Intervention de Nadia Essayan

Séance en hémicycle du jeudi 7 juin 2018 à 9h30
Encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNadia Essayan :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, en inscrivant ce texte à l'ordre du jour de notre commission, le groupe LaREM a permis que se tiennent, lors de son examen, des échanges que nous estimons parfaitement constructifs et intéressants. Le texte qui en est issu le prouve d'ailleurs, puisqu'il a substantiellement évolué en intégrant diverses précisions et propositions de nos collègues.

Le point de départ de ce texte – l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges – a en effet suscité des débats importants sur ce que chacun de nous entendait par « encadrement » et plus largement sur la place de l'outil numérique dans les écoles et au contact des élèves. Ce qui, à première vue, apparaissait comme une modification mince du dispositif existant – nous en convenons – , a permis de discuter du sujet, d'ailleurs souvent soulevé par le ministre lui-même – nous lui en savons gré – , de l'utilisation des outils numériques et des écrans par les élèves et a fortiori par les plus jeunes d'entre eux.

En effet, l'exposé des motifs de la proposition de loi comme le rapport de Mme Racon-Bouzon rappellent fort opportunément que les raisons justifiant l'interdiction et l'éloignement sont nombreuses et touchent autant à des questions éducatives que sanitaires ou sociales.

D'un point de vue strictement formel, la nouvelle rédaction permettra d'apporter aux directeurs d'établissement une sécurité juridique plus forte dans leur surveillance quotidienne des dérives de l'utilisation du téléphone portable. Si les cas posant problème sont peu nombreux, il convenait toutefois de régler une situation qui pouvait parfois susciter des inquiétudes et des difficultés. Le cadre est ainsi renforcé.

Dans sa nouvelle rédaction, le texte introduit de nouvelles dispositions en précisant bien, par exemple, que l'interdiction ne porte pas sur les cas d'une utilisation à des fins pédagogiques. Il revient dans ce cas au professeur de déterminer les circonstances dans lesquelles cette utilisation peut avoir une utilité.

Les articles 2 et 3, pour leur part, concentrent l'ensemble des dispositions ayant trait à l'éducation ainsi qu'à l'utilisation de ces matériels et de ces outils. Il y a en effet urgence à agir de ce côté pour que les élèves fassent une utilisation raisonnable et mesurée des outils numériques, afin d'en tirer le bénéfice le plus grand et d'en éviter les écueils.

Du point de vue éducatif, la documentation est aujourd'hui suffisamment fournie pour nous permettre d'affirmer que nous devons être vigilants concernant l'impact des écrans sur les élèves. Que ce soit la mémorisation, la réflexion et le développement cognitif, il est évident que la lumière de ces écrans influe sur ces qualités dont on sait, par l'intermédiaire des professeurs, qu'elles sont de plus en plus dégradées.

Vous le rappelez souvent, monsieur le ministre : l'éducation n'a pas besoin des écrans avant l'âge de 6 ans, le temps pour l'enfant de se développer harmonieusement. Les études de Serge Tisseron soulignent l'importance pour l'enfant de ne pas être stimulé sans arrêt par les écrans. Les dégâts cognitifs, mais aussi en matière de développement physiologique, sont avérés.

La santé publique est un autre enjeu dont nous devons avoir conscience. Nous savons que la réduction de l'activité physique du fait d'une monopolisation des temps libres par le téléphone portable aggrave les problèmes de surpoids, en progression chez les jeunes générations. De même, la myopie touche 47 % des 25-29 ans en Europe, soit le double par rapport à il y a quarante ans. Le sommeil est lui aussi touché, avec un retard dans l'endormissement et des conséquences sur chacun des points évoqués plus haut.

Enfin, outre les problèmes de santé publique, il faut rappeler que la mesure est aussi éducative. Les professeurs sont nombreux à se plaindre de l'utilisation intensive des téléphones en classe, en dépit des consignes et parfois même des interdictions mentionnées dans le règlement intérieur des établissements. Donner de la visibilité à ce texte dans les médias devrait envoyer un message clair, à la fois aux professeurs, pour les assurer du soutien politique, et aux parents d'élèves pour les sensibiliser à cette initiative et leur permettre d'échanger au besoin avec leurs enfants.

Les téléphones sont aussi à l'origine d'une augmentation de la violence et des incivilités dans les établissements, par l'envie qu'ils peuvent créer chez les uns et les autres. L'augmentation de l'incivilité a d'ailleurs été confirmée par le syndicat des chefs d'établissement, selon lequel 30 % à 40 % des sanctions scolaires sont liées désormais à l'usage du téléphone portable dans la classe, si l'on ne tient pas compte des incivilités dans la cour de récréation.

L'ensemble des raisons invoquées pour justifier l'interdiction de principe nous amène à justifier les mesures votées en commission et soutenues par une large majorité de députés. L'éducation nationale, et plus largement la société dans son ensemble – la famille, les parents, les médias – ont un rôle à jouer dans l'éducation aux médias de nos enfants. Les modifications apportées au code de l'éducation vont clairement dans ce sens et il importe que nous puissions veiller à leur bonne traduction dans les programmes de l'éducation nationale. Le travail est déjà en grande partie fait par les professeurs, nous le savons parfaitement, tant en matière d'éducation civique que de sensibilisation aux dangers d'internet, mais il faudrait y adjoindre un apprentissage dans l'utilisation de ces outils.

Mes chers collègues, nous le voyons, la présente proposition de loi relative à l'interdiction du téléphone portable appelle des développements qui vont bien au-delà de ce simple dispositif. L'école doit rester un lieu au sein duquel on apprend à se comporter en société, à développer ses facultés et à apprendre, sans interférences en tous genres. Il convient aussi que, sur ce sujet, nous menions une action ambitieuse pour faire de nos enfants des citoyens préparés à exercer leur esprit critique. L'utilisation d'internet et des moyens pour y accéder nécessite un apprentissage tant pratique qu'éthique, pour que nos enfants puissent ainsi être soucieux de leur liberté et respectueux de la dignité humaine. Sur tous ces sujets, vous pouvez compter sur le soutien du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, qui votera ce texte.

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