Intervention de Thomas Gassilloud

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Gassilloud, rapporteur :

Merci pour toutes ces questions. À titre liminaire, comme le président regrettait l'absence de questions de la part de nos collègues députées, je m'aperçois que nous avons peu développé dans le rapport l'enjeu de la mixité. M. Mounir Mahjoubi a également souligné à Lille, au forum international de la cybersécurité, la faible féminisation des entreprises du numérique. Or, on code un logiciel en fonction de l'être que l'on est. Si ce sont des hommes qui codent, ils coderont avec leur personnalité et peut-être que ce ne sera pas représentatif de l'ensemble de la population puisque vous savez que les hommes n'en représentent que la moitié. La faible féminisation dans le domaine du numérique s'ajoute à la faible féminisation dans le domaine de la sécurité et de la défense. Les sujets à l'intersection sont donc très peu féminisés. C'est un vrai problème qui devra sans doute être corrigé avec des politiques de ressources humaines adaptées.

Je vais me concentrer sur les questions relatives aux ressources humaines, laissant mon collègue s'exprimer sur les questions de technologies et de moyens. M. Abad, vous posez la question des profils spécialisés qu'il est parfois difficile de recruter. La réponse standard repose souvent sur les niveaux de salaire et l'externalisation. Ce sont des réponses un peu toutes faites et j'aimerais aller un peu plus loin. À la suite de nos auditions, notamment celle de la direction du renseignement militaire, et je le constatais également dans mon entreprise, il me semble que les jeunes générations ne font pas uniquement leur choix de travailler à tel ou tel endroit en fonction du salaire mais aussi en fonction du sens qu'elles donnent à leur métier. Les armées et les services de renseignement sont très attractifs même s'ils ne proposent pas des grilles de salaire comparables à ce qu'on peut voir dans le privé. Mais cela fonctionne, à condition que la personne donne un sens à ce qu'elle fait et qu'elle soit accompagnée dans ce qu'elle fait. Nous avons eu quelques retours « en off » sur le découragement suscité par des délais de validation inhérents aux procédures administratives des armées pour obtenir du petit matériel, comme un ordinateur. Le jeune spécialiste en mesure de venir travailler pour les armées ne supporte pas de devoir attendre un temps considérable pour se voir affecter des ressources. Il faut donner la capacité à ceux qu'on recrute d'exercer correctement leurs missions. C'est un point sur lequel nous devons travailler.

Une question portait sur la manière de concilier la culture de la donnée avec la sécurité informatique. Il faut faire preuve de pragmatisme et évaluer avec suffisamment de finesse en quoi une donnée est sensible. Je vais prendre l'exemple des données qui pourraient être utilisées dans le cadre du maintien en condition opérationnelle prédictif. Le taux de panne des pièces de véhicules militaires est évidemment sensible mais les armées doivent être en mesure de les partager avec les industriels qui, du reste, en ont déjà une idée puisqu'ils font leurs propres tests. Autre exemple : aujourd'hui, un Rafale emmagasine chaque jour plusieurs dizaines de téraoctets de données, notamment avec ses capteurs optiques. Il enregistre sur des kilomètres des bandes de terrain sur lesquelles il procède à des détections. Ce qui est confidentiel, c'est l'aiguille dans la botte de foin, le petit élément aperçu. Pour autant, c'est l'ensemble de données collectées qui ne sort pas du service qui les a commandées. Or, ces données sont nécessaires pour construire les algorithmes qui, demain, permettront de retrouver cette aiguille dans la botte de foin. L'absence d'accès à ces données nous prive de la matière première permettant de construire l'outil de demain. Il doit donc y avoir un arbitrage entre la protection des données et leur partage, qui permet l'innovation, laquelle est indispensable.

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