Intervention de Dominique Lanoë

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 13h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Dominique Lanoë, directeur associé du cabinet Apex-Isast :

En tant qu'experts CHSCT, nous avons assez peu de prise sur la question. Nous sommes plutôt des utilisateurs. Ces tableaux associent, de manière générale, une exposition à une pathologie. Toutefois, ce dispositif fonctionne assez peu et un diagnostic des tableaux serait nécessaire. Le meilleur acteur pour les maladies professionnelles est le médecin du travail, avec lequel nous sommes en constante relation. Mais les médecins du travail ne sont pas non plus exempts de contradictions ; à cet égard, les grandes entreprises ne sont pas toujours les meilleures. Une entreprise de 3 000 salariés est confrontée à de l'amiante en place, 2 000 d'entre eux sont potentiellement exposés lors des travaux de maintenance. L'entreprise a fait des diagnostics satisfaisants et a mis en place des modes opératoires de protection. Cependant, ces modes opératoires ne sont pas très réalistes, à cause du peu de temps disponible. Une intervention peut durer quinze minutes, alors que se mettre en protection amiante prend trente minutes avant et après l'intervention. L'entreprise a mis en place tout le nécessaire. Cependant, pour des impératifs de rentabilité, qu'il y ait de l'amiante ou non, il faut examiner cinq appareils par jour, d'où des arrangements entre opérateurs et contremaîtres, qui sont plus ou moins conciliants.

Pour en revenir aux médecins du travail, ces 3 000 salariés sont couverts par 300 médecins du travail différents. Dès lors, aucun médecin n'a un regard un tant soit peu affûté sur l'amiante. Tel médecin suit cinq patients potentiellement exposés, tel autre dix patients, etc. Nous menons donc des enquêtes auprès de ces médecins. Ils nous disent que les deux tiers des salariés n'ont reçu strictement aucune information de l'entreprise et se débrouillent avec leurs collègues. Voilà la réalité : ils se débrouillent ! Les niveaux d'exposition, dans cette usine, ont diminué grâce aux heures consacrées à la formation et grâce au décret de 2012, qui a abaissé les taux des VLEP pour l'amiante, même si l'on est loin de la perfection. Cependant, au cours de ces cinq dernières années, aucun médecin n'a envoyé un de ses patients en suivi post-opérationnel à cause de l'amiante. Il est très difficile, pour les médecins du travail, de saisir certaines réalités, d'autant plus que, sur les 2 000 salariés potentiellement exposés à un risque, cinq sont exposés à un premier risque, 100 à un second, 50 à un troisième, etc. Mais aucun salarié n'a été envoyé en post-suivi à cause de l'amiante ! Pourtant, l'examen des courbes de départs montre qu'un grand nombre de salariés partis à la retraite au cours des cinq ou dix dernières années ont probablement été exposés. Les failles de la reconnaissance sont multiples. En l'occurrence, l'entreprise a fait beaucoup d'efforts et n'a pas fait preuve de mauvaise volonté. Lors de la visite médicale, l'employé ne souhaite que recevoir son aptitude ; aucune vision d'ensemble sur un risque particulier ou sur le suivi et la reconnaissance des risques ne peut émerger.

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