Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du samedi 2 juin 2018 à 21h30
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Article 29

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

D'autre part, aucun groupe, ici, depuis le début de l'examen du texte, et il en ira de même jusqu'à la fin, n'a déposé d'amendement d'obstruction. Tous les amendements des uns et des autres, s'ils expriment bien sûr des opinions différentes, visent à argumenter, non à empêcher ou à rallonger inutilement la fabrication de la loi. Si l'on pouvait donc éviter de se « balancer » des choses à la figure, ce serait mieux.

Ce que je vous dis, c'est que les dispositions de l'article comportent des dangers qui ne sont pas encadrés. Si l'on inscrit dans la loi que la vente de patrimoine en bloc – laquelle n'a rien à voir avec l'accession sociale à la propriété et le parcours résidentiel : il s'agit de la vente d'actifs d'une société à une autre – est permise pour des logements qui restent HLM, ou qui sont vendus à leurs locataires via la vente HLM, qui pour le coup est encadrée, alors il n'y a pas de problème. Mais ce n'est pas ce qui est prévu ! Une société de défaisance ou de portage HLM peut légalement, une fois qu'elle a fait un achat en bloc, vendre des biens à des personnes physiques ou morales, dès lors qu'ils sont libérés de leurs occupants. Cela comporte des dangers, notamment dans les quartiers qui, compte tenu de leur situation, ne sont pas assez attractifs pour générer de la mixité sociale.

En outre, les ventes pourront avoir lieu dans des villes qui sont déjà sous le quota de logements sociaux ! Essayons de regarder les choses en face : la plupart des organismes HLM ont déjà délibéré sur le patrimoine qu'ils pourront vendre. J'ai des exemples ici, je pourrai vous les montrer si vous le souhaitez : vous verrez que le patrimoine des HLM sera vendu dans les villes attractives, qui ont moins de 5, de 10 ou de 15 % de logements sociaux ! Ceux-là seront vendus dans le cadre de parcours résidentiels – mais ces villes qui ne respectent même pas la loi SRU auront encore moins de HLM. En revanche, dans les QPV, on vendra en bloc des immeubles dont les appartements, le moment venu, au fur et à mesure que les locataires partiront, seront revendus ! Exactement comme ce fut le cas à Clichy-sous-Bois ! Regardons ce qui se passe en ce moment : qui achète les logements ? Et qu'en fait-on ?

Pourquoi ne pas se prémunir contre de tels phénomènes ? Mettons au moins les taquets qui les empêcheront ! En ne les mettant pas, vous ouvrez la voie au phénomène que l'on constate malheureusement tous les jours : l'accentuation croissante, depuis vingt ans, du séparatisme social et territorial. On creuse ainsi des fossés toujours plus larges, qui font que les gens ne vivent plus ensemble et que la mixité recule. Car, depuis vingt ans, elle recule ! Et ce projet de loi, avec ses insuffisances à ce stade – même si je ne ménagerai pas mes efforts pour l'améliorer – porte en lui les risques d'une aggravation en matière de mixité sociale.

On peut toujours décrire un monde idéal, mais la réalité, celle de la vraie vie, c'est que l'on va mettre les riches d'un côté et les pauvres, toujours plus pauvres, de l'autre. C'est à quoi conduira ce texte, si l'on n'y met pas les taquets nécessaires.

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