Intervention de Stéphane Viry

Séance en hémicycle du lundi 11 juin 2018 à 16h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry :

… mais de se poser les vraies questions à la lumière de ce qui a été dit ces dernières semaines : voulons-nous garder des amortisseurs sociaux en France ? Votre projet de loi amorce la remise en cause presque silencieuse d'un des piliers de notre protection sociale, né sous l'impulsion du général de Gaulle et par la volonté des partenaires sociaux.

Le général de Gaulle, qui avait une véritable idée de la France, a fait confiance aux partenaires sociaux. À présent, vous leur retirez les clés du système, alors même qu'à de nombreuses reprises ils ont fait preuve de plus de courage que l'État, comme lors de la réforme de l'AGIRC – association générale des institutions de retraite des cadres – et de l'ARRCO – association pour le régime de retraite complémentaire des salariés. Cette transformation, que vous assumez, est lourde de sens, mais vous vous gardez bien de l'expliquer aux Français, qui un jour, en se réveillant, découvriront la mort de l'assurance chômage qu'ils connaissaient.

Enfin, madame la ministre, plus encore que ses dispositions de fond, les aspects formels de ce projet de loi nous interpellent. Il y est question de la formation professionnelle et de l'apprentissage, envisagés sous l'angle de leur qualité, de leur financement et de leur gouvernance, mais aussi de l'assurance chômage, du contrôle des demandeurs d'emploi, du détachement, de l'inclusion des travailleurs handicapés, de l'égalité professionnelle, de la mobilité de la haute fonction publique… Ce texte à tiroirs apporte bien peu de garanties de sécurité, alors que, précisément, il devait apporter des contreparties aux mesures adoptées dans le cadre des ordonnances de réforme du code du travail.

Il n'y a pas si longtemps, le Gouvernement faisait passer la démocratie sociale avant la démocratie parlementaire : mes collègues socialistes se rappelleront sans doute cette période durant laquelle la loi devait être « l'ANI – accord national interprofessionnel – , rien que l'ANI ». Aujourd'hui, l'état d'esprit est plutôt d'inviter les partenaires sociaux à négocier, concerter, consulter, et à laisser le Gouvernement disposer. Est-ce cela, le nouveau monde : négliger à la fois la démocratie sociale et la démocratie parlementaire ? C'est ce que vous faites, par exemple en annonçant des mesures avant même la signature d'un ANI, en déposant un projet de loi manifestement inachevé sur le bureau de notre Assemblée, mais aussi en faisant siéger les parlementaires avant la fin des concertations, comme cela a été le cas en ce qui concerne l'égalité entre les femmes et les hommes lors de l'examen de ce texte en commission, et comme c'est toujours le cas sur le handicap.

La formation continue, la formation professionnelle est une priorité : sur ce point, nous nous rejoignons. Mais priorité ne veut pas dire urgence. On ne peut tenir son cap dans la précipitation, on ne peut mener une réforme aboutie dans l'impréparation. Les nombreux amendements de réécriture adoptés en commission sur le CPF transition, sur la taxe unique – qui ne semble plus vraiment être unique – et sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, montrent bien que votre texte est toujours en mutation. Et, à en juger d'après le nombre d'amendements déposés par le Gouvernement sur l'article 40 – relatif à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés – , vous restez sur la même logique. En commission, le Gouvernement a déposé trente-deux amendements, et trente-trois, pour l'instant, en séance publique – sans parler des centaines d'amendements déposés par les rapporteurs. L'Assemblée nationale se réunit pour examiner des textes bien définis, elle n'est pas là pour regarder les textes s'écrire sous ses yeux !

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