Intervention de Michel Larive

Réunion du mardi 22 mai 2018 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Le groupe de La France insoumise n'est pas opposé à la lutte contre les fausses informations, seulement nous considérons que la méthode de la majorité n'est pas la bonne. Nous proposons une autre méthode pour lutter contre ces fausses nouvelles. Nous préconisons d'utiliser d'abord l'arsenal législatif existant et de donner des droits nouveaux aux journalistes en renforçant le secret de leurs sources. Nous voulons faire participer les citoyens en créant un conseil de déontologie du journalisme qui serait composé de représentants des usagers, des médias et de représentants des journalistes, y compris précaires et pigistes, et je suis ravi que le président Studer l'évoque ici. Cette mesure est en vigueur en Belgique : tous les citoyens belges peuvent saisir cet organisme en cas de manquement à la déontologie dans un reportage, une émission ou un article. Le média responsable est alors obligé de publier un rectificatif.

Nous considérons que la lutte contre les fausses informations serait plus efficace avec une transparence accrue du côté de ceux qui possèdent les médias. Je rappelle qu'ils jouent un rôle majeur dans la vie démocratique de notre pays. Ils ont le pouvoir de façonner le débat public. Ce pouvoir peut donner lieu à des abus. Comment lutter contre les fausses informations sans tenir compte du fait que les médias dépendent de neuf milliardaires pour 90 % d'entre eux ?

Enfin, nous souhaitons que la lutte contre les fausses informations soit un enjeu de l'école républicaine. L'éducation et le discernement restent les meilleures clés pour fermer la porte aux fake news.

Cette proposition de loi ne permet pas de lutter contre les fausses informations. Elle ne sera rien d'autre qu'un outil de censure.

Tout d'abord, les pouvoirs du CSA seront accrus. Il pourra suspendre ou mettre fin à la diffusion d'un service de télévision contrôlé par un État étranger en période électorale ou n'importe quand si cette interdiction répond à une nécessité d'ordre public. Il sera également en mesure de prononcer la suspension d'un média en période électorale et pré-électorale. Pour prendre de telles décisions, il ne se fondera que sur les contenus diffusés dont il fera une analyse forcément subjective.

Ensuite, un seul magistrat pourra juger de la véracité des contenus, qui plus est dans un délai quarante-huit heures, ce qui nous semble particulièrement rapide.

Enfin, il est prévu une compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris. Cela n'aboutit-il pas à exclure tout appel ?

Ce texte est en rupture totale avec la tradition de la liberté de la presse telle qu'elle s'est construite après les Lumières et la Révolution française, dans la loi de 1881 notamment. Vous vous apprêtez à mettre à mal la liberté de communiquer et de s'informer, la protection du secret des sources et la liberté d'expression et d'opinion.

La France insoumise ne votera pas en faveur de cette proposition pour trois raisons : premièrement, ce texte comporte des aspects qui le rapprochent de la censure ; deuxièmement, l'objectif affiché de la majorité – lutter contre les fausses informations – ne sera pas atteint ; troisièmement, la loi ne règle aucun problème. L'action de la majorité ne permet pas d'améliorer la situation des personnels et prestataires des médias qui voient leurs conditions de travail se précariser : journalistes, photographes, techniciens, secrétaires de rédaction, kiosquiers, imprimeurs, transporteurs, tous subissent des plans sociaux, des contrats de travail précaires, des retards de paiement.

La proposition de loi ne changera rien : les médias seront toujours la propriété de quelques oligarques et les citoyens seront toujours exclus du contrôle de la presse. Elle contribuera en outre à attenter aux libertés. Le groupe de La France insoumise fera usage de son droit d'amendement pour préciser sa position.

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