Intervention de Laurent Pietraszewski

Séance en hémicycle du mardi 1er août 2017 à 15h00
Renforcement du dialogue social — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Pietraszewski, rapporteur de la commission mixte paritaire :

… nous l'avons d'ailleurs très largement démontré. Nous votons aujourd'hui une habilitation, et débattrons en aval des mesures qui seront soumises à ratification.

L'un des enjeux essentiels de la réforme est de faire confiance aux partenaires sociaux et de favoriser le dialogue social. Cet enjeu se traduit notamment, dans le projet de loi d'habilitation, par la possibilité donnée au Gouvernement de fusionner les instances représentatives du personnel. Je suis convaincu que cette fusion permettra de fluidifier le dialogue social dans l'entreprise afin de le rendre plus efficace pour mieux répondre aux attentes des salariés.

La commission mixte paritaire a souhaité conserver les avancées adoptées au Sénat sur ce point, avancées qui permettent notamment de renforcer la formation des représentants du personnel au sein de la future instance, ou encore de fixer à trois, sauf exceptions, le nombre maximal de mandats électifs successifs de ses membres. Toutefois, pour répondre aux inquiétudes relatives à la disparition du CHSCT – le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – qui avaient été exprimées ici tout comme au Sénat, elle a décidé de renforcer une disposition adoptée au Sénat en donnant au Gouvernement la possibilité de rendre obligatoire une commission spécifique consacrée aux questions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail lorsque cela sera nécessaire, par exemple en cas de risque constaté dans l'entreprise ou parce que la taille de l'effectif de l'entreprise rend la mise en place de cette commission appropriée.

Je me félicite par ailleurs que nos deux chambres soient parvenues à une réelle convergence sur des sujets aussi cruciaux en matière de dialogue social que la revalorisation des parcours syndicaux, la formation des représentants du personnel, l'amélioration de la participation des salariés au sein des organes de gouvernance des grandes entreprises ou encore la redéfinition du rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles – les CPRI. Le dialogue social pourra ainsi s'exercer à tous les niveaux, y compris dans les très petites entreprises.

Le texte traduit aussi cet enjeu de la proximité par la mise en oeuvre du principe de subsidiarité dont nous avons longuement débattu, et qui doit permettre de confier au niveau de l'entreprise la primauté pour négocier de tous les sujets pour lesquels il n'est pas plus pertinent de s'en remettre au niveau de la branche. Sur ce point, notre convergence avec le Sénat a été entérinée par la CMP.

S'agissant des modalités de validation des accords d'entreprise, la commission mixte paritaire est parvenue à un compromis, alors que le texte adopté au Sénat s'était éloigné sensiblement des objectifs que nous poursuivions. Nous avons ainsi rétabli la possibilité d'aménager le calendrier de mise en place des accords majoritaires prévus par la loi du 8 août 2016, car je suis personnellement convaincu qu'un accord d'entreprise doit reposer sur une incontestable légitimité.

En ce qui concerne le recours au référendum, la commission mixte paritaire a souhaité poser sur la table l'ensemble des options possibles pour en faciliter le recours, sans prendre parti pour l'une ou l'autre de ces options, à savoir l'initiative de l'employeur, d'un syndicat représentatif ou une initiative conjointe. Nous serons très attentifs, lors de la ratification des ordonnances, à ce que la solution retenue par le Gouvernement soit respectueuse de la compétence de négociation dévolue aux syndicats, tout en permettant de dépasser les blocages qui peuvent intervenir en matière de dialogue social.

La commission mixte paritaire a également permis de dégager un consensus sur deux points majeurs de la délicate question du licenciement.

Premièrement, s'agissant du motif économique du licenciement, les représentants de nos deux chambres ont choisi d'acter le principe selon lequel le niveau d'appréciation des difficultés économiques par le juge a vocation à être le périmètre national, tout en prévoyant que des aménagements peuvent être apportés à cette règle pour tenir compte de certaines situations spécifiques. En effet, mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi – PSE – dans une entreprise en situation de redressement ou de liquidation judiciaire n'est pas la même chose que mettre en place un tel plan dans une filiale d'un groupe de dimension plus importante et dont la santé financière serait par ailleurs florissante.

Deuxièmement, s'agissant du régime applicable au salarié qui refuse la mise en oeuvre d'un accord collectif ayant des conséquences sur la durée du travail ou la rémunération, la CMP a conservé le principe posé par le Sénat selon lequel le licenciement consécutif au refus du salarié relève d'un motif spécifique. La CMP a également prévu, sur proposition des rapporteurs des deux chambres, que dans le cadre d'un tel licenciement, le salarié bénéficiera d'un accompagnement spécifique sous la forme de droits renforcés à la formation.

Je rappelle que sur cette question du licenciement, le Sénat a, à l'initiative du Gouvernement, adopté une disposition qui vise à réduire, voire à supprimer, la condition d'ancienneté exigible pour bénéficier d'indemnités de licenciement : cette mesure s'inscrit dans la droite ligne des engagements pris par Mme la ministre devant notre assemblée de revaloriser les indemnités légales de licenciement. Nous nous en réjouissons, car il s'agit d'un progrès important pour les salariés.

L'examen du projet de loi d'habilitation aura également permis de souligner les réelles convergences entre les deux assemblées sur plusieurs autres sujets très attendus par les salariés. Je pense en particulier à l'enjeu de l'exposition à la pénibilité et à la mise en place d'une véritable politique de prévention. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale et par le Sénat s'accordent sur la nécessité de réduire l'exposition à la pénibilité, et non de seulement la compenser. À ce titre, je formule le voeu que le nouveau dispositif s'oriente résolument vers la prévention afin de rapprocher la France des niveaux plus faibles d'exposition constatés chez nos voisins. Nous serons particulièrement attentifs aux contours de l'ordonnance consacrée à ce sujet.

Le télétravail constitue une autre illustration de la convergence entre nos deux assemblées. Les longs débats accordés à ce sujet dans notre hémicycle en première lecture avaient souligné l'intérêt d'une telle solution – et de l'ensemble des formes de travail à distance – , pour le salarié comme pour l'employeur. Nous avions ici précisé l'enjeu d'une meilleure conciliation entre les rythmes personnels, professionnels et familiaux. Le Sénat, quant à lui, a mis l'accent sur l'opportunité d'une telle solution pour les travailleurs en situation de handicap. Nul doute que nous aurons à coeur de suivre cette habilitation de près afin de tirer pleinement atout des nouvelles solutions offertes par la digitalisation.

Je souhaite, à ce stade de l'examen de ce texte – qui ne constitue, je le rappelle, que la première étape de cette réforme – , saluer l'esprit très positif dans lequel ont travaillé les parlementaires, en remerciant mes collègues de tous les bancs de cette assemblée, y compris ceux qui se sont opposés parfois de manière forte à ce projet de loi, mais c'est aussi ce qui fait l'importance et la valeur de nos débats, mes chers collègues.

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