Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 15h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement :

Je voudrais d'abord souligner que le fait même que la loi de règlement puisse être examinée quelques mois seulement après la fin de l'exercice budgétaire est l'une des évolutions importantes introduites par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), et participe à ce chaînage vertueux que l'initiative du « Printemps de l'évaluation », prise par votre Assemblée, contribue à renforcer. Permettez-moi de vous dire que dans le cadre du travail parlementaire, j'ai évoqué ce « Printemps de l'évaluation » auprès de mes collègues ministres, pour en dire toute l'importance ainsi que celle de leur mobilisation. Cette démarche s'accompagne de la production de rapports annuels de performances (RAP) pour chaque mission, qui rendent compte de façon détaillée de l'utilisation des crédits mis à disposition des différents ministères et de leurs opérateurs. Je crois que chacun sait qu'il s'agit d'une source précieuse d'information. Mais chacun sait aussi, et je tiens à le souligner, que cela représente un très gros volume de travail de la part des services. Je voulais les en remercier.

Je commencerai par répondre à la première question de Mme Dalloz, sur les investissements d'avenir, pour préciser qu'ils sont pilotés par le ministère de l'économie. Il nous semblait donc plus utile que les députés aient en face d'eux celui qui pilote, plutôt que celui qui pourrait être amené à lire une note rédigée par le pilote. C'est dans le souci d'aller plus en profondeur dans les échanges que nous avons fait ce choix. Je rappelle d'ailleurs que, les investissements d'avenir sont depuis toujours pilotés ainsi, même s'ils relèvent du Premier ministre. Je voudrais vous préciser, Mme Dalloz, que le Premier ministre assume de toute façon leur portage, comme d'ailleurs celui de l'ensemble des engagements publics pris dans le cadre de la loi de finances. C'est sa responsabilité de Premier ministre. Je voudrais aussi préciser que le Sénat n'a pas rattaché à la même discussion les investissements d'avenir.

J'en viens à la mission Direction de l'action du Gouvernement. Le montant total des crédits consommés s'élève à 1,365 milliard d'euros. Il est en progression de 110 millions d'euros par rapport à l'exécution budgétaire 2016, conformément aux orientations fixées au moment du vote du budget 2017. Je souhaite également souligner que la mission a contribué de façon significative à l'effort de maîtrise des dépenses et des déficits publics, avec 46 millions d'euros d'annulations de crédits. L'exécution des emplois sur le périmètre de la mission s'élève à 7 215 équivalents temps plein (ETP). C'est une progression d'une cinquantaine de postes par rapport à l'exécution 2016, conformément, là encore, aux mesures prévues dans le cadre du budget.

Vous m'avez questionné, Madame la rapporteure spéciale et Monsieur le rapporteur général, sur les indicateurs de performance. Je pense qu'il est effectivement nécessaire de les tenir d'actualité et, surtout, de les suivre et de veiller à ce qu'ils soient bien renseignés. Les budgets du Premier ministre recouvrent une grande variété d'entités, et tous ne peuvent pas faire l'objet du même suivi et des mêmes indicateurs. Le choix a été fait de retenir les indicateurs plus significatifs du point de vue du citoyen, notamment le taux d'application des lois – j'y reviendrai tout à l'heure. Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour admet la légitimité et le sens de cette décision. Il n'empêche que si, dans le cadre des propositions que vous seriez amenés à faire, des indicateurs vous apparaissaient plus pertinents, nous pourrions parfaitement l'entendre et je pourrais le relayer auprès de l'administration pour qu'ils puissent être renseignés à l'occasion d'un prochain « Printemps de l'évaluation ». Si, d'ici là, vous jugez utile d'avoir des renseignements supplémentaires, nous ferions évidemment en sorte de vous les fournir.

L'année 2017 a d'abord été marquée, bien sûr, par l'installation du nouveau gouvernement. Cela peut avoir quelques conséquences sur l'organisation de nos services ainsi que des conséquences financières. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer, lors du vote du budget 2018, la question de la réduction du nombre de ministres et du format des cabinets ministériels, qui est retracée dans le jaune budgétaire « Personnels affectés dans les cabinets ministériels ». Un autre événement marquant de l'exercice – abordé par Mme Dalloz – aura été l'installation réussie des services du Premier ministre et des AAI du programme 308 sur le site Ségur-Fontenoy et dans d'autres immeubles situés dans le périmètre direct de Matignon, à la suite de la livraison du bâtiment Ségur, fin juin 2017, avec deux mois d'avance sur le calendrier. Les déménagements sont intervenus dans le calendrier initialement arrêté, conjointement entre la direction des services administratifs et financiers (DSAF) et les organismes. L'ensemble des sites libérés qui étaient en location ont pu être restitués aux différents propriétaires, dans de bonnes conditions et dans le calendrier prévu. Il en est de même pour les opérations de cession des biens libérés. Elles ont été engagées, et des visites sont en cours s'agissant de l'Hôtel de Vogüé et de l'immeuble historique du Commissariat général du plan. Quant à l'Hôtel de Broglie, il a été transféré à l'Assemblée nationale il y a quelques semaines. Sur le plan financier, l'opération Ségur a été réalisée conformément aux prévisions, avec des modifications liées notamment à la densification du site et au renforcement de la sécurité à la suite des attentats de 2015. L'enveloppe n'a pas excédé 5 % d'augmentation, et ces modifications ont pu être intégralement financées en gestion 2017.

