Intervention de Michèle de Vaucouleurs

Séance en hémicycle du lundi 11 juin 2018 à 21h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle de Vaucouleurs :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel est un texte majeur, qui s'inscrit dans la perspective de fonder une société de compétences visant à permettre l'émancipation de toutes et de tous par le travail.

Le titre du projet de loi que nous examinons à partir d'aujourd'hui a plusieurs significations.

Pour avoir la liberté de choisir son avenir professionnel, il faut d'abord avoir les moyens de faire un choix éclairé sur son orientation, mais aussi le droit de se tromper et de changer de voie. Il faut aussi avoir la possibilité de s'adapter à un monde changeant et la chance d'apprendre et de réapprendre tout au long de sa vie.

La liberté de choisir, c'est aussi, quel que soit son sexe, son niveau d'études, son état de santé, pouvoir s'épanouir dans son travail et évoluer sans que des bâtons ne nous soient mis dans les roues.

Notre groupe MODEM et apparentés salue le travail important réalisé par l'ensemble des personnes qui ont contribué à la rédaction de ce texte.

Le Gouvernement, tout d'abord, a déployé une large concertation avec les acteurs de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Les rapporteurs, de leur côté, ont organisé de très nombreuses auditions. Quant aux députés, ils ont su, par leurs démarches en groupe ou personnelles, s'emparer de ce texte et en relever les forces et les faiblesses.

Prenant acte des défaillances de l'organisation actuelle, tant sur le plan de la gouvernance que de l'efficience dans l'utilisation des fonds collectés, il nous est proposé, à travers le titre I, de refonder profondément l'organisation qui préside à l'apprentissage et à la formation professionnelle.

Pour l'une et l'autre de ces réformes essentielles, le nouveau cadre législatif proposé vise à développer l'offre de formation et à faciliter son accès au plus grand nombre.

Concernant l'apprentissage, l'une des clés pour accroître le nombre d'apprentis engagés dans cette filière d'excellence est l'amélioration de l'information et de l'orientation des jeunes. Le projet de loi renforce les prérogatives des régions dans ce domaine. Nous souhaitons que cette évolution des responsabilités se traduise par un renforcement de la place des régions dans la gouvernance de l'ONISEP – Office national d'information sur les enseignements et les professions.

La lourdeur administrative de la création des formations et les modalités de financement de l'apprentissage représentent, eux aussi, des freins au développement de l'apprentissage. En libérant les possibilités d'ouverture en réponse aux besoins effectifs du marché et en adoptant le principe du financement au contrat, le nombre de places disponibles devrait s'accroître considérablement. Toutefois, la fixation du coût contrat par les branches n'est pas sans interroger, dans la mesure où le coût serait uniforme sur l'ensemble du territoire et où la question du coût des formations transversales ne semble pas parfaitement cadrée. De même, des inquiétudes s'expriment concernant le reste à charge pour les petites entreprises. Aussi, nous présenterons des amendements dans l'objectif d'apporter des réponses à ces problématiques.

Si les régions se voient dessaisies de leurs prérogatives d'ouverture des formations, elles gardent la main sur les investissements et les péréquations internes à chaque région qui s'inscrivent dans leurs missions d'aménagement du territoire. Si le travail en commission a permis de sécuriser l'enveloppe qui leur sera dévolue au titre de l'investissement, nous souhaitons vivement qu'une disposition similaire puisse être adoptée en séance afin de leur permettre de soutenir les formations qu'elles jugent indispensables, même si elles n'entrent pas dans un équilibre strictement économique. Des critères précis d'attribution des fonds doivent être définis, ce qui n'est pour l'instant pas le cas, afin que les régions puissent avoir de la visibilité et agir en conséquence dans leurs orientations en matière d'apprentissage.

