Intervention de Olivier Boutinaud

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 13h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Olivier Boutinaud, directeur de la prévention du groupe Adecco :

Concernant la question des CHSCT et de leurs compétences, la limite de l'exercice pour le CHSCT d'une entreprise de travail temporaire réside dans le fait que, si cette instance est maîtresse chez elle, elle ne l'est absolument pas chez l'utilisateur. Procéder comme il se doit à des enquêtes, puisque cela fait partie des prérogatives d'un CHSCT, n'est pas possible, sauf à y être expressément invité par la direction de l'entreprise utilisatrice. Dans ce cas, le CHSCT se retourne donc le plus souvent vers les procédures que nous avons mises en place au sein de l'enseigne. En tant que préventeurs, nous avons en effet notamment pour mission d'analyser les conditions des accidents du travail. Nous rapportons à nos CHSCT le compte rendu de nos investigations de terrain et les mesures de prévention associées. Nous sommes donc confrontés dans ce domaine à une limite à la fois juridique et technique. Quelques lignes ont bougé ces dernières années ; pour autant les limites restent prégnantes.

Les pressions sur le déclaratif sont courantes. Je constate chaque semaine des pressions pour nous pousser à ne pas déclarer des accidents du travail. La posture à la fois la plus simple et, peut-être, la plus difficile à tenir est, de mon point de vue, de rester inflexible. Nous sommes dans un cadre réglementaire qui responsabilise fortement l'employeur en termes de déclaration. Au cas particulier, l'entreprise utilisatrice n'est pas responsable pénalement en cas d'absence de déclaration relativement à un salarié intérimaire. Il faut déclarer ; nous déclarons. Ceci ne signifie pas pour autant que le salarié n'est pas susceptible de subir des pressions – y compris dans son relationnel avec son agence – qui le poussent à ne pas informer son agence d'incidents jugés sans gravité. De tels cas de figure existent, que nous découvrons parfois beaucoup plus tard. C'est aussi la conséquence pratique d'un certain nombre de politiques et d'orientations en matière d'incitation à la sécurité.

À titre personnel, j'ai toujours estimé lamentable d'être incité d'un point de vue financier sur les résultats en matière de sécurité. Je me souviens du cas d'une entreprise de logistique située dans le bassin parisien, qui avait donné lieu à trois jours de discussion pour savoir s'il convenait ou non de déclarer et qui avait mobilisé sur le sujet un directeur d'agence, un préventeur et le directeur prévention d'Adecco. Or j'ai autre chose à faire que de savoir si je dois déclarer ou pas, et ce d'autant plus que la question de fond était liée au fait que la déclaration de l'accident allait conduire à la perte des 75 euros de prime sécurité. Doit-on inciter ainsi à la sécurité ? Ceci peut comporter des aspects positifs, par exemple lorsqu'un personnel d'encadrement a une partie de sa rémunération variable assise sur ses résultats. Je pense toutefois qu'il serait pertinent de prendre en considération les moyens plutôt que les résultats. La question devrait être de savoir si la personne a mis en oeuvre tous les dispositifs associés à la politique de prévention de l'enseigne et ne pas se baser sur des résultats hypothétiques en termes de fréquence ou de gravité d'accidents, ce qui peut conduire à des dérives et aux écarts observés.

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