Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du mercredi 2 août 2017 à 15h00
Modification du code des juridictions financières — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des lois, le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 13 octobre 2016, qui modifie la partie législative du code des juridictions financières, a été adopté en première lecture par notre assemblée le 16 février 2017, sur le rapport de notre ancienne collègue Anne-Yvonne Le Dain. Cette ordonnance a été prise – cela a été rappelé – sur le fondement de l'article 86 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Les cinquante-trois articles de cette ordonnance modifient l'ensemble des livres du code des juridictions financières : ils concernent ainsi la Cour des comptes, les chambres régionales et territoriales des comptes, mais aussi la Cour de discipline budgétaire et financière. Avant d'en venir à la ratification de cette ordonnance, je voudrais rappeler que la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, adoptée par la précédente majorité, comporte d'autres dispositions relatives aux juridictions financières.

Sur le plan déontologique, les articles 15 à 19 de cette loi renforcent les dispositifs de prévention des conflits d'intérêts au sein des juridictions financières. Ils consacrent ainsi l'existence d'une charte de déontologie et d'un collège de déontologie, notamment compétent pour rendre des avis sur toutes les questions déontologiques concernant personnellement l'un des magistrats ou des personnels de la Cour des comptes ou des chambres régionales ou territoriales des comptes. Dans la même logique, les magistrats financiers doivent désormais remettre une déclaration d'intérêts à leur président de chambre, au procureur général ou au premier président de la Cour des comptes. La remise de ce document peut donner lieu à un entretien déontologique pour prévenir tout éventuel conflit d'intérêts et pour inviter, s'il y a lieu, à mettre fin à une situation de conflit d'intérêts.

La loi sur la déontologie des fonctionnaires prévoyait en outre que le premier président, le procureur général et les présidents de chambre de la Cour des comptes, ainsi que les présidents des chambres régionales et territoriales des comptes et les procureurs financiers adressent une déclaration de situation patrimoniale au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Malheureusement, aucun acte réglementaire n'a pu être pris en application de cette mesure en raison de la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2016 relative aux magistrats judiciaires.

Cette même loi permet enfin aux chambres régionales et territoriales des comptes de recruter, sous forme de détachement ou de mise à disposition, des représentants de l'État et des directeurs départementaux ou régionaux d'une administration étatique ayant exercé dans leur ressort.

Pour en revenir à la ratification de cette ordonnance, nous constatons que le Gouvernement a respecté le délai d'habilitation de six mois pour prendre l'ordonnance, ainsi que le délai imparti pour déposer un projet de loi de ratification, soit trois mois.

Sur le fond, l'ordonnance du 13 octobre 2016 ne modifie qu'à la marge les procédures applicables devant la Cour des comptes et devant les chambres régionales et territoriales des comptes. Elle aura – j'y reviendrai – un impact plus important sur la Cour de discipline budgétaire et financière. À moyen terme, d'autres textes législatifs seront sans doute nécessaires pour que les juridictions financières puissent faire face à de nouveaux défis comme la gestion de la pyramide des âges des magistrats et leur mobilité à l'extérieur du corps, ou la certification des comptes de certaines collectivités territoriales.

Si ce texte a été adopté sans modification et sans grande passion en première lecture par notre assemblée, nos collègues du Sénat, eux, se sont interrogés sur le périmètre de l'habilitation. Celle-ci, prévue à l'article 86 de la loi sur la déontologie des fonctionnaires, portait en priorité sur le statut des magistrats financiers et « la modernisation du code des juridictions financières, afin d'en supprimer les dispositions devenues obsolètes, redondantes, ou de les clarifier. » L'étude d'impact évoquait quant à elle un simple « toilettage » de la partie législative du code.

Lors des débats parlementaires, l'adaptation des procédures mises en oeuvre devant la Cour de discipline budgétaire et financière n'avait jamais été évoquée, alors même qu'il s'agit d'un sujet en soi. Nos collègues sénateurs se sont donc étonnés – à juste titre – que les procédures applicables devant cette cour soient substantiellement modifiées par l'ordonnance. Ils ont toutefois estimé – et notre commission des lois a fait de même – que cela ne constituait pas un obstacle à la ratification de ladite ordonnance.

Au-delà de ces interrogations, il faut aussi souligner les efforts consentis par le Gouvernement pour clarifier le code des juridictions financières et pour mieux le structurer. Ainsi, par exemple, les dispositions concernant le contrôle des entreprises publiques ont été réécrites de manière condensée, non redondante et plus claire, et l'article L. 133-1 du code des juridictions financières, dans sa nouvelle rédaction, fait reposer la compétence de ces juridictions sur des critères prouvant l'appartenance à la sphère publique de l'organisme et non plus, comme dans l'ancienne rédaction, sur une liste d'entreprises devenue obsolète.

Cette volonté de clarification est importante non seulement pour les magistrats, mais également pour les personnes physiques ou morales faisant l'objet d'une procédure devant les juridictions financières.

Comme l'a rappelé M. le rapporteur, le Sénat a par ailleurs apporté quelques modifications. Les sénateurs ont ainsi précisé, au niveau législatif, la liste des formations délibérantes des juridictions financières exerçant des fonctions juridictionnelles. Cette disposition, qui s'inspire du code de justice administrative, précise, à titre d'exemple, que les décisions en matière juridictionnelle de la Cour des comptes sont rendues soit par chambre ou section de chambre, soit toutes chambres réunies statuant en formation plénière ou en formation restreinte.

Ils ont en outre complété l'article L. 143-0-2 du code des juridictions financières, pour prévoir explicitement que les observations de la Cour des comptes qui font l'objet d'une communication au Parlement peuvent donner lieu, avant cette communication et à leur demande, à l'audition des organismes et personnes mis en cause.

Comme l'a rappelé notre rapporteur il y a instant, nous avons reconnu en commission l'opportunité de ces modifications et nous les avons acceptées.

Au nom des députés du groupe Nouvelle Gauche, je voudrais conclure par deux mots. Premièrement, comme en commission, les membres de notre groupe sont évidemment favorables à la ratification de cette ordonnance. Deuxièmement, je tiens à rappeler l'importance de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui a habilité le Gouvernement à prendre cette ordonnance. Ce texte, défendu avec ténacité et persévérance pendant des mois – pour ne pas dire des années – par notre ancienne collègue Françoise Descamps-Crosnier, est une avancée aussi importante que consensuelle : cela a été rappelé à plusieurs reprises au cours des débats qui ont eu lieu ces derniers jours.

Cette loi du 20 avril 2016 permet au service public de moderniser ses pratiques et d'être reconnu. Elle dessine un cadre et donne aussi du sens à l'action des fonctionnaires. Sa qualité a été souvent saluée lors de nos débats sur la loi de restauration de la confiance dans la vie publique : ce n'est là que justice pour le travail accompli par notre ancienne collègue Françoise Descamps-Crosnier.

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