La grande priorité du programme 129 est liée aux questions de sécurité – vous les avez abordées, Mme Dalloz. Elle se traduit par les moyens mis à disposition du SGDSN, de l'Agence nationale de la sécurité et des systèmes d'information (ANSSI), du Groupement interministériel de contrôle (GIC) et des services de renseignement, au moyen des fonds spéciaux, avec 245,5 millions d'euros exécutés en 2017, auxquels il faut ajouter 86,5 millions d'euros de crédits transférés au profit des ministères de l'intérieur, de la défense et de la santé, et près de 1 127 ETP prévus en loi de finances initiale (LFI). Les crédits correspondant représentent 47 % des crédits du programme. Nous connaissons tous les difficultés que l'ANSSI peut connaître pour trouver des profils de spécialistes de ces questions, qui sont aujourd'hui fortement demandés. L'année 2017 a néanmoins permis à l'Agence de croître conformément à la trajectoire prévue, avec le recrutement de 51,6 agents. Fin 2017, elle comptait ainsi 148 agents. Pour le GIC, la croissance prévue n'a pu être atteinte, même si 27 agents ont été recrutés sur les 37 initialement prévus. Le GIC poursuit sa montée en puissance, avec 192 agents. Je puis néanmoins vous confirmer, sans entrer dans les détails, qu'il a pu atteindre ses objectifs tant en matière de réponse aux sollicitations des différents services que dans le cadre de la modernisation de nos moyens d'interception. Dernier volet de cette action traduite par le programme 129, les fonds spéciaux. Avec plus de 86 millions d'euros de dépenses, ils ont à nouveau atteint en 2017 un niveau très élevé, signe indirect du maintien de la menace terroriste envers notre pays.

Madame Dalloz, vous m'avez interrogé sur le CIVEN. Selon la Cour des comptes, c'est peut-être le seul élément qui fait peser un risque sur la soutenabilité du programme. En effet, la loi de programmation pour l'égalité réelle outre-mer a supprimé le critère de risque négligeable, vous en avez fait la juste exégèse. Celui-ci limitait le droit à l'indemnisation et, de fait, l'on constate à la fois une hausse du montant moyen des indemnisations, qui a doublé entre 2015 et 2017, et une hausse prévisible du nombre de demandes qui recevront une suite favorable. En conséquence, les ressources financières ont quasiment doublé par rapport à 2017 et sont passées de 4,9 à 8,9 millions d'euros. Je voudrais préciser aux parlementaires que si les crédits s'avéraient insuffisants en fin d'année, ce qui n'est pas encore établi, nous avons encore un peu de marge pour terminer l'exercice et le responsable du programme mobiliserait les crédits nécessaires.

S'agissant des AAI, l'analyse 2017 a été marquée par une nouvelle croissance de leurs activités et de leurs moyens. Mme Dalloz en a fait une analyse juste. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dont les effectifs sont passés à 50 agents avec 10 créations de postes cette année, a ainsi pu faire face au surcroît d'activité lié d'une part aux élections et à la mise place d'un nouveau gouvernement et de nouveaux députés, d'autre part à la mise en place de nouveaux registres des représentants d'intérêts. Se pose la question de la recherche d'un nouveau site, question difficile pour la Haute autorité, à la fois pour des raisons de marché et pour des raisons techniques et physiques liées aux archives de cette institution, par exemple – archives dont l'on imagine aisément le volume et donc le poids, ce qui complexifie la recherche.

