Intervention de Général Bernard de Courrèges d'Ustou

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Bernard de Courrèges d'Ustou, directeur de l'Institut des hautes études de défense nationale et directeur de l'enseignement militaire supérieur :

Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation à venir m'exprimer devant la commission de la Défense. J'ai cru comprendre que c'était la première fois que le directeur de l'enseignement militaire supérieur était ainsi convié ; je ne boude donc pas mon plaisir ! Permettez-moi également de saluer un certain nombre d'auditeurs – ou de futurs auditeurs – de l'IHEDN que je reconnais parmi votre assemblée. À ma gauche se tient le colonel François Villiaumey, directeur des études de l'école de guerre, c'est-à-dire son numéro deux. Je n'hésiterai pas à solliciter son expertise durant la phase de questions-réponses qui suivra mon intervention liminaire. Comme vous l'avez dit, Monsieur le président, je porte un double képi puisque je suis directeur de l'enseignement militaire supérieur – et à ce titre placé sous la responsabilité du chef d'état-major des armées – mais aussi responsable de l'IHEDN, institut interministériel sous l'autorité du Premier ministre et dont la mission, vous le savez, est de contribuer à la diffusion d'une culture de défense et de sensibiliser aux questions internationales. J'évoquerai essentiellement l'enseignement militaire supérieur dans mon propos liminaire mais je me tiens bien évidemment à votre disposition pour répondre à toute question concernant l'IHEDN.

Quelle est la finalité de l'enseignement militaire supérieur ? Il me semble en effet que tout propos doit débuter par la définition des objectifs. Le métier des armes est de préparer la guerre ou les opérations et, si nécessaire, de conduire ces opérations en employant la force au nom de la France. Cela implique pour les chefs militaires, sous-officiers ou officiers, de donner des ordres amenant à donner la mort ou à la faire donner et, à l'inverse, à risquer sa vie. Le caractère assez extraordinaire de ce pouvoir fait que nous estimons nécessaire que nos cadres, nos officiers, suivent un parcours les amenant à exercer tous les niveaux de responsabilité. Permettez-moi de prendre l'exemple de l'armée de terre. Au départ à la tête d'une section de trente hommes, l'officier prendra ensuite la tête d'une compagnie d'une centaine d'hommes, puis d'un régiment qui peut compter jusqu'à un millier d'hommes. Plus tard, les officiers prennent le commandement d'opérations ou rejoignent des niveaux stratégiques, sur les théâtres d'opérations ou à Paris, auprès d'autorités militaires ou politiques. La nature de la mission – préparer et conduire la guerre – et le fait que, s'agissant des officiers, l'on ne peut pas toujours s'y préparer correctement au sein des unités, font que les armées françaises ont mis en place un cursus de formation assez important qui, dans un premier temps, est conduit au sein de chaque armée, direction et service, sous la responsabilité des chefs d'état-major et des directeurs de services, puis, dans un second temps, au niveau interarmées, sous la responsabilité de la direction de l'enseignement militaire supérieur (DEMS). En ce qui me concerne, je n'ai donc pas la responsabilité de la formation initiale, ni de la formation continue conduite au sein de chaque armée. Ma responsabilité est celle de la formation à partir du niveau interarmées, c'est-à-dire de la combinaison des moyens terrestres, aériens, navals dans un environnement politique, médiatique et diplomatique.

La DEMS est relativement jeune puisqu'elle a été créée sous cette forme par un arrêté de mars 2009. Sa mission est de préparer les officiers supérieurs des forces armées et des formations rattachées à exercer des responsabilités d'état-major, de commandement et de direction au sein de ces entités, des états-majors interarmées ou interalliés, des organismes interministériels et dans tout autre poste où s'élabore et s'exécute la politique de défense et de sécurité. En outre, la DEMS met à la disposition des chercheurs et des étudiants un fonds documentaire de référence au plan national et international dans les domaines de la défense et de la sécurité nationale. Pour vous donner quelques chiffres clés concernant la DEMS : 140 personnes y travaillent et son budget est de 3,9 millions d'euros dont 1,1 million de bourses au profit des stagiaires étrangers de l'École de guerre. J'ajoute que la DEMS est implantée sur le site de l'École militaire, et comprend trois organismes : l'École de guerre (260 stagiaires militaires et auditeurs civils), le centre des hautes études militaires (CHEM) qui accueille trente auditeurs, le centre de documentation de l'École militaire. J'en viens à présent à une présentation plus fine de chaque organisme, ce qui me permettra d'évoquer les importantes évolutions introduites à compter des années 2014 et 2015 à la demande du général de Villiers, alors chef d'état-major des armées.

En premier lieu, l'École de guerre, qui s'est substitué au Collège interarmées de défense en 2012. Cette école est née en 1993 du regroupement de différentes structures d'enseignement supérieur de guerre propres à chaque armée ou interarmées, nationales ou internationales. Cette année, nous formons donc la vingt-cinquième promotion de l'École de guerre. Sa mission est de préparer des officiers supérieurs des forces armées, des directions et services, à exercer des responsabilités au sein des états-majors d'armée et interarmées, au sein des directions et services, ainsi que dans des organismes ministériels et interministériels et internationaux où se conduit et se conçoit la politique de défense et de sécurité. L'École de guerre constitue également la première étape d'identification des hauts potentiels, c'est-à-dire les futurs officiers généraux. Étalée sur neuf mois, de septembre à juin, la formation se déroule selon quatre axes : conception et constitution des capacités militaires ; planification et conduite des opérations ; culture générale, incluant des volets sur l'histoire militaire et la stratégie ; développement personnel, avec des modules du type « penser autrement » ou « convaincre ». Deux principes de formation ont été introduits en 2014-2015 : la personnalisation des formations et l'ouverture de l'école. La personnalisation permet de répondre à l'hétérogénéité des profils, de nationalités différentes et venant d'armées et de spécialisations multiples. Nos stagiaires possèdent des cursus professionnels et opérationnels divers, qu'il nous faut prendre en compte, d'autant qu'ils n'ont pas vocation à tous occuper les mêmes fonctions à la sortie de l'école. Ainsi, au-delà du tronc commun que j'ai évoqué, nous leur proposons de suivre des modules spécialisés, qui représentent dorénavant de l'ordre de 30 % de la formation. À titre d'exemple, on compte, parmi les options, les enseignements suivants : « renseignement », « ressources humaines », « finances », « relations internationales », « capacitaire ».

