Intervention de Christian Hutin

Séance en hémicycle du mercredi 2 août 2017 à 15h00
Répression d'actes illicites en matière de navigation maritime — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Hutin, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le vice-président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, il y a deux semaines, la commission a adopté à l'unanimité le projet de loi autorisant la ratification des protocoles de Londres de 2005 relatifs à la sécurité maritime. Le passage par la voie législative était nécessaire, ces protocoles visant des infractions délictuelles ou criminelles.

Comme nombre de députés ici présents le savent, en particulier le député de Dunkerque que je suis, ou celui du Havre, le transport maritime est au coeur de notre économie. Il repose sur la liberté des mers et la sécurité de la navigation en est une condition. Cela suppose des dispositifs protecteurs. En effet, en application du principe de la liberté de la haute mer, seule une règle de droit international public permet à un État d'interférer dans la navigation d'un bâtiment qui ne bat pas son pavillon.

En 1988, lors d'une conférence qui se tenait à Rome, les pays membres de l'Organisation maritime internationale, ont adopté la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, dite convention SUA, pour Suppression of Unlawful Acts, après la survenue de drames tels que le détournement, en octobre 1985, de l'Achille Lauro par le Front de libération de la Palestine.

Les États parties se sont engagés à prendre les mesures répressives appropriées, de nature pénale, contre les auteurs de tels actes. Sont notamment visés la capture d'un navire par la force, les violences et voies de fait, y compris le meurtre, contre les personnes à bord, passagers ou membres d'équipage, et l'embarquement d'équipements ou de dispositifs destinés à endommager ou à détruire le navire ou son système de navigation.

La coopération entre les États est organisée dans ce cadre. Ceux-ci sont notamment tenus de s'accorder l'entraide judiciaire. L'objectif est que l'auteur de l'infraction qui se trouve sur le territoire de l'un d'entre eux y soit jugé ou bien en soit extradé vers un pays qui a établi sa compétence selon des critères assez larges pour permettre à un État de se saisir d'une affaire dès lors que l'un de ses ressortissants en est l'une des victimes ou l'un des auteurs.

Les États doivent aussi se coordonner, y compris par l'échange de renseignements, pour prévenir la préparation sur leur territoire des infractions visées par la convention.

Il existe en outre un protocole spécifique aux plates-formes d'exploration et de production d'hydrocarbures fixées sur le plateau continental, dit « protocole SUA 1988 ». Ces plates-formes présentent des vulnérabilités similaires à celles des navires, mais ces installations relèvent du droit de l'État côtier, auquel la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 donne juridiction exclusive, y compris en matière de sécurité.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont montré qu'il était nécessaire de compléter ce dispositif pour viser spécifiquement le terrorisme. Des négociations en ce sens ont été engagées dès le mois de mars 2002, dans le cadre de l'OMI. Réunie à Londres en septembre 2005, une conférence a adopté les deux protocoles, celui relatif à la navigation maritime et celui relatif aux plates-formes, dont il est aujourd'hui demandé à notre assemblée d'autoriser la ratification.

Ces textes proposent plusieurs avancées.

En premier lieu, ils incriminent le terrorisme en s'appuyant notamment sur la définition qu'en donne la convention de 1999 pour la répression du financement du terrorisme. Ces nouveaux textes mentionnent les actes qui, par leur nature ou leur contexte, visent à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte.

Le dispositif est assez large. Sont visés non seulement les moyens classiques de la terreur, tels que l'utilisation d'explosifs, les atteintes à l'environnement par déversement de substances dangereuses ou nocives ou le détournement d'un navire de manière à provoquer la mort ou des dommages corporels ou matériels graves, mais aussi les risques de prolifération, à savoir l'utilisation de matières radioactives ou d'armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires.

La clause de dépolitisation interdit à un pays d'arguer d'un mobile politique pour refuser d'exécuter la convention.

Ensuite, le protocole sur la navigation maritime cible la prolifération par voie de mer, c'est-à-dire le simple transport illégal par mer d'armes BCN, même en l'absence d'usage à caractère terroriste. Cette disposition n'appelle pas de réserve. Une clause de sauvegarde confirme la légalité des transports qui ne sont pas contraires au traité de 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires.

Enfin, un troisième ajout concerne la création d'une procédure d'arraisonnement. Il s'agit de permettre, sous certaines conditions et avec certaines garanties – j'y reviendrai – à un État d'arraisonner un navire qui ne bat pas son pavillon, lorsque celui-ci est soupçonné d'être impliqué dans l'une des infractions à la sécurité de la navigation maritime. Il pourra dans ce cas être autorisé à procéder à la fouille du navire, ainsi que de sa cargaison, et à soumettre à un interrogatoire les membres de son équipage, ainsi que toute personne se trouvant à bord.

La mise en oeuvre de cette procédure reste par principe subordonnée à l'autorisation de l'État du pavillon puisqu'elle met en jeu une question de souveraineté, mais deux modalités simplifiées sont prévues pour en faciliter l'exercice : d'une part, un mécanisme d'autorisation tacite après un silence de quatre heures à compter de la demande de confirmation de la nationalité du navire ; d'autre part, un mécanisme d'accord général et préalable de l'État du pavillon pour l'ensemble de ses navires en cas de suspicion de la part d'un autre État.

Ainsi qu'il est indiqué dans les documents communiqués au Parlement, la France ne fera pas usage de ces dispositions, car elle souhaite garder sa pleine autonomie de décision, en toute souveraineté.

La ratification de ces deux protocoles de 2005 visant à renforcer la sécurité maritime est donc tout à fait justifiée du point de vue de la France. Notre pays est une puissance maritime qui doit protéger ses intérêts.

Notre flotte commerciale reste assez limitée, le nombre des navires contrôlés par les armateurs français, sous tous les pavillons, représentant un peu plus de 1 % des 93 000 navires recensés dans le monde. En revanche – je salue à ce propos notre collègue de Nouvelle-Calédonie – la France dispose de la deuxième superficie maritime au monde, à raison de 11 millions de kilomètres carrés, juste après les États-Unis. Il s'agit là d'une richesse exceptionnelle.

Une large partie de ces espaces maritimes sous juridiction de la France se trouve à des points stratégiques, comme le détroit du Pas-de-Calais, mais aussi le Canal de Mozambique, entre l'Afrique et Madagascar.

Les cas – détaillés dans le rapport – du navire de plaisance le Tanit et du pétrolier Limburg, attaqués au large de la corne de l'Afrique et du Yémen, montrent aussi que nos intérêts nationaux peuvent être très directement menacés.

Par ailleurs, les protocoles de Londres sont cohérents avec les engagements internationaux et européens de la France. Ils s'articulent ainsi très bien avec le droit international grâce à la clause de non-dérogation vis-à-vis des autres corps de règles et sont aujourd'hui tout à fait compatibles avec le droit européen, lequel est assez développé en matière de lutte contre le terrorisme.

Enfin, peu d'adaptations au droit national sont à prévoir, celui-ci étant déjà conforme. Certaines déclarations et réserves sont en outre prévues pour préserver les principes du droit français en matière de menace de violences ainsi qu'en matière de recel de fugitifs. Les textes qu'il vous est demandé de ratifier ne soulèvent donc pas de difficulté.

Le seul point critique, vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, est le délai de onze ans entre la date du dépôt de projet de loi et la date de la signature des protocoles de Londres par la France.

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