Intervention de Didier Migaud

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques :

En ce qui concerne les indicateurs, la question relève de la responsabilité de l'exécutif. Bien sûr, il faut qu'il puisse travailler en collaboration avec le Parlement pour apprécier la pertinence des indicateurs de performance. Nous travaillons sur les mêmes indicateurs que vous, mesdames et messieurs les députés : les indicateurs définis par le Gouvernement. Ce que nous constatons, c'est qu'effectivement il y a un problème : parfois trop d'indicateurs quantitatifs et pas suffisamment d'indicateurs qualitatifs, et trop d'indicateurs non renseignés. Nous faisons le même constat que vous et nous sommes tout à fait prêts à travailler, à votre demande ou à la demande du Gouvernement, à partir des travaux de contrôle que nous pouvons faire. Il y a peut-être quelques indicateurs sur lesquels nous pourrions vous recommander d'insister davantage.

Il nous paraît tout à fait indispensable de passer d'une logique de moyens à une logique de résultat, ce qui implique une évaluation de la performance, donc la définition d'indicateurs. Ce n'est jamais facile. Tous les pays qui se sont engagés dans une démarche de performance, notamment les premiers – le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et un certain nombre de pays nordiques –, redéfinissent assez régulièrement les indicateurs de performance. Il ne faut pas le faire trop souvent car ils ne permettraient plus d'apprécier la pertinence de l'action publique, mais ils méritent effectivement d'être revisités de temps en temps. Nous sommes tout à fait d'accord pour accompagner votre réflexion à ce sujet. Nous le disons et nous l'écrivons : c'est extrêmement perfectible. Les missions Travail et emploi et Enseignement scolaire, dont les indicateurs ne permettent pas d'apprécier la qualité et la performance de l'action publique, nous paraissent précisément mériter un examen complémentaire.

Ce n'est pas à la Cour de fixer le niveau des prélèvements obligatoires. Des engagements ont été pris d'ici à 2022 ; nous aurons à apprécier d'une année sur l'autre les résultats du budget et des comptes publics par rapport à ces engagements. L'augmentation du niveau des prélèvements obligatoires en 2017 est due en grande partie à leur élasticité, qui a été très importante, ainsi qu'à l'augmentation de l'impôt sur les sociétés en fin d'année.

S'agissant des dépenses de personnel, nous analysons 2017, notamment les raisons de l'augmentation de ces dépenses. Là non plus, madame Pires Beaune, ce n'est pas à la Cour d'apprécier s'il faut créer des postes dans l'éducation nationale, au ministère de l'intérieur, au ministère de la justice : ce à quoi nous sommes attentifs, c'est à la cohérence des décisions prises. On ne peut pas avoir des objectifs d'augmentation des dépenses de personnel, par le biais de créations d'emploi, et tenir en même temps un discours de maîtrise de ces dépenses, notamment en annonçant qu'elles n'augmenteront pas dans le temps alors même que des mesures prises en entraînent mécaniquement l'augmentation.

Sur la certification des comptes, je vous invite à un peu plus d'optimisme : tout n'est pas négatif, des progrès considérables ont été réalisés et ont permis une plus grande sincérité dans l'exécution, une plus grande fiabilité. Il reste certes quelques points durs, mais des pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni formulent eux aussi des réserves importantes sur un certain nombre de missions et de ministères. L'objectif est de progresser. Nous constatons que ces progrès ont été un peu moins importants ces dernières années mais il est toujours plus facile de progresser beaucoup au début.

Monsieur de Courson, on peut vraisemblablement mieux évaluer encore les dépenses fiscales, tout au moins progresser dans la transparence et l'exercice de confrontation et contradiction avec le ministère de l'économie et des finances.

Sur les restes à réaliser, nous pointons en effet un sujet – différent de celui des charges qui restent à réaliser, où nous avons constaté un progrès. Les PIA représentent une part importante des restes à réaliser, à côté de certains grands projets d'équipement.

S'agissant des remembrements, qu'est-ce qui peut être budgétisé et qu'est-ce qui doit être, dans une plus grande transparence pour le Parlement, transféré à de vrais opérateurs ? C'est la question qui vous est posée. Certaines pratiques affaiblissent d'une certaine façon l'autorisation parlementaire et vous empêchent de réaliser un contrôle strict de l'exécution de la dépense. De même que les contournements de la charte budgétaire, que nous listons dans une annexe du rapport, sont des biais de construction et des éléments d'insincérité.

En ce qui concerne les dépenses fiscales, je partage les propos de Mme Pires Beaune. Il existe des marges de progrès. La loi de programmation apparaît peu ambitieuse, avec un plafond qui est loin de correspondre à la dépense actuelle.

Il faut conduire un travail de revisite de l'ensemble de ces dépenses. La conséquence peut certes en être une augmentation des prélèvements obligatoires mais cela peut aussi contribuer à vous faire baisser d'autres impôts. Certaines dépenses fiscales sont mal évaluées, leur pertinence économique n'est pas évidente, avec des effets d'aubaine très forts. La dépense fiscale s'est substituée à une dépense budgétaire pour contourner la norme d'évolution de la dépense budgétaire.

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