Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du dimanche 3 juin 2018 à 21h30
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Article 34

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Je souhaite expliquer le vote de mon groupe sur l'article 34.

Comme l'a dit Mathilde Panot, nous ne portons pas de jugement moral sur les propriétaires. Aucun des membres de mon groupe n'a jamais considéré qu'un propriétaire était un affreux nanti qu'il faudrait soupçonner par avance de je ne sais quel travers.

Simplement, dès lors qu'il existe un rapport social entre deux personnes et que le lien qui les unit n'est pas neutre, il est normal que nous fixions des lois et des règles. Ainsi, quand, dans Paris et sa périphérie, mais aussi dans toutes les autres grandes villes de France, il y a pour chaque bien mis en location une file d'attente au pied de l'immeuble, chacun comprendra facilement que, la demande étant plus importante que l'offre, le locataire est en situation d'infériorité par rapport au propriétaire.

C'est exactement ce que nous avons tenté de vous expliquer – et, là encore, vous nous avez répondu sur le terrain des jugements moraux – à propos du patron et du salarié entre lesquels il existe – c'est la justice qui le dit – un lien de subordination qui appelle des règles et des lois.

Dès lors, l'enjeu de cet article est le suivant : avons-nous un bon texte qui permet d'avantager les deux parties ?

De ce point de vue, nous ne sommes pas convaincus par vos arguments, ni par le fait que vous ayez refusé tous les amendements – de M. Peu, de M. Pupponi – tendant à réserver le bail mobilité à la situation où un propriétaire loue son bien de façon occasionnelle, pour répondre à un besoin spécifique du locataire, alors que ces amendements constituaient des garde-fous.

Vous nous dites que ce dispositif est avantageux pour le locataire qui se retrouve dans la situation extraordinaire où il a besoin de louer un logement pendant dix mois. Mais ce n'est pas le cas d'un étudiant dans le supérieur – à moins qu'il n'interrompe ses études – , puisque l'année universitaire dure un peu plus de dix mois. Pourquoi chercherait-il donc un logement aussi précaire ? Il en va de même d'une personne en formation professionnelle et, souvent, de celle qui exerce ce que vous appelez une mission temporaire – un contrat à durée déterminée.

Selon la fondation Abbé Pierre, si la durée normale du bail est de trois ans, celle du bail meublé est déjà de un an, voire de neuf mois pour les étudiants. Au passage, grâce à la loi de finances initiale pour 2018, le bail meublé se révèle remarquablement avantageux du point de vue fiscal pour les propriétaires. Je vous renvoie à un récent article du Parisien à ce sujet. Quoi qu'il en soit, le locataire peut déjà, dans ce cadre, quitter le logement plus tôt s'il le veut.

Autrement dit, il existe déjà plusieurs possibilités, pour un locataire se trouvant effectivement dans cette situation, de louer un bien pour un délai restreint, en accord avec le propriétaire. Le problème est le suivant : non seulement vous ouvrez la boîte de Pandore – comme l'a dit mon collègue LR au début de ce débat, lorsque l'on crée une dérogation, on ne sait jamais où l'on s'arrêtera – , mais vous risquez de permettre à des propriétaires peu scrupuleux de devenir des spécialistes de ce genre de locations, puisque la loi ne les en empêchera pas.

De ce point de vue, je le répète, le bail mobilité est bien un bail précarité.

Si vous aviez voulu changer les choses, vous nous auriez permis de légiférer en faveur du locataire : vous auriez donné à certains locataires – étudiants, salariés en mission temporaire, etc. – la possibilité d'interrompre encore plus facilement un bail normal. Vous auriez pris en considération la situation spécifique de tel ou tel locataire plutôt que celle du propriétaire, et je l'aurais compris.

Ce n'est pas ce que vous avez fait, et, je le répète, le refus que vous avez opposé à des amendements de bon sens ne nous a pas convaincus. Nous voterons donc contre l'article 34.

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