Intervention de Nathalie Elimas

Séance en hémicycle du lundi 11 juin 2018 à 16h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Elimas, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame et monsieur les rapporteurs, mesdames les rapporteures pour avis, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a pour ambition d'offrir à chacun la liberté de choisir son avenir professionnel. Pour que cette ambition – je dirai même : cet engagement – trouve une traduction concrète, elle doit s'adresser à tous : chacun, quelle que soit sa situation personnelle, professionnelle ou familiale, doit avoir la possibilité et les moyens d'être acteur de son parcours professionnel.

Le titre III, que j'ai l'honneur de rapporter, vise à répondre à cet impératif d'égalité de traitement et d'égalité des chances. C'est en adaptant les politiques de l'emploi aux publics les plus fragiles, et parfois les plus éloignés de l'emploi, que nous parviendrons à une société plus inclusive et plus juste.

Le premier volet du titre III concerne l'emploi des personnes en situation de handicap. Nous faisons face aujourd'hui à un manque d'inclusion des personnes handicapées sur le marché du travail. Je rappellerai à ce titre deux statistiques édifiantes. D'abord, les personnes handicapées sont deux fois plus confrontées au chômage que les personnes non handicapées possédant les mêmes caractéristiques, et leurs périodes de chômage sont plus longues. Ensuite, le taux d'activité des personnes handicapées est seulement de 43 %, contre 72 % pour le reste de la population.

C'est un véritable problème de discrimination dans l'emploi à l'encontre des personnes en situation de handicap que nous devons résoudre. Un récent baromètre réalisé par le Défenseur des droits et l'Organisation internationale du travail a ainsi mis en évidence le niveau élevé de discriminations auxquelles elles sont exposées : tous critères de discrimination confondus, c'est près d'une personne sur deux en situation de handicap qui déclare avoir été discriminée dans l'emploi !

Ces faits appellent à adopter des mesures fortes et ambitieuses en faveur de l'emploi des personnes handicapées. Une première étape a été la tenue du premier comité interministériel du handicap, le 20 septembre dernier, sous l'égide du Premier ministre. Il répondait à l'engagement présidentiel de faire de la politique du handicap une priorité du quinquennat. Une concertation avec les partenaires sociaux et les associations, destinée à réformer la politique de l'emploi en faveur des personnes handicapées, s'en est suivie. Les premières conclusions de cette concertation trouvent une traduction très concrète dans ce projet de loi.

Je présenterai deux des mesures principales en faveur de l'emploi et de l'accessibilité des personnes en situation de handicap contenues dans le titre III.

Tout d'abord, l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés imposant aux établissements de plus de vingt salariés d'avoir 6 % de travailleurs handicapés parmi leurs effectifs totaux est rénovée et consacrée comme l'instrument principal de l'emploi direct des travailleurs handicapés. Les modalités de déclaration de l'emploi de travailleurs handicapés par l'employeur sont simplifiées par l'intégration à la déclaration sociale nominative. Il s'agit de lever les obstacles administratifs pouvant décourager les employeurs d'embaucher un salarié reconnu handicapé et de s'acquitter de leur obligation d'emploi.

Une des mesures fortes est l'introduction d'une clause de révision du taux de l'obligation d'emploi. Fixé à 6 % de l'effectif total d'un établissement, ce taux est aujourd'hui le reflet assez fidèle de la part des travailleurs handicapés dans la population active, qui est de 6,6 %. Avec une révision de ce taux tous les cinq ans, l'objectif est de créer une dynamique positive en faveur de l'emploi des personnes handicapées.

Toutefois, dans la rédaction initialement proposée, cette clause de révision a pu susciter la crainte d'un nivellement du taux par le bas et des incertitudes quant aux critères qui seraient retenus pour le fixer. Les travaux de la commission des affaires sociales ont permis de sécuriser la procédure de révision et d'en faire, pour les employeurs, une incitation positive à l'embauche de travailleurs handicapés.

Tout d'abord, le taux de 6 % a été fixé comme un taux plancher de l'obligation d'emploi, que la clause de revoyure ne pourra pas remettre en cause, sauf à l'augmenter. Ensuite, les critères de révision ont été clarifiés et précisés. Enfin, l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées sera demandé dans le cadre de la révision : associer les personnes en situation de handicap à la mise en oeuvre des politiques les concernant apporte une garantie supplémentaire.

Notre objectif premier est d'encourager l'emploi direct des personnes handicapées, dont le taux est aujourd'hui de 3,4 % dans les entreprises du secteur privé, et surtout de faciliter leur maintien dans l'emploi. C'est pourquoi je défendrai un amendement visant à faciliter le recours au télétravail pour les salariés reconnus handicapés. Si le droit au télétravail a été consacré dans le cadre des ordonnances réformant le code du travail, il s'agit désormais d'aller plus loin et d'en faire un droit effectif pour les travailleurs handicapés afin d'améliorer leurs conditions de travail et de s'adapter à leurs contraintes.

