Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 6 juin 2018 à 13h40
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

J'ai bien compris que Mme de Montchalin tire le fil des dépenses fiscales depuis l'audition de M. Migaud. Y a-t-il – la question a également été posée par M. Coquerel – trop de niches fiscales ? Sans doute, comme auraient pu le dire tous les ministres du budget qui m'ont précédé. Nous devons certainement examiner ces mesures au même titre que les aides aux entreprises et les aides sociales. De ce point de vue, monsieur Coquerel, vous auriez pu citer mes propos dans leur intégralité.

Le coût prévisionnel des dépenses fiscales, madame de Montchalin, a été estimé à 92,98 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2018, contre 89,9 milliards dans la loi de finances pour 2017, soit un écart de 3,4 % qui s'explique par plusieurs raisons : le changement des méthodes de calcul, pour 0,8 milliard, dont l'exonération de la TVA applicable au service public de la communication audiovisuelle, pour 400 millions, mais aussi les mesures nouvelles adoptées depuis le loi de finances pour 2017, pour 100 millions, et l'évolution des dépenses fiscales, plus dynamiques que prévu, pour 2,1 milliards – dont 700 millions au titre du CICE, 400 millions au titre du taux réduit d'impôt sur les sociétés concernant les brevets, 300 millions au titre de la réduction de l'impôt mécénat, 200 millions au titre du taux réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TIFCE) dont bénéficient les installations industrielles électro-intensives, et 200 millions au titre du crédit d'impôt recherche. Globalement, madame de Montchalin, votre critique est fondée, mais nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen du prochain projet de loi de finances. Vous comprendrez qu'en la matière, je partage les décisions avec le ministre de l'économie et des finances. À chaque niche son chien qui aboie ; surtout, la suppression de chaque dépense fiscale entraîne une hausse d'impôt. Nous avons parfois péché dans le dernier budget et, a posteriori, force est de constater que de nombreuses dépenses fiscales se sont ajoutées ; le temps est en effet venu d'en dresser le bilan.

Mme Louwagie a raison d'indiquer que le déficit de l'État est très élevé, mais il est le moins élevé depuis 2008. J'ignore à quoi correspond le montant de 40 milliards de recettes nouvelles que vous évoquez – car il se traduirait par un excédent budgétaire de 1 % du PIB… En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, je m'inscris en faux : en 2017, ils ont été décidés à structure fiscale constante puisque nous n'avons pas modifié la fiscalité par un projet de loi de finances rectificative – ce que vous nous encouragiez à faire. Il ne peut donc pas être fait le procès au Gouvernement d'augmenter la fiscalité par la hausse du taux de prélèvements obligatoires : le taux constaté en 2017 n'est pas la conséquence de nos décisions.

Ensuite, nous avons rencontré de nombreuses difficultés comptables. La redevance audiovisuelle a augmenté de 0,2 point – puisque vous évoquiez une augmentation de 0,7 point – étant entendu qu'elle n'était pas auparavant un prélèvement obligatoire mais une redevance. Elle n'a donc pas augmenté pour le contribuable, mais le comptable national a estimé qu'elle devait en 2017 être considérée comme un impôt, soit une hausse de 0,2 point à fiscalité constante, qui n'est due qu'au changement d'imputation à hauteur d'un peu plus de 4 milliards d'euros.

Suite à l'annulation de la contribution de 3 % sur la distribution des dividendes, nous avons naturellement adopté le système – certes complexe – du comptable national selon lequel la surtaxe prévue dans le PLFR est considérée non seulement comme un prélèvement obligatoire – ce qui est logique s'agissant d'un impôt – mais aussi comme une dépense publique supplémentaire. Nous avons donc perdu sur les deux plans sans avoir rien changé à la fiscalité. En outre, ce taux de prélèvement obligatoire pose aussi problème du point de vue de la masse de fiscalité perçue. Nous aurons sans doute le débat concernant cet instrument qui correspond à l'engagement du Président de la République de baisser les impôts au cours du quinquennat, étant entendu que l'instrument en question vaudra davantage pour l'exécution du budget 2018 que pour celle du budget 2017.

Quant aux économies réalisées en 2017, nous avons surtout sincérisé un budget en augmentation. La loi de finances pour 2017 prévoyait 14 000 créations de postes dans la fonction publique, avec une augmentation de 0,6 % du point d'indice sans jour de carence. Nous aurons l'occasion, lors de l'examen de l'exécution du budget 2018, d'examiner notre propre action. Le dispositif « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) n'a été mis en oeuvre qu'à hauteur de 15 % en 2017, tandis que 80 % de son coût – soit 11 milliards d'euros – sera imputé à partir de l'année prochaine.

Je salue votre constance personnelle concernant les économies, madame Louwagie, en regrettant qu'elle ne soit pas toujours partagée par votre groupe politique, qui a systématiquement combattu les économies que j'ai proposées l'an passé – suppression des contrats aidés, évolution des trésoreries, et ainsi de suite. Où faudrait-il donc baisser la dépense publique ? N'hésitez pas à évangéliser votre groupe, madame la députée.

Le prélèvement à la source, monsieur Mattei, n'entraînera aucun décalage d'un point de vue maastrichtien, mais un simple décalage de 5 milliards d'euros pendant un mois, ce qui me semble tout à fait acceptable. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'élaboration de ce dispositif et du prochain projet de loi de finances – étant entendu que l'impôt sur le revenu, soit quelque 70 milliards, n'est pas celui qui rapporte le plus : la TVA rapporte environ 170 milliards.

J'ai déjà répondu lors de la CEPP à la question de la décote. Le Parlement peut, comme la Cour des comptes, s'intéresser à l'évaluation des politiques publiques en examinant l'efficacité de la mesure et la manière de la faire évoluer si nécessaire.

S'agissant de l'évaluation du parc immobilier par l'administration, vous avez raison, monsieur le député : la question se pose de la manière dont la norme est établie, car elle n'est pas tout à fait adaptée. Nous nous employons à trouver un accord avec la Cour des comptes sur une évaluation commune ; nous y reviendrons lors de l'examen du projet de loi de finances.

Les annulations prévues par le décret d'avance, en contrepartie des ouvertures de crédits, se répartissent ainsi, monsieur le rapporteur général : 850 millions sur la défense, 200 millions sur les transports, 130 millions sur le logement, 130 millions sur le ministère de que je dirige, 160 millions sur la justice, 260 millions sur la recherche et 240 millions sur la sécurité. Je vous répondrai plus précisément par écrit.

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