Cette année, la promotion de l'École de guerre compte 156 officiers français et 73 officiers étrangers venant de 61 pays différents. Ainsi, 32 % des stagiaires sont de nationalité étrangère, ce pourcentage atteignant 48 % pour les officiers de l'armée de terre. À ces 229 officiers s'ajoutent 31 auditeurs libres civils, qui doivent assister à un certain nombre de conférences durant l'année. En tout, nous accueillons donc 260 stagiaires, auxquels s'ajoutent les 24 Français en stage à l'étranger, au Royaume-Uni, en Allemagne ou ailleurs. La moyenne d'âge est de 38 ans et nous ne comptons que 7 % de femmes, cette proportion allant de 0 % pour la gendarmerie à 25 % pour les services.

J'en viens à présent au centre des hautes études militaires (CHEM), qui constitue en quelque sorte notre pointe de diamant. Le CHEM a été créé en 1911 mais existe depuis 1952 sous sa coloration interarmées actuelle. Nous connaissons donc cette année la 67e session du CHEM. Sa mission est de préparer les officiers auditeurs à l'exercice des plus hautes responsabilités dans les armées, en interarmées ou dans les administrations centrales. Il dispense une formation de nature politico-militaire et stratégique qui concerne les domaines opérationnels, la préparation du futur, le management et l'organisation des armées ainsi que les aspects interministériels et internationaux des questions de défense et de sécurité. Il contribue à l'enrichissement des réflexions stratégiques sur ces questions. Comme pour l'École de guerre, la scolarité permet d'identifier les très hauts potentiels. Parmi les colonels auditeurs, qui sont tous « généralisables » dans les années suivantes, nous identifions les futurs commandeurs, c'est-à-dire les futurs généraux quatre ou cinq étoiles. Pour être complet, j'ajouterai que les trente auditeurs du CHEM suivent un enseignement commun du lundi au jeudi, et retrouvent régulièrement leurs camarades de la session nationale « politique de défense » de l'IHEDN en fin de semaine, le vendredi et le samedi, ainsi que lors des missions de découverte des armées, organisées de septembre à janvier, puis des déplacements consacrés aux relations internationales, qui ont lieu de janvier à juin. Ainsi, 20 % de la scolarité se déroule en commun avec les auditeurs civils de l'IHEDN. Sur les trente auditeurs, on compte cette année 24 colonels français et six auditeurs étrangers : un Allemand et un Britannique, comme chaque année, un Canadien, un Américain, un Espagnol et un Malien. Depuis deux ans en effet, le CHEM accueille un officier africain.

Conformément aux évolutions souhaitées par le général de Villiers en 2014, le CHEM organise un séminaire de préparation des officiers généraux qui vient clore l'enseignement à distance suivi depuis 2015 par tous les officiers inscrits sur la liste d'aptitude. Cet enseignement comporte cinq modules : connaissance du ministère des Armées ; politique militaire ; stratégie et opérations ; construction et préparation de l'avenir ; relations internationales. Les colonels ne disposant pas du même bagage professionnel, nous leur fournissons ainsi les principales clés de compréhension dans ces domaines. Au terme de cette phase d'enseignement à distance, ils se retrouvent tous à l'École militaire pour ce séminaire, qui est l'occasion d'organiser diverses conférences et interventions des plus hautes autorités du ministère des Armées. Celles-ci permettent à nos auditeurs de passer une semaine ensemble, de mettre à jour leurs connaissances dans les principaux domaines qu'ils auront à traiter comme officier général et, à l'inverse, aux chefs d'état-major de rencontrer ces officiers et de faire passer un certain nombre de messages.

Enfin, le centre de documentation de l'École militaire, qui n'est pas un organisme de formation. Composé d'une vingtaine de personnes, essentiellement des civils, dirigé par un conservateur en chef des bibliothèques, il constitue un pôle documentaire spécialisé dans les domaines de la défense et de la sécurité nationale. Par ailleurs, le centre a pour mission d'appuyer les activités d'enseignement, notamment par la création de documents au profit des stagiaires de l'École de guerre, des auditeurs du CHEM et de l'encadrement. Enfin, il contribue à la diffusion de la pensée stratégique. L'activité de cet organisme s'inscrit donc au sein de trois cercles : l'École de guerre et le CHEM ; tous les organismes de l'École militaire dédiés à la doctrine, l'enseignement militaire supérieur, la recherche – je pense par exemple à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) – ou encore l'évaluation ; toute personne s'intéressant aux questions de défense même si l'accès au site est plus compliqué depuis les attentats.

Après avoir ainsi brossé en quelques mots le portrait de la DEMS et de ses composantes, je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions, y compris au sujet de l'IHEDN.

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