Intervention de Olivier Damaisin

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 21h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Damaisin, rapporteur spécial :

Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, mon rapport porte sur l'exécution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et ceux du CAS « Pensions » pour l'année 2017.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » est composée de trois programmes destinés à financer des subventions d'équilibre versées aux principaux régimes spéciaux de retraite ou des dispositifs de pré-retraite. Les crédits de paiement de cette mission ont été légèrement sur-exécutés de 0,34 % cette année par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale, ce qui représente un écart mineur. Les dépenses exécutées sont en baisse de 0,7 % par rapport à 2016 à périmètre constant, ce qui démontre une maîtrise de la dépense publique destinée aux régimes spéciaux de retraite et la bonne qualité de la prévision effectuée par les différentes caisses gestionnaires de ces régimes. Néanmoins, certains points de l'exécution budgétaire méritent d'être soulevés.

Tout d'abord, les crédits de l'action 3 du programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », qui incluent ceux destinés au financement de la dotation d'équilibre versée par l'État à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel (CRPR) de la SNCF pour le paiement des charges de pensions, sont sur-exécutés depuis 2015 en raison d'une sous-estimation des départs et d'une baisse des recettes de la caisse liée à l'annulation du taux de cotisation employeur « T1 » par le Conseil d'État pour les années 2013, 2014 et 2015. En 2017, le besoin de financement de la CPRP s'est élevé à 18 millions d'euros et a nécessité des mouvements de crédits pendant l'exercice 2017 et l'ouverture de nouveaux crédits de paiement en loi de finances rectificative. Ensuite, l'État a contracté une dette envers la caisse gestionnaire de ce régime, de 99,8 millions d'euros, au titre des annulations de taux de cotisation employeur fixés par le Gouvernement par arrêté. Le remboursement de cette dette a été reporté à 2018 et devrait être effectué selon les marges budgétaires disponibles.

Le programme 198 est également concerné par une sur-exécution des crédits de l'action 5 qui comprend le financement du congé de fin d'activité des conducteurs routiers (CFA). Les crédits de paiement destinés au financement de ce dispositif d'aide au départ en retraite ont été sous-budgétés de 9,3 millions d'euros. Ce besoin de financement s'explique par une connaissance imparfaite de la population d'appel du dispositif et par les difficultés de prévision de son comportement dans un contexte économique difficile. En complément, une dette de 13,5 millions d'euros contractée en 2011 vis-à-vis de Klésia, le groupe gestionnaire du dispositif, a été remboursée à hauteur de 6,4 millions d'euros cette année. Au 31 décembre 2017, le solde de cette dette était de 4,5 millions d'euros.

Au-delà de l'exécution budgétaire, le périmètre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » interroge sur l'accessibilité des informations concernant les transferts à destination des régimes spéciaux depuis le budget de l'État. En effet, certaines subventions versées à des régimes spéciaux ne sont pas inscrites ou retracées par la mission. C'est notamment le cas pour les régimes spéciaux de l'Opéra et de la Comédie française dont les crédits de paiement sont inscrits dans la mission « Culture » au programme 131. Monsieur le ministre, une rationalisation de l'architecture budgétaire afin de rassembler toutes les subventions d'équilibre versées par le budget de l'État à des régimes spéciaux de retraite est-elle envisagée ?

J'en viens maintenant à l'exécution budgétaire du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » pour 2017. Ses dépenses se sont élevées à 57,7 milliards d'euros en 2017, soit un écart de 0,1 % par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Leur augmentation s'est accélérée, avec une progression de 1,2 % par rapport à 2016 après des taux de 0,45 % en 2015 et 0,9 % en 2016. Cette accélération s'explique principalement par la fin de montée en charge de l'augmentation de la durée d'âge légal de départ, qui a été mise en place lors des précédentes réformes des retraites. Néanmoins, cette augmentation reste inférieure à la croissance moyenne annuelle constatée entre 2007 et 2012, qui était alors de 3,2 %. Les recettes du compte d'affectation spéciale se sont élevées à 59,6 milliards d'euros, conformément aux prévisions. Par rapport à 2016, celles-ci ont progressé de 3,2 % en raison de la hausse du taux de cotisation des fonctionnaires de 0,35 point, et de l'application du PPCR. Pour les indicateurs de performance, la capacité de prévision des différents régimes est particulièrement fine et les coûts de gestion inhérents au travail des caisses ont été maîtrisés cette année. Au 31 décembre 2017, le solde annuel du CAS a atteint 1,9 milliard d'euros, ce qui porte le solde cumulé du CAS à 5,1 milliards d'euros. Ce solde cumulé ne correspond pas à un stock d'argent disponible mais à une projection théorique des soldes annuels, qui sont reportés d'une année à l'autre. Il s'explique néanmoins par un taux de cotisation employeur supérieur aux besoins du CAS. Dès lors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si une baisse du taux de cotisation employeur des fonctionnaires civils à court terme est étudiée ?

