Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du mercredi 2 août 2017 à 15h00
Répression d'actes illicites en matière de navigation maritime — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à associer M. Christophe Naegelen, mon collègue du groupe Les Constructifs, à cette prise de parole. Il a participé à sa préparation et à son élaboration.

Le transport maritime est au coeur de notre économie. Il est régi par un principe ancien : la liberté des mers. Le développement des échanges internationaux par voie maritime suppose néanmoins la sécurité de la navigation, mais aussi l'utilisation de la navigation commerciale à des fins pacifiques.

À ce jour, le terrorisme maritime n'a heureusement pas atteint le niveau des menaces contre le transport aérien – le 11 septembre 2001 reste dans nos mémoires à tous – , mais il a, hélas, provoqué des drames, avec le détournement de l'Achille Lauro par des membres du Front de libération de la Palestine en octobre 1985.

Cette prise d'otages en mer par des terroristes palestiniens avait été marquée par l'assassinat barbare d'un otage, Leon Klinghoffer, un paraplégique de nationalité américaine. Leon Klinghoffer avait été choisi non pas par hasard, mais parce qu'il était américain mais aussi juif. Il avait été exécuté froidement de deux balles avant d'être jeté par-dessus bord avec son fauteuil roulant.

Du FLP de l'époque au Daech aujourd'hui, c'est la même barbarie consubstantielle au terrorisme, le même antisémitisme viscéral ancré dans l'ADN du terrorisme arabo-musulman qui sont à l'oeuvre.

Après l'épisode fondateur de l'Achille Lauro, l'Organisation maritime internationale a été saisie, en 1986, d'une demande en vue d'élaborer une convention similaire à celle qui existait pour le transport aérien. En 1988, à l'issue d'une conférence tenue à Rome, a été adoptée la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, dite « convention SUA » – cela a été rappelé.

Cette convention vise un ensemble d'infractions pénales et essaie d'organiser la coopération entre États. Elle oblige notamment l'État du pavillon à veiller à ce que le capitaine du navire coopère avec les autorités des États compétents. Les États sont tenus par la règle « juger ou extrader » et doivent s'accorder l'entraide judiciaire, c'est-à-dire coopérer entre eux en matière pénale. La convention SUA prévoit aussi la coordination entre les États parties, y compris – c'est très important – par l'échange de renseignements.

Un protocole spécifique aux plates-formes d'exploration et de production d'hydrocarbures fixées sur le plateau continental, dit « protocole SUA 1988 », a aussi été adopté – cela a été également rappelé.

Après les attentats du 11 septembre 2001, de nouvelles négociations ont été engagées dans le cadre de l'OMI, dès mars 2002, afin d'actualiser et compléter le dispositif. Une conférence spécifique a été réunie en septembre 2005 à Londres. Celle-ci a adopté les deux protocoles que nous examinons aujourd'hui.

Ces textes marquent un progrès certain pour la coopération internationale antiterroriste dans le domaine maritime.

D'abord, le terrorisme est spécifiquement incriminé. Sont visés non seulement les moyens dits « classiques » du terrorisme, mais aussi les risques de prolifération, à savoir l'utilisation ou le transport illégal de matières radioactives ou d'armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires.

Ensuite, une clause importante de dépolitisation est incluse, c'est-à-dire l'interdiction faite à un État de recourir à l'argument du mobile politique pour refuser d'exécuter ses obligations.

Enfin, il faut souligner l'amélioration de la coopération entre États avec la création d'une procédure d'arraisonnement.

Le protocole de Londres de 2005 sur les plates-formes modifie celui de 1988 de manière similaire à ce qui est prévu pour les navires.

La ratification de ces deux protocoles de 2005 est tout à fait justifiée, et même urgente, du point de vue de la France.

D'abord, notre pays, puissance maritime de premier ordre, doit protéger ses intérêts. Ainsi que l'a rappelé M. Quentin, la France possède un domaine maritime de 11 millions de kilomètres carrés, le deuxième au monde après celui des États-Unis.

Par ailleurs, plusieurs affaires survenues ces dernières années ont montré la réalité de la menace en haute mer. J'en rappelle quelques-unes.

Le 6 octobre 2002, un attentat djihadiste par « bateau-suicide » a été commis contre le pétrolier Limburg à vingt-cinq kilomètres des côtes yéménites.

Le 4 avril 2008, le navire de plaisance Le Ponant a été pris d'assaut dans le golfe d'Aden par des pirates somaliens. Les otages ont été libérés contre rançon – on s'en souvient – et une partie des pirates ont été appréhendés.

Le 4 avril 2009, le navire de plaisance Tanit a été capturé par des pirates somaliens. Il a été libéré cinq jours plus tard grâce à une intervention militaire conjointe des Français et des Allemands.

Chacun en convient : le risque n'a pas diminué ces dernières années, notre pays étant devenu une cible prioritaire pour les organisations djihadistes et terroristes.

Par ailleurs, sans entrer dans le détail des textes, les protocoles de Londres ne posent pas de difficulté en termes d'insertion dans notre ordre juridique : ils sont compatibles avec nos engagements internationaux et européens, et seules quelques adaptations à la marge de notre droit interne sont à prévoir – elles sont développées dans le rapport.

En somme, les textes dont il est demandé d'autoriser la ratification améliorent le dispositif de sécurisation des voies maritimes et des plates-formes, particulièrement face au risque terroriste, et ne soulèvent pas de difficulté. Le présent projet de loi a été voté à l'unanimité par la commission des affaires étrangères. Bien évidemment, le groupe Les Constructifs le soutiendra.

Cependant, plusieurs d'entre nous l'ont relevé, la représentation nationale ne peut être que déconcertée par le délai de douze ans entre la date de la signature des protocoles par la France et celle du dépôt du projet de loi. Je rappelle que ces protocoles sont entrés en vigueur il y a sept ans, le 28 juillet 2010, pour les pays qui les avaient ratifiés.

Ce retard traduit plusieurs défaillances. D'abord, il révèle notre difficulté et notre lenteur à anticiper et à adapter notre droit en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Il est peut-être aussi le signe de la difficulté de nos gouvernements successifs à concevoir une politique maritime digne de ce nom.

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