Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du jeudi 6 juillet 2017 à 9h30
Prorogation de l'état d'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui le premier texte de cette législature – un texte ô combien essentiel, puisqu'il touche à la défense de nos libertés fondamentales et qu'il vise à défendre la première d'entre elles, la sécurité. Ce texte a pour objet de protéger nos concitoyens.

Monsieur le ministre d'État, vous assumez la lourde et importante mission de protéger nos concitoyens. Je veux vous exprimer des voeux de réussite dans cette fonction ô combien difficile et vous dire que, comme nous l'avons fait par le passé, lorsque Manuel Valls et Bernard Cazeneuve occupaient le poste de Premier ministre, nous serons toujours au rendez-vous de l'unité nationale et du rassemblement pour combattre la barbarie islamiste et le terrorisme et pour mieux protéger les Français. C'est cet esprit de responsabilité qui nous animera dans ce débat et qui nous conduira naturellement à voter la prorogation de l'état d'urgence que vous nous demandez.

Nous la voterons compte tenu du contexte particulier, que vous avez rappelé. La menace terroriste demeure maximale. La France en est une cible, et sans doute l'une des premières cibles au monde. La France est un pays de liberté ; c'est le pays des Lumières et de la laïcité ; c'est aussi le pays du courage sur les théâtres d'opérations extérieures, pour rétablir la paix et pour combattre la barbarie islamiste. C'est cet état des lieux, c'est ce que nous sommes qui ont fait de nous une cible privilégiée et qui nous ont malheureusement conduits sur ce long chemin tragique qu'évoquait Patrick Calvar, l'ancien patron de la DGSI, devant la commission d'enquête que j'ai présidée après que des attentats ont frappé notre pays au début du mois de janvier 2015.

Oui, nous sommes engagés sur ce long chemin tragique. Vous l'avez dit, et il faut avoir le courage et la lucidité de dire cette vérité : de nouveaux drames nous frapperont. Nous le savons et notre devoir, notre responsabilité à tous, dans l'unité, est de tenter de les prévenir. Nous devons le faire avec humilité et responsabilité. Le risque zéro n'existe pas, même si j'entends des voix extrêmes dire que, si elle ou lui avait été au pouvoir, aucun attentat n'aurait eu lieu dans ce pays. Quelle irresponsabilité ! C'est une exigence et une nécessité : nous avons le devoir d'élever au maximum notre niveau de protection, afin de mieux garantir la sécurité et la liberté de nos concitoyens. C'est notre responsabilité, tout particulièrement au moment où commencer cette législature.

Nous voulons vous dire, monsieur le ministre d'État, que nous serons toujours au rendez-vous de cette responsabilité, dans un esprit de rassemblement et d'écoute réciproque – parce qu'il n'y a pas, d'un côté, les bonnes mesures qui viennent du Gouvernement et, de l'autre, les mauvaises mesures qui viendraient de l'opposition. Par nos propositions, nous avons enrichi de nombreux textes lors de la précédente législature. Je pense notamment aux amendements que nous avons défendus avec Guillaume Larrivé pour introduire le renseignement pénitentiaire, contre l'avis de la précédente garde des sceaux et avec le soutien de Jean-Jacques Urvoas, dernier garde des sceaux du précédent quinquennat. Je pense aussi aux mesures relatives à l'autorisation de sortie du territoire pour les mineurs ou à la loi sur la légitime défense que, par quatre fois, notre groupe a portée.

Nous ferons des propositions, monsieur le ministre d'État, au cours du présent débat, mais surtout lors de l'examen de la loi renforçant la sécurité intérieure que vous nous annoncez. Pour l'heure, tout en répétant que nous voterons la prorogation de l'état d'urgence, je voudrais formuler quelques remarques.

Il s'agit de la sixième prorogation de l'état d'urgence après cette nuit tragique du 14 novembre 2015 qui a saisi d'effroi notre pays, au cours de laquelle des Français, mais aussi des étrangers qui se trouvaient en France, ont été emportés parce qu'ils assistaient à une rencontre sportive, à un spectacle, ou parce qu'ils participaient à un moment de loisir à une terrasse de café. Le Président de la République de l'époque a opportunément recouru à l'état d'urgence, tout en confirmant la mise en oeuvre du contrôle aux frontières, qui avait déjà été mobilisé un jour plus tôt dans le cadre de la COP21. Ce dispositif était évidemment pertinent et utile pour mieux protéger nos frontières dans ce contexte de menace élevée.

Or ces deux mesures – le contrôle aux frontières et l'état d'urgence – risquent de prendre fin. Parce que le traité de Schengen limite à deux ans la dérogation à la libre circulation des frontières, le contrôle aux frontières s'arrêtera le 10 ou le 11 novembre prochain. Sa suspension constituerait une menace extrêmement lourde et j'appelle votre attention sur la nécessité d'engager dès aujourd'hui une négociation pour faire en sorte que ce contrôle soit maintenu.

Vous nous annoncez par ailleurs la sortie de l'état d'urgence. Monsieur le ministre d'État, nous ne partageons pas, et nous nous en expliquerons tout à l'heure lorsque nous défendrons certains de nos amendements, cette volonté à tout prix de sortir de l'état d'urgence. L'état d'urgence ne mérite ni excès d'indignité, comme ce fut le cas dans la motion de rejet préalable, ni excès d'honneur. C'est un outil, qui permet de mieux protéger les Français. Il n'apporte pas une réponse absolue – du reste, les réponses absolues n'existent pas.

Il y a une chaîne de réponses qui passent par l'apprentissage des valeurs civiques à l'école de la République, la lutte contre le communautarisme, l'expression d'une laïcité exigeante, une meilleure organisation de nos services de renseignement, rendus plus pertinents, plus regroupés et plus efficaces, des moyens donnés à la justice et à nos forces de police, notre engagement, enfin, sur les théâtres d'opérations extérieures. C'est cette chaîne tout entière qui peut apporter des réponses pour mieux combattre le terrorisme.

Ne nous privons pas des outils qui sont à notre disposition, monsieur le ministre d'État. L'annonce par le Président de la République, lors du Congrès, de la fin de l'état d'urgence nous inquiète. Vous nous annoncez une loi qui permettrait d'inscrire dans le droit commun certaines dispositions de l'état d'urgence, mais nous ne partageons pas cette approche juridique. Les dispositions qui sont annoncées dans le projet de loi renforçant la sécurité intérieure n'ont rien à voir avec le contenu de l'état d'urgence. Elles vont affaiblir le dispositif de protection de nos concitoyens.

C'est vrai pour les perquisitions administratives : celles-ci n'auront pour ainsi dire plus de sens, puisqu'elles devront être autorisées par le juge des libertés et de la détention. La rapidité d'action et d'intervention, qui faisait la pertinence de la perquisition administrative, n'aura plus cours et celle-ci sera privée de tout sens opérationnel, puisqu'il s'agira désormais d'une perquisition judiciaire. C'est très bien, mais c'est le droit commun : la perquisition administrative n'aura donc plus de sens.

Les assignations à résidence n'auront plus de sens non plus, puisque vous allez élargir le périmètre de l'assignation à résidence à une ville entière, et plus au domicile.

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