Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du dimanche 3 juin 2018 à 15h00
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Après l'article 29

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

… tout simplement parce que M. Bies avait des comptes à régler avec une association de locataires, car s'il était rapporteur, il présidait aussi CUS Habitat, c'est-à-dire l'office public d'habitat de l'eurométropole de Strasbourg. Voilà la vérité ! C'est d'ailleurs si vrai que je vous pose la question : vous toutes et tous qui êtes élus depuis un an, et pour certains depuis beaucoup plus longtemps, dans quels territoires avez-vous vu, dans les conseils d'administrations des bailleurs sociaux, des listes communautaires ? Où est-ce que cela se produit ?

Eh bien cela ne se produit pas. Et puisque, monsieur le secrétaire d'État, vous dites ne pas pouvoir, un dimanche après-midi, mesurer ce phénomène, je vous rappelle que le Gouvernement a le privilège de reporter l'examen de ces amendements en fin de discussion du projet de loi – cela vous laissera le temps de la vérification. Vous pouvez même demander une deuxième délibération, si vraiment c'est la vérification des faits qui vous importe !

Je veux appeler l'attention de la représentation nationale sur la gravité de ce qui vient d'être dit. Pour empêcher l'ascension de listes communautaires, il faudrait obliger tous ceux qui ne sont pas issus de mouvements communautaristes – et dans les 20 % d'élus indépendants déjà cités, cela ne concerne absolument personne – à rentrer dans le rang : allez, tu vas à la CNL, tu vas à la CLCV, même si ça ne te plaît pas, même si tu ne partages pas leurs combats, même si tu n'as pas envie de les financer ! Croyez-vous vraiment qu'il s'agisse là d'une bonne façon de lutter contre un danger ? Tout cela pour faire plaisir à une seule personne, et alors que ce danger, je n'en vois nulle part la réalité, même pas dans mon propre département – où, objectivement, cela pourrait se produire.

Mais cela ne peut pas, en réalité, se produire, parce que la loi l'empêche déjà : l'article L. 421-9 du code de la construction et de l'habitation dispose que « les représentants des locataires au conseil d'administration de l'office sont élus sur des listes de candidats [… ] présentées par des associations oeuvrant dans le domaine du logement », associations qui « doivent être [… ] indépendantes de tout parti politique ou organisation à caractère philosophique, confessionnel, ethnique ou racial ». Le président de l'organisme de logement social peut refuser une liste, sur le fondement de la loi – cela s'est déjà vu. Le préfet peut demander l'annulation.

Ce que vous dénoncez comme un risque n'existe pas ; et même s'il existait, la méthode que vous voulez employer n'est pas la bonne ! Mme Rabault a parlé d'agrément ; mais aujourd'hui, pour se présenter, il faut – sous l'effet de ce règlement de comptes strasbourgeois – être non pas agréé, mais affilié à une organisation nationale qui siège à la Commission nationale de concertation, au Conseil national de l'habitat ou au Conseil national de la consommation. Or, tous ces organismes, c'est vous, monsieur le secrétaire d'État, qui décidez qui y siège. Si vraiment vous vouliez maintenir ces 20 % d'administrateurs indépendants, alors il faut les faire rentrer dans ces organismes. De cette façon, ils pourront se présenter.

Si j'appelle votre attention sur ce point avec une certaine véhémence, c'est aussi parce que mon expérience personnelle m'a appris que quand un système est verrouillé par le pouvoir politique, le bailleur et l'association de locataires, alors on détruit du lien social ; vous allez empêcher les locataires d'agir pour défendre leur logement, ou pour se défendre lorsqu'on leur prend des charges qui ne devraient pas être prélevées, et de se battre pour obtenir des travaux ! Ce ne sont pas les associations locales qui obtiennent cela : quand vous ne siégez pas au conseil d'administration, le bailleur fait nettement moins attention à vous. Siéger au conseil d'administration, cela permet aussi de voir comment sont attribués les logements, afin d'éviter que le pouvoir politique n'use et n'abuse du copinage, voire du clientélisme. Et vous parlez de communautarisme !

Nous avons besoin de cet oeil indépendant. J'ai bien compris que l'on ne voulait pas forcément entendre mes arguments… Mais je voudrais que chacun considère la gravité de cette mesure. On ne peut pas en reporter la suppression.

Monsieur Pupponi, vous dites que puisque la loi est toute neuve, il ne faut pas y toucher, et que nous verrons bien par la suite. Non ! Cela fait trente-cinq ans précisément que ces associations de locataires sont autorisées à se présenter, trente-cinq ans que cela fonctionne, et trente-cinq ans qu'à part M. Bies, personne ne s'est plaint de ces dispositions !

Mais vous allez changer cela, et le résultat concret, c'est que ces associations qui n'auront plus le droit de présenter disparaîtront au mois de décembre. Vous les éradiquez, et nous ne les reverrons plus : la prochaine élection, c'est quatre ans plus tard, et en quatre ans, le monopole que vous sanctifiez aujourd'hui sera installé.

Rendez-vous compte, même le Gouvernement était contre ! De temps en temps, pourtant, vous savez bien que les gouvernements lâchent ce qui ne leur paraît pas essentiel ; vous savez aussi le poids d'un rapporteur sur un projet de loi, et y compris de ses lubies personnelles.

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