Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du lundi 11 juin 2018 à 21h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

Cela n'a pas été votre choix, et nous le regrettons.

La philosophie qui sous-tend votre réforme de l'assurance chômage est celle d'un basculement. Nous passons progressivement d'un paritarisme de gestion à une gestion étatique de l'assurance chômage : en 2019, le cumul de la suppression des cotisations salariales et de l'exonération d'une partie des contributions patronales sur les bas salaires va ainsi conduire l'État à prendre en charge plus de 40 % des recettes de l'assurance chômage.

Face à ce changement, notre position est nuancée. Nous soutenons les mesures qui favorisent une baisse du coût du travail, tant nous sommes convaincus que le meilleur filet de sécurité pour les individus reste la facilité et la capacité à trouver rapidement un emploi. Il est donc fondamental d'encourager nos entreprises à embaucher, en assouplissant et en desserrant les normes qui pèsent sur leur politique d'embauche. Cependant, nous voulons marquer notre attachement à une démocratie sociale forte : les corps intermédiaires que sont les partenaires sociaux constituent l'un des leviers de transformation de notre pays. La reprise en main de l'assurance chômage, avec l'introduction d'un cadrage par l'État, qui fixera désormais une trajectoire financière et un délai pour aboutir à un accord entre partenaires sociaux, ne doit pas conduire à un affaiblissement de leur rôle.

Nous sommes par ailleurs plus réservés sur l'une des mesures phares du projet de loi, qui était une promesse de campagne du candidat Macron, l'ouverture du régime d'assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants. Nous comprenons la nécessité de sécuriser davantage les parcours et les nouvelles relations de travail suscitées par l'essor des plateformes. L'aspiration à davantage de libertés dans le cadre professionnel correspond d'autre part à une aspiration des nouvelles générations. Le projet de loi prévoit plusieurs garde-fous pour éviter que le coût de l'indemnisation des salariés démissionnaires ne soit pas trop élevé pour les comptes de l'assurance chômage – l'étude d'impact l'estime entre 230 et 345 millions d'euros. Peut-on pour autant garantir que ces garde-fous suffiront à éviter les effets d'aubaine ?

Concernant l'extension de l'assurance chômage aux travailleurs indépendants, le Conseil d'État s'est montré critique sur la philosophie de votre réforme et pointe le risque d'inégalité de traitement, l'allocation nouvelle que vous créez n'étant la contrepartie d'aucune cotisation sociale. Il n'est d'ailleurs pas certain que cette mesure soit une demande des travailleurs indépendants eux-mêmes. Par ailleurs, nous sommes réservés quant au coût de ces mesures pour l'assurance chômage, alors que la dette de l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce – UNEDIC – dépasse désormais 32 milliards d'euros, pour un déficit d'environ 3 milliards d'euros par an.

Concernant les contrats courts, nous nous félicitons de l'adoption par la commission des affaires sociales d'un amendement visant à permettre l'embauche d'un CDD à temps complet pour pallier l'absence simultanée de deux salariés à mi-temps. Nous défendrons un amendement afin de garantir la possibilité de conclure un contrat en CDD pour remplacer plusieurs salariés absents successivement. Cela permettra de diminuer le nombre des contrats courts, qui sont très coûteux pour l'assurance chômage, tout en sécurisant à la fois les employeurs et les salariés.

Nous saluons, enfin, les nouvelles mesures visant à accroître l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Je pense notamment à la personnalisation des critères des offres raisonnables d'emploi, qui sont désormais définis avec l'intéressé au cas par cas, et non plus de manière standardisée. Cela permettra une meilleure prise en compte de la diversité des parcours et des contraintes personnelles de chacun. De même, l'expérimentation d'un journal de bord à tenir mensuellement par les demandeurs d'emploi va dans le sens de cet accompagnement personnalisé, même si ce n'est qu'à l'usage que nous pourrons juger de son applicabilité, particulièrement pour les publics les plus éloignés de l'emploi.

Enfin, nous sommes favorables à la révision de l'échelle des sanctions. Nous saluons notamment l'abaissement à quinze jours de la durée de radiation en cas d'absence du demandeur d'emploi à un rendez-vous avec son conseiller Pôle emploi, en contrepartie d'un durcissement des sanctions en cas de refus d'une offre raisonnable d'emploi. Cette inversion des sanctions est logique : il était disproportionné de se voir sanctionner de deux mois de radiation pour avoir raté un simple rendez-vous avec son conseiller. Il faudra cependant veiller à ce que ce durcissement des sanctions soit bien associé à un accompagnement accru, pour une meilleure orientation des demandeurs.

Si nous saluons donc les avancées proposées, nous abordons néanmoins l'examen de ce projet de loi avec la volonté d'agir, d'enrichir et de préciser certaines dispositions. Nous y reviendrons plus longuement au cours de la discussion des articles.

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