Intervention de Fabrice Le Vigoureux

Réunion du lundi 4 juin 2018 à 21h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial pour les crédits de l'enseignement supérieur et de la vie étudiante :

Mes chers collègues, l'exécution 2017 des crédits sur la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur montre une progression nette des crédits de 2,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. L'augmentation de ces crédits est légèrement plus favorable à l'enseignement supérieur qu'à la recherche, notamment pour faire face à un afflux significatif d'étudiants.

Les crédits consacrés à l'enseignement supérieur, regroupés dans les programmes 150 Formations supérieures et recherche universitaire et 231 Vie étudiante, totalisent ainsi 15,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Les subventions pour charges de service public inscrites sur le programme 150 représentent 12,3 milliards d'euros et constituent de loin le principal poste de dépenses ; elles financent les opérateurs de la mission, au premier rang desquels les universités. Ce poste de dépenses augmente de 333 millions d'euros par rapport à 2016.

Cette augmentation des crédits versés aux universités ne peut cependant masquer la situation financière difficile de certains établissements passés aux responsabilités et compétences élargies. Dans son rapport annuel, la Cour des comptes alerte ainsi sur la situation budgétaire « très dégradée » de sept universités et d'une école d'ingénieurs, soit deux établissements de plus que l'an dernier. Pour nombre de ces universités, les difficultés sont structurelles : le besoin de financement risque d'être durablement supérieur à leur capacité à lever des ressources propres. Ces difficultés ont des origines diverses : difficultés à piloter la masse salariale, problèmes de trésorerie, augmentation trop rapide de la démographie étudiante. Cette situation est préoccupante, notamment dans le cas des universités de Grenoble et de Lille, dont la situation financière s'est aggravée depuis 2016.

Madame la ministre, quelles solutions de court et de moyen termes peuvent être trouvées pour que les difficultés rencontrées par ces universités ne conduisent pas à une dégradation trop importante des conditions d'exercice de leurs missions de service public ?

Cela m'amène à la question de la gestion de la masse salariale et des plafonds d'emplois des opérateurs, qui n'est pas étrangère aux difficultés financières des universités. En effet, de manière générale et répétée depuis de nombreuses années, l'augmentation du plafond d'emplois des universités, comme des opérateurs de la mission Recherche, ne se traduit pas toujours par des créations effectives de postes, mais vient compenser l'impact budgétaire des mesures salariales type « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) ainsi que le glissement vieillesse technicité (GVT).

Cela a un impact au regard des engagements ministériels. Ainsi, au titre du suivi du plan de création des 5 000 postes d'enseignants-chercheurs lancé en 2014, seulement 74 % des emplois notifiés ont été effectivement suivis de recrutements. Le ministère ne dispose que d'une vision très globale de l'emploi des 26 % de crédits restants. On relève à cet égard le manque de transparence et de suivi des crédits votés par le Parlement dans le but précis de créer des emplois, alors que ce plan représente un coût cumulé de plus de 735 millions d'euros depuis 2013.

Par ailleurs, les dépenses de personnel des opérateurs représentent 77 % des crédits de paiement du programme 150, mais ces crédits sont inclus dans la subvention pour charges de service public (titre III) pour les établissements passés aux responsabilités et compétences élargies (RCE) ; et en titre II et titre III pour les établissements non-RCE. En 2017, les dépenses de personnel des établissements passés aux RCE se sont ainsi élevées à 11,8 milliards d'euros. Mais on constate dans le même temps une sous-consommation de 11 498 ETPT sous plafond État en 2017. L'autonomie conférée à ces opérateurs les conduit ainsi à piloter leur masse salariale sans « saturer » le plafond d'emplois voté par le Parlement.

Cet écart peut poser problème au regard des engagements pris par l'exécutif, comme au regard de la situation financière de certaines universités, dont il est également un baromètre.

Cela soulève deux questions. En premier lieu, disposez-vous des outils permettant une visibilité globale sur le pilotage consolidé des dépenses et des évolutions budgétaires, notamment celles liées à la masse salariale, pour l'ensemble des établissements, autrement dit d'une sorte de « SI universités », à l'instar du « SI Recherche » qui se construit actuellement ? Et de telles remontées de données vous sembleraient-elles souhaitables ?

Par ailleurs, quelles pourraient être les mesures correctives prises à l'avenir pour éviter que ne continue de se creuser l'écart entre les emplois votés et les emplois réellement exécutés sur la mission ?