Nous souhaitons également aborder, au cours de la discussion, des questions qui ont été peu examinées en commission, comme la suppression du critère d'âge dans le calcul de la rémunération des apprentis ou l'âge limite d'accès à l'apprentissage. Nous saluons l'extension de l'apprentissage jusqu'à vingt-neuf ans. En ce sens, les apprentis les plus âgés ne doivent pas se voir pénalisés par une rémunération basée sur leur âge et qui favoriserait les plus jeunes.

Concernant la formation professionnelle, là encore, les évolutions législatives proposées visent à libérer l'offre de formation et à en faire un droit effectif pour tous.

Le fait de donner la main aux actifs pour la mobilisation de leur compte personnel de formation et de rendre plus lisible la capacité ouverte de droit à la formation par un compte en euros est une disposition centrale. Le groupe MODEM et apparentés souhaiterait que cette indépendance, qui est pour l'instant favorisée, soit encouragée par une incitation fiscale pour les actifs qui investissent dans leur formation.

Le succès du CPF sera également conditionné au fait que chacun soit informé de ses droits et devienne véritablement acteur de son parcours de formation, notamment les demandeurs d'emploi.

Nous espérons par ailleurs que les accords collectifs qui présideront au dialogue sur l'évolution professionnelle seront riches et équitables, au bénéfice de la montée en compétences des entreprises et des individus, notamment à travers les dispositions qui favoriseront les logiques de co-construction.

Dans ce même esprit, et pour répondre le plus efficacement possible à l'objectif de faire de l'accès à la formation le levier principal de l'évolution professionnelle, nous proposerons de renforcer la place des accords collectifs dans la définition des dispositions relatives aux mesures d'accompagnement de l'évolution professionnelle et de modifier le périmètre des sanctions pour inciter les entreprises à favoriser prioritairement l'accès à la formation.

Cette souplesse ne devrait cependant pas se faire au détriment des salariés, et il nous semble nécessaire que des limites encadrent les possibilités de dérogation.

France Compétences sera un établissement public doté de missions claires, et dont la gouvernance se veut resserrée au service de l'efficacité. Nous souscrivons à cet objectif, mais nous nous interrogeons, en particulier, sur la volonté d'écarter les élus de cette gouvernance.

La formation professionnelle des salariés de l'insertion par l'activité économique est également un sujet qui mérite de trouver sa place dans ce projet de loi. Notre groupe propose ainsi de favoriser les périodes de formation au sein des parcours, ce qui répond aux objectifs de la réforme.

Pour ce qui est, enfin, des deux voies de formation que nous examinons aujourd'hui, l'apprentissage et la formation professionnelle, nous ne pouvons que nous réjouir de la simplification de la collecte. Nous nous félicitons qu'un amendement de la rapporteure, adopté en commission, ait permis de résoudre des effets mal anticipés dans la première rédaction de l'impact des cotisations prévues sur certaines catégories d'employeurs jusque-là exonérés, même si des situations particulières, comme celle des artisans du BTP, méritent notre attention.

Concernant le titre II de ce projet de loi, le groupe MODEM soutient la vision universaliste du texte, qui a pour objectif d'offrir une couverture à un plus grand nombre de personnes et de favoriser une meilleure mobilité professionnelle. Cette perspective s'inscrit dans la droite ligne des annonces formulées par le Président de la République lors de sa campagne ainsi que des travaux entrepris l'été dernier. Il s'agit, en l'espèce, d'apporter la touche sociale à ce volet de réformes.

Notre groupe se satisfait donc de l'élargissement de l'ouverture des droits à l'assurance chômage aux salariés démissionnaires et aux indépendants.

Pour les premiers, il s'agit effectivement de gager leur éligibilité à ce revenu de remplacement sur des critères concrets permettant d'envisager la construction d'un réel projet professionnel.

Pour les seconds, il apparaît logique de leur garantir un « filet de sécurité » étant donné les mutations et les risques auxquels ils peuvent être confrontés.

Qui plus est, la refonte du mode de financement de l'assurance chômage prévue dans le texte nous apparaît comme une avancée positive. En effet, le fait d'utiliser une ressource fiscale, la CSG, permettra de dynamiser la politique d'assurance chômage en fonction des besoins.

