Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du lundi 11 juin 2018 à 21h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

En revanche, l'effet d'aubaine pour les CFA privés du supérieur sera considérable. En Nouvelle-Aquitaine, 95 des 116 CFA sont menacés, soit 448 formations sur 1 798.

Nous ne saurions non plus acquiescer au pari insensé que vous faites en confiant aux branches professionnelles la responsabilité de l'apprentissage. Plutôt que de confier la régulation du système aux branches, dont la plupart n'ont aucune consistance, ni juridique, ni matérielle, il aurait été plus pertinent de s'appuyer sur les régions, en veillant, le cas échéant, à ce qu'elles mobilisent effectivement les moyens que l'État leur attribue pour développer l'apprentissage.

Votre réforme de l'apprentissage, madame la ministre, est un pari dangereux pour l'apprentissage comme pour les jeunes. Nous prenons date, mais nous craignons aussi que vos choix ne déstabilisent le système et que vous alliez au-devant de grandes désillusions.

S'agissant de la formation professionnelle, je dois vous dire également notre incompréhension et notre inquiétude. Vous avez pris la décision de monétiser et de désintermédier le CPF, faisant de la formation un bien de consommation comme un autre et conduisant à une réduction sensible des droits des personnes. En pratique, cela risque de ne profiter qu'aux cadres, qui sont déjà ceux qui profitent le plus de la formation.

Soyons précis. Avec un taux de conversion annoncé de 14 euros de l'heure, alors que le coût moyen d'une formation est aujourd'hui de 37,80 euros, un salarié bénéficiera demain de treize heures de formation annuelle contre vingt-quatre actuellement. C'est un recul grave qui pénalisera d'abord ceux dont la formation nécessite des plateaux techniques lourds, mais aussi, plus largement, l'ensemble des salariés. Par exemple, un bilan de compétences, qui se finance aujourd'hui en un an à raison de vingt-quatre heures, ne pourra être financé demain qu'en trois ou quatre ans à raison de 1 500 à 2 000 euros. Même les montants renforcés pour les personnes ne disposant pas d'un diplôme de niveau V sont en diminution par rapport aux droits actuels. Aujourd'hui, le CPF renforcé correspond à 2,6 fois le régime général ; demain, ce ne sera plus que 1,6 fois le régime général.

Les droits sont donc réduits, madame la ministre, et le message du Gouvernement est clair : la liberté de choisir son avenir professionnel, c'est aussi la liberté de financer sa formation. Le titulaire du CPF est désormais le premier des financeurs à abonder son compte en cas de reste à charge. Des droits réels, proclamez-vous ? Certes, dès lors que l'on pourra se les payer !

Cette monétisation n'entraîne pas seulement une diminution des droits effectifs : elle marque aussi l'entrée de la formation professionnelle dans la catégorie des biens de grande consommation, sans aucune garantie de qualité digne de ce nom. Bref, c'est la promesse d'une belle gabegie de fonds publics !

Que dire de l'incompréhensible suppression du congé individuel de formation – CIF – , ce magnifique outil de gestion des transitions professionnelles pour 90 000 salariés par an, auquel vous préférez le CPF de transition, pour lequel le niveau de rémunération durant la formation n'est même pas garanti par la loi ? Le nouveau dispositif est moins bien financé : alors que 800 millions d'euros étaient consacrés au CIF, seuls 400 millions d'euros – soit deux fois moins – seront alloués au CPF de transition.

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