Intervention de Sylvain Maillard

Séance en hémicycle du lundi 11 juin 2018 à 16h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvain Maillard :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, chers collègues, l'un des défis majeurs que doit relever notre pays, le coeur de notre bataille, est la lutte contre le chômage de masse, en particulier le chômage qui frappe les jeunes et les publics les plus fragiles. Il s'agit d'une priorité nationale – il y va de la préservation de notre pacte républicain, fondé sur les valeurs d'égalité et de solidarité. Il s'agit aussi d'un enjeu de société, de compétitivité de nos entreprises et de croissance.

Les réformes de l'apprentissage et de la formation professionnelle, fruits d'une consultation nationale réunissant tous les acteurs du secteur, s'inscrivent dans cette perspective en poursuivant une double ambition : faire de la formation continue un bouclier protecteur et un outil d'émancipation des individus, et en faire aussi un investissement de compétitivité des entreprises et d'employabilité des salariés. Cette double ambition est bâtie sur un engagement fort du Président de la République lors de la campagne présidentielle : « il n'y aura pas de changement de la société et de l'économie s'il n'y a pas, en même temps, une formation de chacune et de chacun » – une conviction que nous partageons, je le sais, tous ici.

La croissance économique est la manifestation d'un cycle permanent de destruction et de création d'emplois, un mouvement qui aujourd'hui s'accélère dans un monde en pleine mutation technologique, marqué par une concurrence de plus en plus féroce. Notre devoir est de protéger la personne en lui donnant les moyens d'évoluer plutôt que de protéger des emplois qui finiront par disparaître. Deux chiffres suffisent à nous en persuader : 60 % des emplois de 2030 n'existent pas encore aujourd'hui, et le taux de chômage s'élevait à 8,9 % le mois dernier alors que près de 300 000 emplois sont non pourvus dans certains métiers dits « en tension ». Alors oui, la bataille que nous devons mener ensemble, est bien celle de la montée en compétences des citoyens grâce à l'éducation et à la formation ! Investissons dans le capital humain, comme le préconise l'économiste Gary Becker – mentionné par la présidente de notre commission. « L'éducation est l'arme la plus puissante pour changer le monde », tels étaient les mots de Nelson Mandela. Ces mots sont plus que jamais d'actualité.

Les principes fondateurs de la formation professionnelle, telle qu'elle a été conçue par Jacques Delors, en 1971, reposait sur une idée-force, « l'éducation, un trésor à l'intérieur », qui doit toujours nous guider. Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins, percutés par des bouleversements technologiques, l'intelligence artificielle. Plusieurs réformes se sont succédé en 2004, en 2009, en 2014 sans les résultats escomptés. Aujourd'hui, encore une nouvelle réforme, vont penser nos concitoyens. Nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer. Telle est notre responsabilité.

Le défi est de taille : malgré un agrégat de 32 milliards d'euros par an, notre système de formation professionnelle et d'apprentissage est aussi inefficace qu'inaccessible, aussi opaque qu'injuste. Ce constat est malheureusement sans appel. Comme vous l'avez souligné à plusieurs reprises, madame la ministre, aujourd'hui, c'est le parcours du combattant pour trouver une formation. Les chiffres sont éloquents : seulement 36 % des Français accèdent à une formation professionnelle continue chaque année, contre 54 % en Allemagne ; la France compte seulement 400 000 apprentis, soit deux fois moins qu'en Allemagne où le taux de chômage est bas, alors que, chez nous, 1,3 million de jeunes ne sont ni en emploi, ni en formation, ni dans un cursus scolaire ou universitaire ; il s'écoule en moyenne sept mois entre la perte d'un emploi et l'entrée en formation d'un chômeur en France ; la formation professionnelle profite deux fois plus aux cadres des grandes entreprises privées qu'aux ouvriers et employés des TPE-PME ; depuis le 1er janvier 2015, seulement 5,3 millions de Français ont ouvert un compte personnel de formation alors que nous comptons près de 30 millions d'actifs ! Nos concitoyens sont confrontés à un manque d'accessibilité, à un manque d'orientation, à un manque d'accompagnement. Ils ne sont pas acteurs de leur propre parcours de formation.

