Intervention de Bernard Laponche

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 14h30
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Bernard Laponche, consultant, membre de l'association Global Chance :

La demande est faite par EDF ou par Areva ; l'IRSN tranche et, dans certains cas, refuse. L'exclusion de rupture a ceci d'intéressant pour l'exploitant qu'elle lui évite de montrer ce qui se passe si l'accident se produit – puisque l'accident ne peut pas se produire ! En contrepartie de l'accord donné, l'ASN soumet la fabrication de l'équipement à des règles plus strictes que la règle normale. Cela s'applique actuellement aux soudures du circuit secondaire de l'EPR ; si vous posez des questions à leur sujet, on vous répondra qu'elles sont en exclusion de rupture parce que leur défaillance ne se peut pas. Manque de chance : 150 soudures doivent être examinées, et l'IRSN, dans une déclaration récente, indique que d'autres doivent l'être en d'autres points du circuit.

On pourrait édicter une règle selon laquelle, si l'exclusion de rupture est accordée, ce qui est à l'avantage de l'exploitant – sinon il ne la demanderait pas –, l'exigence doit être totale, et que si elle n'est pas respectée, la mise en service est refusée sans discussion.

L'ennui, c'est que, pour l'EPR en particulier, la pression économique et industrielle est telle qu'on accepte d'entrer dans une sorte de négociation. C'est ce qui s'est produit pour le couvercle de l'EPR : alors que l'équipement ne respecte ni l'exigence normale ni l'exigence supérieure liée à l'exclusion de rupture, finalement, ça passe. On entre donc dans un domaine gris de la réglementation, où l'on essayera de démontrer que cela passe néanmoins ; c'est ce qui a été accepté aussi pour les générateurs de vapeur. La preuve que cela pose problème est que l'ASN a demandé, pour les générateurs de vapeur existants dont elle autorise le fonctionnement, des mesures compensatoires destinées en particulier à éviter des chocs thermiques : la baisse de température doit être plus lente que prévu normalement lorsqu'un réacteur s'arrête, et remonter plus doucement lorsqu'on relance la réaction en chaîne. C'est la preuve qu'il y a un problème – alors que ces équipements sont en exclusion de rupture !

Fondamentalement, je ne comprends pas pourquoi cette notion a été acceptée. Considérer que la probabilité de rupture de la cuve est très faible, c'est une chose ; c'en est une autre d'étendre l'exclusion de rupture au générateur de vapeur, au circuit primaire, au circuit secondaire… Je crois que le pont du réacteur n° 2 de la centrale de Palluel était en exclusion de rupture, et il a rompu ; un « accident impossible » s'est donc produit… Il y a là une faiblesse dans la sûreté, une zone floue qui ne devrait pas exister. Si on accepte le principe de l'exclusion de rupture, il faut que, si la règle n'est pas respectée, l'exploitation soit automatiquement arrêtée. D'autre part, il n'est pas normal que si, comme je l'ai fait, un citoyen ou votre commission d'enquête demandant ce qui se passe si le fond du générateur de vapeur se brise, s'entende dire que l'on ne peut pas répondre parce que l'équipement est en exclusion de rupture.

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