Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 21h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Madame la rapporteure, je ne peux qu'être d'accord avec vous à la fois sur le constat, et pour observer que l'objectif du décret de 2014 créant le RIFSEEP visait à la fois à simplifier et rationaliser une rémunération compliquée. L'on ne peut pas tout à fait affirmer, même s'il y a eu des avantages sans doute en termes de continuité de réflexion et de souci de simplification en unifiant les choses, que cet objectif a été totalement atteint. Quand bien même l'on imaginerait que ceux qui sont concernés par le RIFSEEP le sont effectivement, et quand bien même l'on définirait bien le « mérite » et la façon de le rémunérer, seuls 23 % des agents de l'État connaissent ce régime. On voit bien, dès lors, qu'il y a une difficulté. Je sais que les collectivités locales le mettent en place dans des circonstances parfois difficiles, et qui se concluent parfois, malheureusement, dans certaines collectivités, par une augmentation des dépenses de personnel parce que l'on ne veut pas appliquer, si j'ose dire, le mérite tel qu'il avait été défini.

Je souhaite d'abord évoquer les défauts essentiels. Sans prime, il n'y a pas de rémunération au mérite – ce qui pose un problème notamment dans la fonction publique d'État où une partie des fonctionnaires sont des enseignants, qui n'ont pas le même régime de primes que celui que nous connaissons. Il importe aussi de comprendre que la structuration de la rémunération des agents publics est complexe, parce que mitée et sédimentée. L'introduction du mérite – et c'est une bonne chose – n'a pas été jusqu'au bout ; vous l'avez dit vous-même, monsieur le président de la commission des finances. Olivier Dussopt et moi-même menons des négociations avec les syndicats, et nous entamons le chantier sur la rémunération dès lundi.

J'entends ce que vous dites, madame la rapporteure. Soit le mérite est individuel, et il faut alors changer la façon de rémunérer les agents et objectiver le mérite individuel bien plus qu'il ne l'est aujourd'hui afin qu'il concerne une plus grande partie de la rémunération. Soit – et ce n'est pas exclusif – le mérite est collectif, et pour qu'il le soit, ce que l'on peut tout à fait comprendre lorsqu'il concerne un service, une direction ou un enjeu, il faut que l'on puisse l'évaluer. Selon quelles modalités donner de l'argent en plus à des agents publics parce qu'ils ont montré leur implication ou leur performance ? Cela ne veut pas dire le profit, car nous ne sommes pas dans le privé, mais l'on peut quand même évaluer et faire de la performance. La satisfaction du public, par exemple, n'est pas simplement celle des chefs qui notent ceux qui sont en dessous. C'est aussi la satisfaction de ceux qui utilisent le service public. Je pense que l'on ne peut pas mettre en place le mérite collectif sans évaluer les services publics, leurs performances, les objectifs qu'on leur fixe et les moyens qu'on leur donne pour les atteindre. C'est tout le travail long et important que nous mènerons dans le cadre d'« Action publique 2022 » avec Olivier Dussopt auprès des syndicats, dès lundi. Je suis favorable à votre proposition qui consisterait à imaginer cette performance collective, ce mérite collectif.

Vous avez également raison de dire que la question de la rémunération, celle du changement du mode de calcul de la rémunération en y introduisant le mérite, s'articule avec la réforme des retraites, puisque les fonctionnaires et les agents publics sont évidemment concernés par la réforme Delevoye. Il faut donc que nous puissions travailler « en même temps », si j'ose dire, pour reprendre la formule que vous connaissez bien. Je crois qu'il y a là une possibilité de négociation intéressante avec les syndicats de la fonction publique, à la fois pour questionner la part du mérite dans la rémunération et pour réparer les inégalités qui existent entre agents publics. Nous savons très bien que certains sont payés en heures supplémentaires pour cacher une sorte de rémunération au mérite qui ne dirait pas son nom. C'est parfois une façon de récompenser le mérite, mais les primes ne sont normalement pas faites pour cela. Elles n'entrent pas, en outre, dans le calcul des retraites.

Pour répondre à la question du rapporteur général, c'est parce que nous avons bien conscience de cette logique inflationniste des dépenses de personnel – sans que les effectifs augmentent – que nous avons pris un certain nombre de décisions. Mme la rapporteure spéciale a bien voulu rappeler que 80 % du PPCR avait été prévu mais non versé, puisqu'il l'aurait été à partir de cette année. Tout de même, 11 milliards d'euros d'argent public pour le PPCR dans le cadre du quinquennat, ce n'est pas rien. Nous reprenons le processus à partir du 1er janvier, puisqu'il résulte d'un accord sinon majoritaire du moins discuté et signé par un certain nombre de grands syndicats – nous ne voulons pas casser cette dynamique qui avait été décidée par l'ancien gouvernement et les syndicats, mais nous avons souhaité ce décalage, malgré les difficultés que nous avons connues.

Vous avez eu raison de rappeler que le point d'indice a été augmenté par deux fois de 0,6 point à la veille d'une élection présidentielle – je me permets de constater ce hasard du calendrier, alors qu'il n'avait pas été augmenté durant les quatre premières années du mandat. Cela présente deux inconvénients. Le premier est que vous dépensez, pour un point d'indice, 2 milliards d'euros d'argent public. Un fonctionnaire qui est payé 2 000 euros perçoit une augmentation de 14 à 15 euros – on n'a donc pas fondamentalement réglé son problème de pouvoir d'achat s'il en a un, alors qu'un agent public bien mieux payé perçoit proportionnellement plus d'argent grâce à l'augmentation du point d'indice. Dans la fonction publique, pourtant, ce ne sont pas tous les agents publics qui sont mal payés. Ce sont parfois des métiers ou des corps de métier, avec des difficultés ici ou là. Mieux vaut donc faire du chirurgical ou de la dentelle, plutôt que des mesures générales.

Dépenser 2 milliards d'euros, c'est beaucoup d'argent, monsieur le rapporteur général, vous le savez, et cela sans régler le problème des agents publics et de leur pouvoir d'achat. Le deuxième inconvénient a toute son importance à mes yeux. L'État, en décidant cette dépense, est généreux avec l'argent des autres. En effet, ce sont aussi les territoires, les communes, les départements et les régions qui paient l'augmentation du point d'indice. Et si, par ailleurs, on fait la contractualisation – je ne voudrais pas allonger le débat –, on ne peut pas leur demander d'un côté de dépenser plus d'argent pour leur personnel, cette dépense étant automatique, et de l'autre côté leur dire qu'il ne faut pas faire de dépenses de fonctionnement. C'est pour cela, monsieur le rapporteur général, que nous avons mis en place le jour de carence et d'autres mesures qui ont parfois été contestées mais qui me paraissent bonnes.

Ce que je souhaitais vous dire, c'est que nous ne souhaitons pas augmenter le point d'indice. Nous l'avons dit, avec Olivier Dussopt. En revanche, il pourrait y avoir des augmentations ici ou là, dans certains corps de métier, discutées avec les syndicats, ou une rémunération au mérite en revoyant le RIFSEEP. C'est ce que nous allons faire, madame la rapporteure spéciale.

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