Madame la ministre, vous avez annoncé, une « révolution copernicienne », un « big bang » de la formation professionnelle et de l'apprentissage, dont je partage la philosophie. Demain, nos formations seront plus agiles, plus accessibles, plus justes, plus efficaces et plus transparentes.

Plus agiles, car les référentiels de certification seront co-construits entre les branches professionnelles et l'éducation nationale, afin de redonner de l'agilité à l'offre de formation.

Plus accessibles, car le compte personnel de formation ne sera plus libellé en heures mais en euros. Cela favorisera une désintermédiation du système en permettant l'utilisation directe des droits auprès des prestataires, notamment grâce à la création d'une application mobile. Chaque actif aura accès aux informations sur l'ensemble des formations, leurs taux d'employabilité ou encore les salaires prévisionnels. Demain, les OPCA, devenus opérateurs de compétences, verront leurs missions recentrées vers le conseil et l'accompagnement des entreprises dans l'élaboration de leurs plans de formation.

Plus justes, car le grand plan d'investissement dans les compétences, d'un montant de 15 milliards d'euros sur le quinquennat, permettra de mieux former et d'accompagner 2 millions de personnes peu qualifiées, les chômeurs de longue durée et les jeunes, afin d'apporter une réponse concrète au chômage de cette population dont le taux atteint 18 % dans notre pays. Lors de l'examen du projet de loi en commission des affaires sociales, nous avons également défendu une société plus inclusive afin que les travailleurs en situation de handicap bénéficient d'un compte personnel de formation majoré.

Plus efficaces et plus transparentes, car les usagers seront également mieux accompagnés avec la création d'une agence nationale, France compétences, pour réguler la qualité des formations et leurs coûts. La labellisation des organismes de formation doit se structurer, car elle est hétérogène et nécessite un véritable pilotage.

L'orientation fait également partie des priorités de la majorité. Désormais, les actifs pourront solliciter le conseil en évolution professionnelle de leur région gratuitement afin de pouvoir mieux répondre à leurs attentes.

L'urgence est également de revaloriser l'apprentissage : 400 000 apprentis en France, c'est trop peu ! Pourtant, 70 % des apprentis trouvent un emploi à l'issue de leur formation. C'est la raison pour laquelle, à travers vingt mesures concrètes, nous avons décidé de protéger les jeunes apprentis en rendant leur statut plus attractif, et de libérer l'énergie des entreprises en levant les freins qui les empêchaient de s'engager davantage dans l'apprentissage. Des ouvertures de nouveaux CFA et de nouvelles sections vont être rendues possibles par un changement du mode de financement de l'apprentissage : le coût contrat, grâce auquel le financement de la formation en CFA d'un jeune ayant trouvé une entreprise sera automatiquement validé. Tout l'argent de l'apprentissage doit être entièrement consacré à l'apprentissage !

L'Europe est également au coeur de notre projet de société. Demain, 15 000 apprentis par an pourront bénéficier du programme Erasmus pour effectuer plusieurs mois de formation dans un autre pays européen. Notre objectif est de changer l'image de l'apprentissage et de le transformer en profondeur, de changer d'échelle et d'en faire une véritable voie d'excellence, reconnue enfin par tous. À la sagesse de Nelson Mandela évoquée précédemment, j'ajouterai que la compétence est également l'une des armes les plus puissantes pour lutter contre le chômage conjoncturel et structurel qui touche notre pays.

Je conclurai en soulignant que la transformation économique soutenue par notre majorité s'incarne pleinement dans ce projet de loi ! L'émancipation des femmes et des hommes à travers l'acquisition et la montée en compétences permettra à chacune et à chacun d'avoir réellement la liberté de choisir son avenir professionnel !

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