Intervention de Mounia El Yamani

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 15h15
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Mounia El Yamani :

Je souhaiterais, pour prolonger la réflexion sur les risques émergents, évoquer un risque qui n'est pas encore pris en compte, même si la société en a conscience : il s'agit des perturbateurs endocriniens. Les travailleurs représentent assurément la population la plus exposée. Certes, la population générale est très exposée en nombre ; mais la population subissant l'exposition la plus importante en intensité, quelle que soit la nuisance, est celle des travailleurs, qui sont soumis à ces expositions de nombreuses heures chaque jour et pour lesquels les valeurs limites sont sans commune mesure – parfois dix, voire cent fois supérieures – avec celles fixées pour la population générale.

Pour ce qui est des données d'exposition et de la traçabilité, nous avons mis en place à Santé publique France des systèmes structurants pour relier des pathologies et des expositions. En effet, en santé au travail, il n'est envisageable de relier une pathologie au travail que si l'on peut tracer l'exposition professionnelle. Sans la traçabilité de l'exposition, il n'est pas possible d'effectuer de lien, dans la mesure où les pathologies sont trop « communes » pour être attribuées spécifiquement au travail. Le mésothéliome fait figure d'exception, puisqu'il est directement lié à l'exposition à l'amiante. Inversement, un cancer de la vessie ou de poumon peut être dû à d'autres facteurs que professionnels. Les systèmes structurants que nous avons élaborés, aussi qualifiés de « matrices emploi-exposition », essaient de regarder et de quantifier l'exposition de l'ensemble des travailleurs en France. Pour chaque secteur d'activité, pour chaque emploi, on peut indiquer si les personnes concernées sont exposées ou non, à quelle intensité et à quelle fréquence. En croisant ces informations avec des données populationnelles, nous obtenons des prévalences d'exposition par secteur d'activité, ce qui permet de hiérarchiser le danger et d'agir ensuite au niveau des secteurs les plus préoccupants.

Nous procédons de la même manière pour les pesticides, en observant quelles sont, pour les agriculteurs, les cultures utilisant le plus de pesticides et en définissant quels sont les pesticides les plus préoccupants.

Les pathologies concernées par ces expositions sont généralement des pathologies à latence : une exposition d'aujourd'hui ne produira ses effets délétères que dans trente ou quarante ans. C'est la raison pour laquelle les outils structurants que nous avons élaborés comportent la mise en place d'un historique professionnel, permettant de remonter quarante ans en arrière en matière d'exposition professionnelle. Nous sommes capables de calculer une prévalence « vie entière », sur la base de la reconstitution de l'intégralité d'un cursus professionnel. Le choix a été fait de travailler d'abord et avant tout sur l'exposition aux CMR. Grâce à cette évaluation d'une exposition « vie entière », nous sommes en mesure de déterminer, via un calcul d'épidémiologie assez classique, une fraction de risque attribuable, en d'autres termes la part attribuable au travail dans la survenue d'une pathologie. C'est, par exemple, la part de cancers du poumon attribuable à l'amiante ou la part de cancers autres attribuables à une exposition aux solvants. Pour les industries, qui constituent le coeur de votre réflexion, le poids du risque chimique est important.

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