J'évoquerai à présent l'enjeu des entreprises adaptées, la seconde des deux mesures principales du titre III en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap. La concertation étant en cours, notamment sur les modalités de leur financement, le projet de loi ne compte qu'une partie des mesures visant à valoriser les entreprises adaptées. Entreprises de droit commun, elles ont la spécificité de devoir recruter au moins 80 % de travailleurs handicapés et de leur offrir des conditions adaptées par un accompagnement spécifique et individualisé. Le projet de loi renforce le cadre d'intervention des entreprises adaptées en réaffirmant leur vocation économique et sociale et leur participation à un environnement économique inclusif.

L'enjeu est de mieux adapter l'accompagnement destiné aux travailleurs handicapés pour leur permettre de préparer leur sortie de l'entreprise adaptée vers des entreprises dites « classiques ». Or, la préparation de cette sortie n'est pas encore pleinement opérationnelle faute d'une logique de passerelles. La fluidité des allées et venues entre secteur protégé et secteur ordinaire participe pourtant de la liberté de choisir son avenir professionnel. Ne négligeons pas cette dimension, particulièrement dans les situations où un retour en entreprise adaptée s'avérerait nécessaire : il doit alors pouvoir être effectué sans préjudice et dans les meilleures conditions.

Le titre III comporte également un volet relatif au détachement et à la lutte contre le travail illégal. L'objectif est de rééquilibrer et de réajuster les obligations administratives pesant sur les employeurs étrangers détachant des salariés en France. Des réformes législatives récentes ont conduit à affermir le cadre législatif du détachement, afin de lutter plus efficacement et surtout durement contre le détournement et la fraude au travail détaché. Il en résulte un cadre juridique indifférencié et d'application générale, parfois même inadapté aux réalités du terrain et aux particularités de certains détachements. Le projet de loi apporte donc des aménagements et des assouplissements bienvenus pour certains cas de travail détachés bien ciblés et peu sujets à la fraude.

En parallèle, diverses mesures sont proposées pour renforcer le dispositif de sanction contre la fraude au détachement avec le rehaussement des plafonds des amendes administratives et la création d'un nouveau cas d'application de la sanction de suspension du détachement. Dans le même sens, la commission a adopté un amendement visant à mieux définir le statut du salarié détaché afin d'éviter son détournement.

Enfin, à la suite du bilan du plan national de lutte contre le travail illégal, remis en février, le dispositif de lutte contre le travail illégal est consolidé. Je souligne notamment le renforcement et la modernisation des pouvoirs d'enquête de l'inspection du travail pour cibler les nouvelles formes du travail illégal.

Autre volet du titre III, et qui m'est cher : celui de l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. La garantie effective des droits trouve ainsi une traduction inédite en matière d'égalité professionnelle. Le constat est malheureusement connu : un écart de salaire inexpliqué de près de 10 % persiste entre les femmes et les hommes à travail de valeur égale : la France conserve, à l'échelle mondiale, une consternante 129e place dans le classement de l'égalité salariale. Le temps des déclarations de principes et des ajustements juridiques à la marge est révolu : l'égalité professionnelle ne doit plus être un horizon théorique, au détriment de la progression professionnelle et de l'insertion sociale des femmes.

Nous passons donc, enfin, au temps de l'action, avec le passage d'une obligation de moyens à une obligation de résultat, quarante-cinq ans après l'inscription de ce principe dans la loi. Dès le 1er janvier prochain, les entreprises d'au moins 250 salariés devront intégrer un indicateur de mesure des écarts de rémunération et disposeront de trois ans pour les corriger, en y consacrant une enveloppe de rattrapage salarial, sous peine de sanction. Les entreprises de plus de 50 salariés les rejoindront à partir du 1er janvier 2020.

Je tiens à saluer l'action déterminante de Mme la ministre pour défendre cette cause dans le projet de loi ainsi que l'implication de l'ensemble de la commission des affaires sociales, laquelle s'est traduite par l'adoption de douze amendements sur ce sujet.

Nous ne sommes toutefois qu'au début du chemin. Nous ne pouvons pas nous limiter à une attitude de spectateur dans le déploiement du nouvel outil. Il me paraît indispensable, à ce titre, de partager avec vous une réalité et une ambition. La réalité, c'est qu'il serait illusoire de croire qu'un indicateur unique constitue un outil suffisant. Au contraire, il peut masquer des disparités et des inégalités plus substantielles, que l'on pense à l'accès aux postes à responsabilité ou au rythme de progression salariale et professionnelle. Le risque d'un enfermement dans un outil de mesure uniforme et isolé devra donc être évité.

L'ambition, ensuite, réside dans la nécessité de définir sans attendre de nouveaux caps en matière d'égalité professionnelle. Je pense par exemple à l'objectif fixé par la loi Copé-Zimmermann d'une composition des conseils d'administration ou de surveillance par au moins 40 % de femmes : …

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