Intervention de Bernard Laponche

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 14h30
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Bernard Laponche, consultant, membre de l'association Global Chance :

Des combustibles sont expédiés à La Hague où ils sont retraités et où on fait du plutonium ; on ne va pas ajouter à ce processus une étape d'entreposage à sec ! Il faut choisir, et tant la grande piscine que le retraitement imposent de s'interroger sur la sécurité. Tous ces transports de plutonium d'un peu partout vers les piscines de La Hague sont hallucinants ; on sait très bien que c'est un danger majeur mais on ne peut pas faire grand-chose. Il faut arrêter les frais.

L'expertise indépendante suppose une volonté politique, c'est-à-dire que l'on y consacre des fonds. Á chaque fois que l'on m'a proposé de faire partie d'un conseil quelconque, j'ai posé la question de la rémunération, car j'étais indépendant, j'avais un bureau d'études avec lequel je gagnais ma vie, je n'étais ni fonctionnaire, ni salarié d'EDF ou du CEA. J'ai même été nommé à un Conseil supérieur par le Président de la République ; j'en étais le seul membre, sur cinquante, venu du secteur privé indépendant. J'ai posé la question de ma rémunération lors de la première séance au président, qui m'a répondu que j'avais tout à fait raison mais que ce n'était pas possible. Et je suis parti.

Cela ne vaut pas que pour le nucléaire : si l'on invite quelqu'un à participer aux travaux d'une instance, il faut le rémunérer. Quand on proposera à des gens d'entrer dans un comité d'experts, la fonction étant rémunérée, alors, peut-être, des professeurs d'université se diront qu'ils sont de bons métallurgistes ou de bons physiciens des particules, que cela les intéresse d'étudier la sûreté nucléaire et ils postuleront lors de l'appel à candidatures lancé par l'ASN. Aussi longtemps que ce travail ne sera pas payé, les seules réponses viendront de quelques militants qui ont un peu de temps, mais ils sont peu nombreux, ou de quelques retraités. La volonté politique de renforcer l'expertise indépendante se traduit ainsi pour commencer. D'autre part, les appels d'offres devront porter sur des questions que l'on ne pose pour le moment qu'à l'IRSN et auxquelles d'autres organismes pourraient répondre – le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), par exemple ; si c'est payé, je pense qu'il y aura des manifestations d'intérêt. L'expertise indépendante est donc pour beaucoup une histoire de gros sous.

Apparemment, l'autorité de sûreté japonaise était nulle, et directement sous la férule des compagnies d'électricité, dont Tepco. Mais la théorie selon laquelle un accident ne se produirait pas a été la doctrine en France pendant quarante ans ; très récemment seulement, André-Claude Lacoste puis Pierre-Franck Chevet ont dit qu'un accident du type de celui de Fukushima est possible en France. C'était une révolution, mais cela n'a ému personne, si bien que, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, dans l'esprit dominant et en particulier dans les discussions relatives à la PPE, on continue de considérer que cela n'arrivera pas : la sûreté n'est jamais évoquée, seules sont discutées des questions économiques. On peut, à juste titre, se moquer de l'autorité de sûreté japonaise, mais la mentalité des dirigeants français n'est pas très éloignée de celle qui prévalait au Japon : cela n'arrivera pas, quoi que dise le président de l'ASN. Or, étant donné l'accumulation des anomalies génériques, des autres incidents – il n'y a pas une semaine sans qu'aient lieu trois ou quatre arrêts de centrales en raison d'incidents divers – et des difficultés financières d'EDF et d'Orano, je considère que nous sommes dans une zone de risque majeur.

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