaux, alors qu'il y aurait matière à scandale.

Je m'étonne aussi des craintes que suscite la stratégie du Gouvernement : elle n'est d'ailleurs pas faite pour récupérer les 800 millions d'euros de fonds propres que l'on dit avoir pris aux organismes HLM – cela d'ailleurs était porté depuis très longtemps par ces organismes, qu'il s'agisse de très grands offices, implantés non loin de cet hémicycle, ou du réseau d'Action logement, autrement dit le 1 % logement.

J'ai cru comprendre que, pour les opérations de construction nouvelles, que chacun souhaite, les pouvoirs publics ont ajouté, pour qu'elles soient de grande qualité, des contraintes très fortes au fil des années, même si M. le ministre et M. le secrétaire d'État essaient d'en lever certaines. Le prix de revient des opérations, me semble-t-il également, était très élevé et a mobilisé beaucoup de fonds propres.

J'ai cru aussi comprendre que beaucoup souhaitent retrouver la mixité des statuts d'occupant dans les organismes HLM, afin que les enfants qui y logent ne fréquentent pas seulement, dans l'école qu'on a construite pour eux, des enfants de locataires. Lors de la discussion générale, je rappelais que le baron Haussmann avait reçu pour instruction de l'empereur Napoléon III de loger aussi, dans ses nouveaux immeubles, les gens dont le patrimoine avait été détruit sous leurs yeux lorsqu'il ouvrait des voies.

Devons-nous considérer, cher Stéphane Peu, qu'il n'y a pas de quartiers HLM très dégradés aujourd'hui, et que notre objectif est de continuer à faire ce qui ne marche pas ? Un ancien ministre de la ville, me semble-t-il, a commis un rapport très sévère sur les actions qui ont été menées jusqu'à présent ; et je ne parlerai même pas des multiples rapports de la Cour des comptes, que M. le ministre Mézard, dans sa sagesse, déclare lire même s'il n'en retient pas toujours la substance – il se fait sa propre opinion.

Ce qui vous est proposé ici, en réalité, est une chance pour la politique de construction de logements sociaux via des opérations mixtes, car des fonds propres seront libérés. C'est aussi une chance pour les quartiers, où pourra être restaurée une mixité de statuts d'occupant, à l'îlot peut-être – car rien n'est prévu à ce sujet dans le texte : les décrets définiront sans doute les conditions de mise en oeuvre.

Ce que certains nous proposent, en somme, c'est le statu quo. Or une marche importante me semble pouvoir être franchie, et cela vaut le coup d'être tenté au vu de tout ce qui a été entrepris depuis quarante ans, malgré toute la bonne foi et tous les efforts des acteurs, des partenaires, des associations, de l'État et des représentants de locataires, qu'il ne faut pas oublier. De fait, ces derniers aspirent parfois aux stratégies dont nous parlons, pour retrouver la mixité des statuts d'occupant dans les immeubles. Faudrait-il donc laisser les choses en l'état, ne rien changer ? Faudrait-il rêver la mixité sociale, que le législateur n'a jamais définie ? Ce serait un bel exercice pour chacun d'entre nous ! On sait ce qu'il ne faut pas faire, mais on ne sait pas ce qu'il faut faire…

En l'occurrence, nous essayons de trouver des solutions. Donnons donc sa chance au présent article, arrêtons les procès d'intention et évitons les caricatures. Je fais confiance aux dirigeants des sociétés, non de défaisance, mais de vente de HLM, pour faire les bons choix, ce qui ne se fera pas, au demeurant, sans discussion et sans un accord bien compris avec les collectivités locales. Le texte va donc dans une direction que nous devons suivre. Jusqu'à présent, personne n'a osé la prendre, et tout le monde a cru que la mixité sociale ne se faisait qu'avec des locataires ayant des plafonds de ressources différents. On se gargarise avec les PLAI – prêts locatifs aidés d'intégration – , les PLUS – prêts locatifs à usage social – ou les PLS – prêts locatifs sociaux – mais finalement, tous les bailleurs baissent les loyers de ceux qui ont un PLS, si bien qu'il ne reste que des gens soumis au plafond applicable aux PLUS. Bref, cela ne marche pas.

Je veux rendre hommage à M. Mano, qui présidait l'office HLM de Paris. Il avait exigé des opérations mixtes dans le cadre des VEFA – vente en l'état futur d'achèvement. La ville de Paris a établi les premiers retours d'expérience à ce sujet, et ils sont plutôt positifs : il n'y a pas de difficultés d'occupation du parc. On sait construire bien, et on sait conduire des opérations mixtes ; le souci, ce sont les grands quartiers de HLM où, à l'époque de leur construction, la mixité des statuts d'occupant n'existait pas. C'est précisément ce à quoi entendent remédier les dispositions proposées ce soir par le Gouvernement. Aussi je voterai cet article sans hésitation.

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