La CNIL a vu son activité continuer à croître, avec notamment deux éléments : la préparation de la mise en oeuvre du nouveau règlement européen de protection des données personnelles (RGPD), qui est entré en vigueur le 25 mai dernier, mais également la mise en oeuvre du contrôle du dispositif de blocage administratif de sites Internet en lien avec le terrorisme et la pédopornographie. La CNIL a ainsi vu ses effectifs croître de 5 ETP en 2017, cet effort s'ajoutant aux 18 créations de postes depuis 2015. Pour le Défenseur des droits, la forte croissance du nombre de saisines de l'institution, en progression de 17 % en deux ans, a notamment pu être absorbée par la création de postes permise par la mutualisation des moyens des fonctions supports liée à l'installation sur le site de Fontenoy – le Défenseur des droits a d'ailleurs été l'un des premiers à s'installer sur ce site – et par la croissance du nombre de délégués territoriaux du Défenseur, qui sont passés de 396 à 475 en 2017, soit une augmentation de 20 %. Cette croissance des saisines des AAI se retrouve aussi pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), + 155 %, et pour la CADA.

Mme Dalloz, vous m'avez interrogé sur le rapport que la Cour des comptes a remis à la commission des finances sur la politique et la pratique des rémunérations des AAI – rapport dont vous êtes à l'origine. Je tiens à préciser que l'expression du Gouvernement ne peut qu'être mesurée, dès lors que nous nous trouvons en présence d'autorités indépendantes. Cette indépendance a d'ailleurs été démontrée par le vote de la loi du 20 janvier 2017 sur le statut général des AAI. Le Parlement a notamment confirmé l'exception aux règles de droit commun d'engagement des dépenses en dispensant les AAI de contrôle budgétaire, et a expressément écarté les règles de droit commun applicables en matière de cumul emploi-retraite dans le cas de recours à des agents contractuels. Toutefois, des propositions de mise en oeuvre d'un simple avis du contrôleur budgétaire sur les actes de recrutement et sur les rémunérations paraissent une piste intéressante. Elles sont inspirées des modalités d'exercice du contrôle budgétaire sur les dépenses de juridiction administrative et financière. Je pense qu'il faut aussi se féliciter des démarches qui pourraient être entreprises par les AAI elles-mêmes dans la mise en oeuvre d'un cadre de gestion de la rémunération des contractuels. J'ajoute que l'installation de plusieurs AAI sur le site de Ségur offre aussi des perspectives de mutualisation intéressantes, dont certaines sont déjà engagées. Si je devais prendre un exemple, ce sont, pour le Défenseur des droits, 5 ETP qui ont été redéployés vers les fonctions métiers, ainsi que je l'évoquais tout à l'heure.

J'en viens maintenant aux moyens communs à nos services déconcentrés, regroupés dans le programme 333. L'exécution 2017 s'élève à 176,2 millions d'euros en dépenses de personnel et 479,7 millions d'euros en dépenses de fonctionnement et d'investissement, contre 405,3 millions d'euros en 2016. Cette progression correspond à une importante extension de périmètre, avec le regroupement des crédits de fonctionnement courant des directions régionales qui est intervenu sans difficulté particulière. Au contraire, le regroupement de ces crédits a donné des moyens accrus pour faire face aux difficultés de gestion. Au final, le taux d'exécution des crédits du programme ressort à 98,8 %.

J'aborderai en quelques mots le budget annexe Publications officielles et information administrative. Pour contribuer à la réduction des dépenses publiques, la DILA poursuit ses efforts de maîtrise de ses effectifs et de ses dépenses de personnel. Ses effectifs ont été réduits de 50,9 ETP, pour atteindre 652,6 ETP en moyenne en 2017. La DILA s'est également employée depuis plusieurs années à réduire ses dépenses de fonctionnement, atteignant moins 8 % en 2017 en CP, contribuant ainsi à la maîtrise des dépenses publiques tout en maintenant, je crois, une capacité d'investissement suffisante pour la modernisation de ses différentes activités. La DILA a poursuivi, en effet, ses efforts de performance sur l'ensemble de ses missions, comme l'atteste d'ailleurs le maintien, en juin 2017, de la certification ISO 9001 pour les activités et prestations d'imprimerie. Elle poursuit ainsi sa modernisation, avec de nouveaux services et de nouveaux contenus, tout en veillant à la maîtrise de ses dépenses. Elle veille aussi à la stabilité de ses recettes encaissées, à 190 millions d'euros.

Dernier point, comme vous l'avez souligné, le déficit de la caisse des pensions s'accroît d'année en année, en raison de la croissance du nombre de retraités et d'une forte baisse du nombre de cotisants. Afin de contribuer à la maîtrise de ses déficits, l'assemblée de la caisse a accepté une hausse de 10 % des cotisations et une désindexation des pensions. L'actualisation d'une précédente étude sur les perspectives de la caisse indique que le déficit devrait se creuser jusqu'en 2030 avant de se résorber progressivement. Compte tenu de son coût, l'intégration du régime actuel dans le régime de droit commun AGIRC ou ARRCO est désormais abandonné, avec le sentiment que nous ne serions pas les bienvenus.

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