Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du lundi 11 juin 2018 à 16h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

C'est donc un sujet qui a une importance toute particulière. Comme nous avons les uns et les autres nos thèses sur la question, cela provoque entre nous beaucoup de discussions. Je vais en évoquer quelques-unes, mais je crois que si cela suscite parmi nous un tel intérêt, c'est que nous avons conscience que quelque chose d'essentiel se joue là.

Commençons par les représentations collectives. Pour ma part, je suis toujours agacé d'entendre dire qu'il faudrait « revaloriser » l'enseignement professionnel. Cette expression m'a toujours exaspéré. Pourquoi « revaloriser » ? L'enseignement professionnel est parfaitement valorisé. Cependant, suivant le balcon social où l'on se trouve, on voit les choses différemment. Il ne viendrait à l'idée de personne de dire qu'il faut revaloriser l'enseignement de la médecine ou de l'architecture, car, pour tout le monde, il s'agit d'activités assez prestigieuses, bien que ce soient des enseignements professionnels.

Autrement dit, le regard éventuellement dépréciatif ou compassionnel ne s'applique qu'à une tranche de l'enseignement professionnel. Car, en vérité, tout enseignement concourt à la professionnalisation, d'une façon ou d'une autre. J'en ferai très volontiers la démonstration, car, plus d'une fois, j'ai entendu ceux qui accueillent, dans leur entreprise, les jeunes salariés dont ils ont besoin déclarer : « Écoutez, d'accord, mais n'avez-vous rien d'autre à leur enseigner ? Nous, nous avons besoin de ceci ou de cela. » En d'autres termes, ils considéraient les enseignements généraux comme superfétatoires. Or, non seulement ces enseignements ne le sont pas – en ce qu'ils concourent à l'intelligence du métier lui-même – , mais, surtout, ils élargissent la capacité à apprendre et à produire.

Je me souviens d'une classe de BEP qui, à La Réunion, comptait 80 % d'absentéistes. Les enseignants avaient eu l'idée magnifique de faire un PPCP – projet pluridisciplinaire à caractère professionnel – , dans lequel les jeunes gens étaient formés aux sculptures métalliques géantes. Apparemment, aucun rapport avec l'enseignement dispensé, à savoir la métallerie. Mais, pour faire une sculpture métallique géante, il faut d'abord savoir dessiner ; et pour ce faire, il faut avoir quelques idées sur le sujet. On a donc emmené ces jeunes dans plusieurs expositions pour leur montrer des sculptures de ce genre. Pour les réaliser, il faut aussi connaître la soudure, la peinture, la physique – pour que l'ouvrage tienne debout – , et ainsi de suite.

Par conséquent, il faut toujours s'élever contre l'idée qu'un enseignement général est contradictoire avec le processus de professionnalisation : c'est l'inverse ! De la même manière, je me souviens que l'on disait des cours d'éducation civique, juridique et sociale qu'ils n'étaient pas ce qu'il y a de plus urgent. Eh bien si ! Qu'y a-t-il de mieux, par exemple, dans les métiers du bâtiment : le chef d'équipe qui crie « parce qu'il y a du vent » ou celui qui s'explique, fait entendre ses ordres et les voit ainsi mieux appliqués ?

Je m'efforce ici de balayer l'idée qu'il existerait deux formes d'éducation. Non ! Il y a deux formes de pédagogie : ce n'est pas pareil. La pédagogie de l'enseignement général est dite « hypothético-déductive », c'est-à-dire qu'elle part de l'abstraction et y demeure ; la pédagogie appliquée à l'enseignement professionnel, elle, part du concret pour aller vers l'abstrait. Mais, à la fin, les deux se retrouvent dans la même abstraction. Les mathématiques sont les mêmes pour tout le monde, tout comme les langues étrangères et les règles d'orthographe et de grammaire.

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