Enfin, le service des retraites de l'État (SRE) a été créé comme un guichet unique pour les demandes de liquidation pour les fonctionnaires civils et militaires et les relations avec les pensionnés afin de réduire le coût de gestion du régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires. Pourtant, au 31 décembre 2017, seulement 66 % des administrations avaient transféré au SRE ces missions. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer le calendrier du transfert au SRE de la totalité de ces missions ?

Dans le cadre des travaux d'évaluation en lien avec ma mission de rapporteur spécial des crédits du CAS « Pensions », j'ai choisi d'étudier la question de l'intégration du régime de retraite des fonctionnaires de l'État dans le projet de mise en place d'un régime de retraite universel. J'ai auditionné, pour aborder les enjeux de cette réforme, la Cour des comptes et différents syndicats des personnels de la fonction publique de l'État. J'ai pu prendre conscience de l'intérêt des Français pour ce projet de réforme. La retraite est un enjeu important pour les retraités actuels, mais aussi pour les prochaines générations qui seront directement concernées par ce nouveau système. Plusieurs inquiétudes m'ont été communiquées à ce sujet. Il convient de garder un système de retraite efficace et juste qui permette de préserver le niveau de vie des retraités. Cette réforme ne vise pas à réduire le niveau de dépenses à destination des régimes de retraite, mais à les simplifier et à les rendre plus lisibles pour l'ensemble des Français qui sont inquiets de leur fonctionnement et de leur pérennité. C'est ce que le Gouvernement a l'intention de faire, et je le soutiens évidemment pleinement dans cette démarche.

Certaines inquiétudes m'ont néanmoins été rapportées, et j'aimerais ici m'en faire l'écho afin que nous puissions rassurer les personnes concernées. La première inquiétude concerne le statut lui-même. D'aucuns considèrent que renoncer à un régime spécifique de retraite pour la fonction publique reviendrait à abandonner la notion même de statut. Telle n'est pas du tout mon analyse, mais je serais preneur de votre sentiment sur ce point essentiel. Par ailleurs, les syndicats représentatifs des personnels de la fonction publique d'État m'ont alerté sur la nécessité de procéder à un réaménagement des carrières afin de permettre une meilleure progression au sein de la fonction publique, ce qui aboutirait à un maintien du niveau des pensions. Le Gouvernement réfléchit actuellement à une réforme des carrières des fonctionnaires, qui aboutirait à ce résultat. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer dans quelle mesure les projets de réforme de la fonction publique préparent la mise en place de nouvelles carrières administratives plus progressives ?

Par ailleurs, la fonction publique de l'État regroupe des corps extrêmement variés, dans lesquels les niveaux de primes sont eux aussi extrêmement variés. Une réforme aurait très certainement des résultats différents sur chacun d'entre eux. Or pour garantir un système de retraite équitable, il semble que la mise en place de dispositifs particuliers soit nécessaire. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous présenter la réflexion du Gouvernement sur la mise en place de dispositifs permettant la prise en compte de ses spécificités ?

Ensuite, la pénibilité dans la fonction publique est aujourd'hui prise en compte par l'intégration de certains corps dans la catégorie active, ce qui permet un départ à la retraite anticipé. Dans la perspective d'un régime universel, comment préserver cette spécificité et envisagez-vous d'étendre certains critères de pénibilité aujourd'hui appliqués dans le privé à la fonction publique ? Je pense particulièrement aux horaires décalés et au travail de nuit.

Enfin, j'attire votre attention sur la nécessité de prendre en compte les spécificités de chaque situation et de réunir toutes les catégories socioprofessionnelles autour d'un projet commun pour la réussite de cette réforme. Ce sujet, je le sais, fait l'objet de toute l'attention du haut-commissaire à la réforme des retraites, M. Jean-Paul Delevoye.

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