Cette contribution d'origine fiscale octroie donc un rôle accru à l'État dans la gouvernance de l'assurance chômage. À ce titre, son rôle sera important dans l'établissement d'un document de cadrage sur la trajectoire financière des accords d'assurance chômage. Néanmoins, il faudra garantir aux organisations représentatives d'employeurs et de salariés le droit de se réunir. Notre groupe proposera une disposition en ce sens.

La modulation des contributions patronales en fonction du taux de fin de contrat dans les entreprises, communément appelé le bonus-malus, est également une avancée importante, qui devrait permettre de lutter contre la multiplication des embauches précaires à travers des contrats courts. C'est un bon signal envoyé aux employeurs pour qu'ils privilégient le travail durable.

Notre groupe souhaite toutefois appeler l'attention du Gouvernement sur la situation particulière des associations intermédiaires, dont l'efficacité en termes d'insertion repose en partie sur la possibilité de recourir à des CDD d'usage. Nous souhaitons que le Gouvernement examine les incidences de ces nouvelles dispositions, afin de les adapter si elles devaient compromettre la pérennité de ces associations d'insertion par l'activité économique.

Saluons, par ailleurs, la volonté du Gouvernement de transférer à Pôle emploi le pouvoir de sanction jusqu'ici octroyé aux préfets. La Cour des comptes a recommandé cette évolution à plusieurs reprises.

S'agissant de la révision des sanctions et du contrôle des demandeurs d'emploi, les pistes évoquées par le Gouvernement vont dans le bon sens.

En effet, les sanctions prévues actuellement ne sont pas équilibrées et ont réellement besoin d'être actualisées afin que les peines soient proportionnées aux manquements des demandeurs d'emploi.

Le MODEM restera vigilant à l'équilibre de l'échelle de sanctions qui sera prochainement mise en place par décret en Conseil d'État.

Enfin, la fin de l'automaticité de l'évolution de l'offre raisonnable d'emploi est un vrai progrès. En effet, les critères législatifs mécaniques actuellement en vigueur ne permettent pas de prendre en compte les situations individuelles.

Or, qui est le plus à même de comprendre les besoins, ambitions et contraintes du demandeur d'emploi, si ce n'est son conseiller réfèrent avec lequel il échange ?

Globalement, le titre II répond aux évolutions attendues par nos concitoyens pour l'assurance chômage. Il s'agira cependant de rester vigilant et adroit dans la mise en oeuvre de ces dispositions, qui nécessiteront beaucoup d'adaptabilité de la part des acteurs concernés.

Je ne reviendrai que rapidement sur le titre III et les avancées qu'il propose dans les domaines de l'égalité entre les hommes et les femmes, du handicap ou du harcèlement et des violences sexistes, telles qu'elles ont pu être présentées par la rapporteure. Notre groupe souhaite toutefois insister sur les dispositions législatives qui permettront d'inscrire dans le texte les conditions de l'égalité réelle, qui ne sauraient être conditionnées à des moyens.

Nous souhaiterions également que toutes les mesures visant à prévenir les violences ou les discriminations sexistes soient étendues au harcèlement moral, tant il est vrai que les frontières entre harcèlement moral et harcèlement sexiste sont parfois indistinctes, et que le harcèlement moral est pour ceux qui le subissent une souffrance de chaque instant.

Pour conclure, notre groupe MODEM et apparentés est convaincu que ce projet de loi constituera une avancée majeure dans les domaines de l'accès à la formation et de la mobilité professionnelle. Chacun sur nos bancs aura à coeur la réussite de ce projet. Espérons que les amendements présentés pourront être débattus sereinement et qu'ils pourront être adoptés en grand nombre dès lors qu'ils viendraient corriger des difficultés ou des manques, ou qu'ils contribueraient à fédérer l'ensemble des acteurs autour des enjeux de cette réforme.

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