J'en viens à l'analyse des crédits du programme 231 Vie étudiante, qui fait l'objet d'une consommation supérieure de 201,3 millions d'euros en 2017 par rapport à 2016. On constate que les crédits nécessaires pour financer les bourses ont été correctement budgétés en 2017, contrairement à 2016. On constate même un écart positif de 21,3 millions d'euros en raison d'un effectif réel de boursiers un petit peu inférieur aux prévisions. Néanmoins, avec l'afflux dans l'enseignement supérieur d'un nombre plus élevé d'étudiants au cours des prochaines années, la qualité de la programmation initiale demeurera un sujet de vigilance, car cette année encore il a fallu puiser dans la réserve de précaution pour financer les bourses.

L'écart positif entre prévision et exécution est également dû au surdimensionnement du dispositif d'aides à la recherche du premier emploi (ARPE), doté initialement de 40 millions d'euros, et dont seuls 24 millions d'euros ont été consommés en 2017. Néanmoins, ce sont au total 27 731 diplômés qui ont bénéficié de l'aide, dont 1 957 anciens apprentis et 25 774 anciens boursiers. En outre, l'ARPE a permis de financer en partie l'aide à la mobilité master créée en 2017, qui a bénéficié à près de 5 731 étudiants.

Sur ces dispositifs de bourses, d'aide à la recherche du premier emploi et d'aide à la mobilité master, pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, quels enseignements vous tirez de l'exécution 2017 pour une programmation budgétaire plus fine à l'avenir ?

Toujours à propos du programme 231, la Cour des comptes a fait état, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, de ses interrogations relatives au financement de la partie hors bilan du plan 40 000 logements qui s'est étendu sur la période 2013-2017. Ce plan visait à développer l'offre de logements pour permettre au plus grand nombre d'étudiants qui en font la demande d'accéder à un hébergement de qualité, à un moindre coût. 40 391 places nouvelles ont ainsi été créées entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017, réparties de manière presque égale entre l'Île-de-France et le reste du pays.

Ce plan est donc une réussite dans l'ensemble, mais les engagements financiers hors bilan des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) n'ont fait l'objet d'aucun suivi fiabilisé, alors que leur niveau est élevé, et très mal évalué : entre 1 et 2 milliards d'euros, peut-être davantage, nous n'en savons pas grand-chose. Il apparaît que les pratiques comptables sont encore largement hétérogènes et varient notablement d'un CROUS à l'autre.

Ainsi, dans la perspective du plan 80 000 logements, dont 60 000 logements étudiants, qui devraient être créés au cours du quinquennat, quelles améliorations pourrait-on apporter en matière de comptabilisation des engagements hors bilan ? Pourriez-vous par ailleurs nous faire part d'estimations plus précises de ces coûts à venir, car la Cour des comptes ne donne pas de chiffres précis ?

Enfin, je souhaiterais vous poser une question relative au développement de la formation continue. La formation continue représente un volume de près de 438 000 stagiaires en 2017, pour un financement de l'ordre de 449 millions d'euros, dans les établissements relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Autonomes dans la gestion de leur masse salariale et leurs moyens logistiques, les établissements organisent la formation continue selon des formes différentes.

Au-delà des aspects juridiques, le développement d'une véritable formation tout au long de la vie est un enjeu majeur d'emploi et de compétitivité de notre pays. Ce développement se heurte toutefois à plusieurs difficultés, par exemple lorsqu'il s'agit de mieux valoriser la contribution des enseignants-chercheurs à la formation continue, éventuellement en reconnaissant davantage leur investissement dans le suivi des étudiants et des stagiaires de la formation continue.

La mise en place de sociétés universitaires et de recherche, telle qu'envisagée dans le cadre du programme d'investissement d'avenir, devrait également permettre de conduire des actions de gestion et de commercialisation des prestations de formation continue.

Il pourrait également être utile de s'appuyer sur une meilleure connaissance des sources de financement des stagiaires. En particulier, il semble difficile, à l'heure actuelle, de retracer les parts respectives du financement individuel, des financeurs de la formation professionnelle – AGEFOS-PME, UNAGECIF, Opcalia, MEDEF, etc. –, des entreprises, ou encore des acteurs institutionnels locaux ou nationaux. À ce titre, la création du compte personnel de formation (CPF) pourrait entrer en résonance avec le développement de l'offre de formation continue dans les établissements d'enseignement supérieur, selon des modalités qu'il convient de préciser.

Quel est votre sentiment sur la place que doit occuper la formation continue universitaire dans le développement d'une formation tout au long de la vie ? En particulier, comment la formation continue peut-elle s'articuler avec la mise en oeuvre du CPF et l'implication des différents prescripteurs de formation ?

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